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LE BARBIER DE SEVILLE
Opéra de Gioacchino Rossini
Mise en scène : Emilio Sagi
Décors : Llorenç Corbella
Costumes : Renata Schussheim
Lumières : Eduardo Bravo
Réalisateur TV : Angel Luis Ramirez
Production : Angela Alvarez Rilla
Rosina : Maria Bayo
Figaro : Pietro Spagnoli
Almaviva : Juan Diego Florez
Dr Bartolo : Bruno Pratico
Don Basilio: Ruggero Raimondi
Berta : Susana Cordon
Fiorello : Marco Moncloa
Choeurs et orchestre du Teatro Real de Madrid
Direction : Gianluigi Gelmetti
Madrid, 2005
DVD Decca - Fév. 2006
POUR FLOREZ
En quelques années, Juan Diego Florez a fait d’Almaviva
son cheval de bataille sur les plus grandes scènes du monde (1).
On attendait avec impatience que le DVD fixe pour la
postérité son interprétation en tout point unique
de l’entreprenant séducteur. C’est chose faite avec
cet enregistrement madrilène qui, hélas, ne répond
que très partiellement à nos attentes.
Première déception, la production sans joie
d’Emilio Sagi. Un décor noir et blanc, des costumes
années trente, un jeu compassé… rien qui
n’évoque cette autre « folle
journée » de Beaumarchais. On se croirait même
plutôt dans un drame bourgeois dans l’entre-deux guerres
mis en scène par Claude Chabrol : un vieux mari, une femme
mûre et un gigolo. On attendait le
« Barbier », ce fut « Violette
Nozières ». Seul le final du II (une soirée
« Chez Michou ») vient apporter un peu de
lumière à ce sinistre ensemble.
Visiblement peu inspiré, le metteur en scène
réserve son imagination à l’animation de figurants
encombrants ou à des déplacements de décors
incessants et vains : quel intérêt de faire monter et
descendre le plateau au final de l’acte I si ce n’est pour
nous démontrer que la nouvelle machinerie du Real fonctionne
aussi bien que celle du Met ?
Vocalement, nous ne sommes pas non plus à la fête. Pietro
Spagnoli est plus près de Dandini que de Figaro : aucun
abattage, aucune présence, il traverse ce Barbier dont il
devrait être la cheville ouvrière comme un simple comparse.
Bruno Pratico a marqué de manière inimitable les
rôles de vieux barbons … sur d’autres
scènes : ici, il est comme bridé, engoncé
dans une conception théâtrale qui l’étouffe.
Heureusement, Ruggero Raimondi est un vieux singe à qui on
n’a plus besoin d’apprendre à faire des
grimaces : on pourra certes chicaner sur l’usure des moyens,
n’empêche que son excellent Basilio est un des rares
moments de théâtre de cette soirée.
La Berta de Susana Cordon est elle aussi en tout point parfaite :
bien chantante, grande présence et vis comica indéniable.
Le rôle de Rosina est écrit originalement pour un
mezzo : mais les sopranos se le sont vite attribué, du
vivant même de Rossini. Pourquoi pas ? Une voix de soprano
un peu léger peut apporter une note de fraîcheur et de
juvénilité ; de plus, les ornementations
autorisées dans ce répertoire peuvent être
l’occasion de quelques « contre-notes »
spectaculaires.
Dans ces conditions, on se demande vraiment pourquoi avoir choisi Maria
Bayo pour cette série de représentations. Voix
étriquée, vocalises laborieuses, aigus
précautionneux (et aucun suraigu), graves inexistants, absence
de coloration : ce n’était vraiment pas la peine de
prendre un soprano !
Dramatiquement, Maria Bayo est totalement dépourvue de vis comica,
son visage trahissant le moindre effort ou l’effroi devant la
difficulté. Dans sa robe à pois, cheveux
frisottés, elle ferait presque pitié en petite bourgeoise
sur le retour, malheureuse en ménage et qui songerait à
s’offrir une ultime aventure avant de vieillir.
Mais c’est Juan Diego qui fait tout le prix de cet
enregistrement. Une présence, une radiance, incomparables, de
l’abattage sans vulgarité et même un certain port
aristocratique, de l’humour : voilà pour le
théâtre.
Musicalement, on ne redira jamais assez combien son Almaviva est
lumineux, magnifiquement chantant, variant les couleurs et vocalisant
à la perfection : un miracle vocal.
Gianluigi Gelmetti dirige efficacement l’orchestre du Real :
on lui saura particulièrement gré d’avoir
rétabli les coupures habituelles : air de Berta et
« Cessa di piu resistere » d’Almaviva, et
même l’air additionnel de Rosina « Ah, se
è ver che in tal momento ».
Placido Carrerotti
(1)Sauf à Paris, mais ça, c’est une habitude de la capitale.
(2) Généralement
attribué à Rossini, cet air ne fait pas partie de la
partition originale ; il a été composé pour
la soprano Joséphine Fodor-Mainvielle lors d’une reprise
vénitienne de l’ouvrage, alors que Rossini était
dans cette même ville, préparant « Edoardo e
Cristina » pour le Teatro San Benedetto (Avril 1819). Il y a
tout lieu de penser que c’est bien Rossini qui composa
l’aria, qui s’inspire d’ailleurs d’un
« Sigismondo » antérieur. Philip Gossett a
retrouvé cette partition et Osborne McConnathy en a
réalisé une orchestration « dans le style de
Rossini », l’originale étant perdue.
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