Cecilia BARTOLI
Live in Italy
Cecilia Bartoli mezzo
Sonatori de la Gioiosa Marca
Jean-Yves Thibaudet piano
détails
Enregistré en public
au Teatro Olimpico de Vicenza
en juin 1998
1 DVD Universal Music (octobre
2001)
Une onde d'amour parcourt ce récital
de légende : amour réciproque d'un public survolté
(le théâtre le fut aussi au sens littéral, pour la
petite histoire...) et de LA Bartoli ; délectation physique et sensuelle
du chant, don total de l'artiste, public en lévitation. On a tout
dit, tout écrit sur Cecilia Bartoli... du moins le croyais-je, jusqu'à
la découverte du récent
Dictionnaire amoureux de Venise
de Philippe Sollers, admirateur transi de la dame, qui lui consacre à
propos de ce récital un portrait magnifique que je ne résiste
pas au plaisir de citer - me pardonnera-t-il de le mêler ainsi aux
contributeurs de
Forum Opéra ? - "Cecilia, dans sa belle
robe rouge, s'avance devant les musiciens. Elle tape un peu du pied, elle
les lance. Elle chante un air de Griselda [Agitata da due venti]. Tempête,
donc. Désespoir ? Ce n'est pas ce qu'on va entendre. Attendez Cecilia
sur le mot
naufragar. Elle le module avec une joie sauvage, elle
est ravie de sombrer, l'amour triomphe du devoir (
dolore, amore).
NAUFRAGAR ! Elle n'a jamais fait mieux, elle ne fera jamais mieux. Vitesse
et virtuosité confondantes, éclairs, coups de vent, tornade,
percussions, roucoulades, cela s'appelle, à l'époque de Vivaldi
et de Haendel, "tordre la voix de légèreté ". Elle
a voulu chanter dans ce théâtre, elle a minutieusement préparé
son attentat. Ça passe, ça ne casse pas, c'est inouï
de torsade. Le public est électrisé, un ange révolutionnaire
vient de vibrer. [...] Tout son corps est un instrument de souffle. Elle
peut être furieuse, idyllique, pseudo-naïve, sentimentale, drôle,
sadique, tendre, rêveuse, enfantine. Elle a fait le tour des mille
détours. Elle prend les mots à la racine (divin italien),
elle les étire et les broie, elle les catapulte, les caresse et
les fouette. [...] Une telle aptitude à la volupté abolit,
chirurgicalement, des tonnes de musique romantique inutiles. Bartoli est
une sorcière, une fée, une débauchée, une fille
du peuple sensuelle et gaie, une artiste incroyable, une merveilleuse femme
de la vie courante, une camarade, une aristocrate, une reine. Elle descend
de tous les tableaux vénitiens, Vénus, saintes, elle est
là, à la fin du XXe siècle et au début du XXIe."
La première force de l'interprète : ce qu'elle est humainement,
une nature, un personnage. C'est en ce sens - et en ce sens seulement -
qu'on peut la comparer à LA Callas, magnétique comme elle,
palpitante comme elle, mais avec plus de naturel, de spontanéité,
et ce bonheur de vivre si contagieux. Comme la Callas, elle ne chante pas
ces rôles, elle EST tour à tour chacun d'entre eux. Ensuite,
et ensuite seulement, parlons de son chant : ce timbre avant tout, aux
couleurs si variées, ce mezzo dramatique qui prend toute sa splendeur
dans Rosine ou Cenerentola. Autre prodige, cette façon d'empoigner
les mots, de les mettre en bouche et de les lancer, chacun avec sa saveur,
en variant à l'infini le débit du legato étiré
avec délectation (Caccini) à la rafale la plus ahurissante
(Vivaldi, Viardot). Des défauts ? Oui, il n'y a pas d'infaillibilité
vocale : des graves parfois artificiellement assombris car la tessiture
est plutôt celle d'un mezzo clair, quelques dérapages fugaces
de justesse dans l'enthousiasme des vocalises, une tendance à durcir
l'émission dans les forte, un français perfectible.
Mais le don de soi... et l'intelligence ! C'est elle qui explose à
chaque instant de ce récital, dans le choix du programme, de la
part d'une artiste qui connaît ses propres limites, et ses forces.
Un récital en forme de bonheur, capté avec intelligence dans
une architecture sublime, et aux côtés de Cecilia Bartoli,
des Sonatori complices et un Thibaudet ronronnant de tendresse.
Indispensable !
Sophie ROUGHOL
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