Richard
Strauss
Ariadne auf Naxos
Staatskapelle de
Dresde
Deborah Voigt (Ariadne)
Anne Sofie von
Otter (Compositeur)
Nathalie Dessay
(Zerbinetta)
Ben Heppner (Bacchus)
Albert Dohmen (Maître
de musique) Romuald Pekny (Majordome)
Klaus Florian Vogt
(Officier) Michael Howard (Maître de danse) Matthias Henneberg (Perruquier)
Jürgen Commichau (Laquais) Stephan Genz (Harlekin) Ian Thompson (Scaramuccio)
Sami Luttinen (Truffaldin) Christoph Genz (Brighella) Christiane Hossfeld
(Naïade) Angela Liebold (Dryade) Eva Kirchner (Echo)
direction Giuseppe
Sinopoli
2 CD Deutsche Grammophon
471323
LE TESTAMENT DE SINOPOLI
Le 20 avril dernier, à Berlin, Giuseppe Sinopoli s'effondrait
pendant une représentation d'Aïda. Ainsi prenait fin une carrière
prestigieuse menée sur les plus grandes scènes internationales,
de la Scala où il dirigea Ariadne auf Naxos, au festival de Bayreuth
où il s'était vu confier la direction musicale de la nouvelle
Tétralogie l'année précédente. Sinopoli avait
rarement fait l'unanimité, d'aucuns lui reprochant d'être
avant tout un symphoniste méconnaissant les règles de l'univers
lyrique, mais ses lectures n'avaient jamais laissé indifférent
et sa personnalité n'avait cessé d'intriguer. Cette Ariadne
auf Naxos, enregistrée à Dresde à la fin de l'année
2000, constitue son dernier enregistrement.
Disons-le d'entrée, cet enregistrement n'a aucune chance de faire
l'unanimité. C'est qu'il y a ici un parti pris délibéré
de ralentir l'action pour mettre en valeur chaque détail de la partition.
Ce parti pris est certes discutable, mais le résultat s'avère
véritablement fascinant. Rarement les richesses d'instrumentation
de cet opéra étaient ressorties avec autant de clarté
et les riches sonorités de la Staatskapelle de Dresde nous envoûtent.
Quel bonheur d'entendre ces cordes onctueuses et ces bois veloutés.
Le prélude, remarquable de légèreté et d'esprit,
donne le ton d'entrée et nous promet une lecture spirituelle et
ludique. Le prologue est animé, sans aucune pesanteur. Sinopoli
se montre très à l'aise dans la parodie du XVIIIe siècle
seria, mais peine en revanche à trouver le même esprit lorsqu'il
se trouve confronté à l'univers bouffe des comédiens.
La scène de Zerbinetta, habituellement si payante, est traitée
sans imagination et Nathalie Dessay, qui a convaincu par le passé
dans ce rôle, paraît comme anesthésiée, privée
d'esprit et même parfois de virtuosité. C'est dommage car,
par ailleurs, Sinopoli sait se montrer convaincant aussi bien dans les
moments de poésie élégiaque que dans les scènes
plus rythmées, comme cette fin du prologue menée à
cadence infernale.
On regrettera l'impersonnalité du compositeur d'Anne Sofie von
Otter qui ne parvient pas à donner au compositeur l'engagement et
la flamme que lui apportaient ses plus illustres devancières. Ben
Heppner est en revanche un superbe Bacchus, sans doute le plus grand titulaire
possible du rôle aujourd'hui. Quant à Deborah Voigt, elle
apporte à Ariadne un timbre lumineux et une réelle poésie,
malgré un aigu qui apparaît bien fragilisé. Les seconds
rôles sont impeccablement tenus , du maître de musique auquel
Albert Dohmen apporte le timbre et la stature du grand Wotan qu'il est
en passe de devenir, au maître de danse de Michael Howard en passant
par l'Harlekin du toujours impeccable Stephan Genz.
En définitive, Sinopoli nous offre ici un testament discutable
certes, mais véritablement fascinant.
Vincent Deloge
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