Bara Faustus'
Dreame
Mister Francis Tregian his choice
Anonymes :
Goe from my window - Come
sweet love (Bara Faustus' Dreame)
The shepheards' Joy (sur l'air
de Bara Faustus'dreame)
John Dowland (1563-1626)
:
Come when I call - From silent
night - If my complaints could passions move
Richard Allison (XVIe s., Ý
av.1609) :
Goe from my window
John Dowland - Jacob van Eyck
(v.1583-1657) :
Can she excuse
Peter Philips (v.1571-1628)
:
Pavana Dolorosa, Tregian -
Galiarda Dolorosa
Alfonso Ferrabosco Junior (v.1572-1628)
:
Dovehouse Pavan - Heare me,
O God (Four-notes Pavan)
William Byrd (1543-1623) :
Tregian's Ground
Giovanni Coprario (c.1570-1626)
: In darkness let me dwell
John Ward (1571-1638) :
Fantasy
Thomas Morley (1557-1602)
: O mistresse mine
John Dowland - Thomas Morley
:
Galliard Can she excuse -
Captaine Pipers Pavin
Nathalie Marec, soprano
Bruno Boterf, ténor
Charles-Edouard Fantin, pandore
Sylvia Abramowicz, dessus &
ténor de viole
Martin Bauer, basse de viole
Les Witches
Odile Edouard, violon
Claire Michon, flûtes
Pascale Boquet, luth
Sylvie Moquet, basse de viole
Freddy Eichelberger, claviorganum
& cistre
ALPHA 063, 1 CD, 66:33
Sous le titre énigmatique d'un poème
sans doute dédié à une certaine Barbara Forster, les
Witches nous proposent un voyage dans l'Angleterre élisabéthaine,
à l'époque de l'âge d'or des ayres and songs. Le sous-titre
: "Mister Francis Tregian his choice" mérite également quelques
éclaircissements : le compositeur Francis Tregian the Younger (1574-1619)
n'a jamais compilé ce recueil, même s'il fut le copiste du
Fitzwilliam Virginal Book alors qu'il était emprisonné à
la Tour de Londres selon la légende. Mais qui s'étonnerait
de ce petit tour de magie de la part des Witches ?
Dès le premier air "Goes from my window", l'auditeur esquisse
un mouvement de surprise : que fait donc un ténor dans ce monde
anglo-saxon qu'on avait définitivement associé au timbre
éthéré du contre-ténor ? On tente de se rassurer
en constatant que Bruno Boterf accorde une attention particulière
à la prononciation. Cependant, chacune de ses interventions révèle
un chant trop lisse, trop poli, affecté. La technique est là,
mais l'interprétation manque singulièrement d'inspiration
et de conviction. La mélodie crépusculaire d' "In darkness
let me dwell" accompagnée par la flûte charnue de Claire Michon
est trop fragmentée, Bruno Boterf forçant les accents (sur
"my hapless joy" notamment). Pire encore, le célèbre "Can
she excuse" de Downland donne lieu à un contresens flagrant. La
plainte amoureuse du Comte d'Essex rejeté par la reine, si bien
rendue par Deller (Vanguard Classics), se mue en chanson primesautière,
au rythme sautillant : "Let's go to the nearest Tavern" semble nous dire
ironiquement le ténor. La version instrumentale du même air
pêche par trop d'enthousiasme et il s'agit peut-être, somme
toute, d'une divergence fondamentale de points de vue : Robert Devereux
était-il vraiment au désespoir ? N'assiste t-on pas simplement
à la colère de pacotille d'un amoureux dépité
qui va aller courtiser une autre jeune damoiselle ? Les Witches penchent
résolument pour la seconde hypothèse...
C'est seulement dans "O mistress mine", composé par Morley sur
un texte de La Vallée des Rois de Shakespeare, que le ténor
parvient à véritablement s'approprier le texte, alors que
l'accompagnement complice insiste sur l'aspect dansant de la pièce.
Personnellement, j'inclinerais à penser qu'Alfred Deller reste insurpassable
tant sa lecture est infiniment plus fine et nuancée (Harmonia Mundi),
mais il faut avouer que cette version-ci se défend très bien
et bénéficie d'une lecture à la fois plus simple,
plus directe et plus franche.
La grande découverte de cet enregistrement s'appelle Odile Edouard.
Si son timbre est agréable dans les ensembles, la soprano se révèle
ensorcelante (le trait était trop tentant) dans les lamentations.
Elle parvient à merveille à rendre la mélancolie de
"From silent Night" ou de "Heare me, O god". Accompagné par les
gémissements lancinants des violes, son chant se déroule,
à tâtons, comme hésitant, alors que sa voix transparente,
un peu frêle et aux aigus presque douloureux, égrène
des notes qui s'étiolent et se meurent. Devant tant de peine, si
pudiquement exprimée, on ne peut que soupirer à l'unisson
ou chercher le plus vite possible le bouton "répétition"
de sa télécommande...
Les instrumentistes sont tous remarquables. Le continuo est très
présent, sans toutefois envahir l'espace dévolu aux solistes
et on félicitera l'ingénieur du son pour avoir parfaitement
rendu la délicatesse du luth et l'ambiance ronde et chaude dans
laquelle baigne l'enregistrement. Au diable les brumes blafardes de la
perfide Albion ! Les Witches (et Guest Witches) ont voulu privilégier
les timbres, jouant sur les associations colorées entre la flûte
et les violes, le cistre ou encore la pandore. "Come when I call" qui s'apparentait
à une triste complainte joué par un consort de violes (Fretwork
chez Virgin) retrouve soudain ses variations virtuoses. Freddy Eichelberger,
quant à lui, nous régale des sonorités mixtes du claviorganum
(profitons-en pour recommander le premier enregistrement de Gustav Leonhardt
sur cet instrument, paru chez le même éditeur) et son jeu
dans la "Pavana Dolorosa" ou le "Tregian's Ground" traduit à la
fois une grande maîtrise, une autorité naturelle et une indéniable
poésie. Au final, en dépit de quelques déceptions,
ce Bara Faustus' Dreame reste quand même un disque de rêve...
Viet-Linh NGUYEN
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