Georges APERGHIS (né
en 1945)
AVIS DE TEMPETE
Opéra (2004)
Livret de Georges Aperghis et
Peter Szendy,
avec des fragments de Herman
Melville,
Franz Kafka, Charles Baudelaire,
William Shakespeare et Victor
Hugo
Musique électronique de
Sébastien Roux
Donatienne Michel-Dansac, soprano
Johanne Saunier, actrice et danseuse
Lionel Peintre, baryton
Romain Bischoff, baryton
Ictus Ensemble
Direction : Georges-Elie Octors
Enregistrement live à l'Opéra
de Lille, novembre 2004
CYP 5621
59 minutes.
DSD SACD Stereo.
Créé à l'Opéra de Lille en novembre 2004,
en coproduction avec l'Opéra de Nancy et l'IRCAM,
Avis de Tempête
se voit bien sûr privé au disque de la mise en scène
d'Aperghis lui-même, de la vidéo de Kurt d'Haeseler et de
la scénographie de Peter Missotten (voir les intéressantes
notes de création sur le site
www.ictus.be
). Il faut donc imaginer la danse de Johanne Saunier, l'ensemble Ictus
réparti sur scène, et surtout la grande tour centrale où
le démiurge informatique, Sébastien Roux, pilotait la vidéo
projetée sur sept ailes blanches suspendues tantôt figuratives
(les chanteurs), tantôt abstraites. Sans ce double visuel de la course
haletante des sons, l'auditeur peut-il se raccrocher au texte, qui en devient
plus tangible, plus présent ?
Sans aucun doute, car le texte devient alors lui-même source d'images,
dans le réflexe désespéré du pauvre esprit
humain qui tente contre toute évidence de trouver un sens à
l'accumulation de références littéraires. Agencé,
ou plutôt diffracté, par le principe du cut-up, cette concaténation
de mots devient fascinante pour peu que l'on arrive à renoncer au
sens au profit du goût, de la matière sonore, de syllabes
qui se percutent, voix naturelles ou transformées électroniquement,
qui plus qu'une tempête météorologique, évoquent
une perturbation presque sadique de l'identité du chanteur irrésistiblement
transmise à l'auditeur (d'autant plus qu'il peut jouir de la technique
surround...).
(Avis de Tempête © www.aperghis.com)
Univers déboussolé de timbres, d'allitérations
textuelles et instrumentales, traumatismes volontaires, esquisses de narrations
qui sont autant de frustrations, à mille lieues de tout souci de
séduction ou de sens. Les interprètes maîtrisent de
façon royale les déluges de mots qui crépitent, les
pulsions - expulsions - de phonèmes, de bruits. De temps en temps,
l'écho lointain d'une polyphonie médiévale, la diction
a cappella d'une phrase qui a du sens, une harmonie qui soudain semble
étrangement "normale", ne soulage pas vraiment, mais accroît
encore l'inquiétude, comme le noeud d'un cyclone, avant que de nouveau
le "vieux crâne qui craque comme un verre this old skull cracks like
a glass" ne se laisse emporter par sa folie interne.
Préalable à l'écoute : se garder d'ouvrir le parapluie
dans la tempête, c'est-à-dire de chercher une cohérence,
une logique, et bien sûr encore moins une narration. Avouons-le :
n'ayant pas pu assister à la représentation scénique,
nous avons devant cet objet sonore été d'abord agressée,
ballottée, agacée, puis questionnée, intriguée,
captée, et pour tout dire captivée, bien que parfois noyée
dans le flux et le reflux, l'accumulation de procédés. Perturbation
mentale garantie.
Sophie ROUGHOL
NDLR : partition en téléchargement
libre sur www.aperghis.com
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