Maria BAYO
CANCIONES ESPAÑOLAS
Eduardo TOLDRÁ
Seis Canciones Castellanas
La zagala alegre ; Madre, unos ojuelos vi ;
Mañanita de San Juan ; Nadie puede ser dichoso ;
Cantarcillo ; Después que tu conocí
Enrique GRANADOS
Tonadillas
El majo discreto ; La maja dolorosa ;
Amor y odio ; El mirar de la maja ;
El tralalá y el punteado
Maurice RAVEL
Mélodies populaires grecques
Tripatos ; Le réveil de la mariée ;
Là-bas vers l'église ;
Quel grand galant m'est comparable ;
Chanson des cueilleuses de lentisques ; Tout gai
Xavier MONTSALVATGE
Canciones negras
Punto de habanera ;
Cancion de cuna para dormir a un negrito
Jesús GURIDI
Canciones castellanas
Mañanita de San Juan ;
Allá arriba, en aquella montaña ;
No quiero tus avellanas
Jaime OVALLE
Canção brasileira, op.21 (Azulão)
María BAYO, soprano
Malcolm MARTINEAU, piano
1 CD Naïve V 4933 ; TT : 50'12''
Enregistré en avril 2002
au Théâtre Fraga de la Fundacion Caixa Galicia, Vigo.
NB : Signalons une regrettable erreur dans le livret
d'accompagnement,
qui voit inversées deux des mélodies
de Jesús Guridi (plages 21 & 22)
Artiste éclectique, aussi à l'aise dans la volcanique
sensualité de
La Calisto de Cavalli que dans les brillants
éclats de Musetta (
La Bohème de Puccini), avec de
surcroît un penchant marqué pour la
zarzuela, María
Bayo ne perd pas une occasion de faire la part belle dans son répertoire
à la musique espagnole, et c'est tant mieux.
Sous le limpide (et banal) intitulé Canciones Españolas,
la soprano espagnole a cette fois choisi de regrouper une vingtaine de
mélodies du XXe siècle, toutes d'inspiration populaire. En
un programme remarquablement agencé, María Bayo nous promène
de la Castille au Brésil, en faisant un petit crochet par la Grèce
(revisitée par le basque Maurice Ravel) et les Antilles (revues,
elles, par l'espagnol Xavier Montsalvatge). Tous les compositeurs convoqués
à cette croisière ont en commun une grande simplicité
de langage et une certaine sobriété ; et jamais l'inspiration
populaire des textes mis en musique ne sert de prétexte à
recomposer un folklore de pacotille.
De la partie plus proprement "espagnole" du programme, c'est sans aucun
doute Granados qui accroche le plus dès la première écoute.
Les extraits de sa Colección de Tonadillas escritas en estilo
antiguo ici sélectionnés donnent à entendre une
magnifique sensibilité, frappante de justesse et de pudeur, notamment
dans des pages aussi tragiques que La maja dolorosa (¡Ay
majo de mi vida, tú no has muerto !) ou El mirar de la maja,
mais aussi une certaine espièglerie (El tralalá y el pinteado,
El majo discreto) ; et sa grande science du piano ne manque pas de
donner un relief particulier à l'accompagnement, contrepoint subtil
de la voix venant discrètement souligner ce qu'elle n'ose mettre
en avant. Eduardo Toldrá, de son côté, traduit avec
une remarquable tendresse la naïveté (au sens littéraire
et pictural du terme) des poètes du Siècle d'Or : Pablo de
Jérica, Lope de Vega ou encore Garcilaso de la Vega, et ses Canciones
castellanas, d'une remarquable fraîcheur et d'une grande expressivité,
et qui exercent elles aussi une durable séduction - séduction
qu'une écoute répétée ne fait qu'augmenter.
Les trois Canciones catellanas de Jesús Guridi, quant à
elles, sont nimbées d'une simple et grave poésie qui n'est
pas sans exercer une certaine fascination.
Composées par un Ravel trentenaire dont la personnalité
musicale est en plein développement, les Cinq mélodies
populaires grecques ne manquent pas de charme et offrent un agréable
interlude à l'auditeur avant d'entamer une traversée vers
une Amérique du Sud chaleureuse et languide.
De ces pages pleines de délices, l'interprétation de María
Bayo et Malcolm Martineau n'appelle que des éloges. La soprano prête
avec bonheur sa voix légère et acidulée aux lignes
élégamment aériennes de Toldrá et Granados,
se délectant au passage des textes avec un goût de la simplicité
et de la discrétion idéales dans ces pièces qui requièrent
avant tout une grande sobriété de la part de l'interprète.
Des Canciones castillanas, la navarraise cisèle avec sensibilité
et gourmandise la subtile variété d'humeurs ; et l'on se
laisse très volontiers envoûter par le charme mutin et la
fausse candeur de cette señorita, qu'elle soit enjouée (La
zagala alegre, Mañanita de San Juan), perdue dans d'heureuses
rêveries (Despues que te conocí) ou tourmentée
par un amour sans issue (Madre, unos ojuelos vi, Nadie puede ser dichoso).
Granados, plus dramatiquement contrasté, bénéficie
de la même finesse, et l'on se prend, en écoutant ces quelques
Tonadillas,
à rêver d'un récital entièrement consacré
à ce compositeur, tant la palette raffinée de nuances (timbriques
et dynamiques) de la soprano y fait merveille.
On passe rapidement sur des Mélodies populaires grecques
agréablement chantées mais peu marquantes, en dépit
d'une luminosité fort bienvenue (Quel galant m'est comparable,
Chanson des cueilleuses de lentisques notamment) - la prononciation
française un peu voilée de la chanteuse n'y est sans doute
pas pour rien. La partie "exotique" du programme (Montsalvatge, Ovalle),
en revanche, nous permet de retrouver une María Bayo plus en situation,
avec un Punto de habanera léger et souriant, une Cancion de cuna
para dormir a un negrito (grand favori de toutes les chanteuses du
monde dans la catégorie "bis qui fait toujours plaisir au public")
délicieusement chaloupée et caressante, et plus encore, peut-être,
un Azulão miraculeusement aérien et onirique qui,
susurré avec langueur et sensualité, offre une magnifique
coda à ce récital savoureux.
Au piano, Malcolm Martineau signe un rêve d'accompagnement, diaphane
et subtilement poétique, transparent mais en même temps paré
de magnifiques moirures debussystes qui siéent à merveille
à ce répertoire scintillant et léger comme une douce
brise de soir d'été sur la Méditerranée.
Mathilde Bouhon
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