LA BELLA
DEVOZIONE
Musica religiosa policorale (Napoli
sec. XVII)
Francesco Provenzale (1624-1704)
Pange Lingua - inno a 9 voci
e strumenti
Dialogo sacro a 5 con instrumenti
Cristofaro Caresana (1640-1709)
Sonata a 8 parti
Missa a 8 voci e strumenti "exultet
orbis gaudilis "
Capella de'Turchini
Direction Antonio Florio
Roberta Andalo, soprano
Emanuela Galli, soprano
Maria Grazia Schiavo, soprano
Assia Polito, alto
Daniela Del Monaco, alto
Giuseppe De Vittorio, ténor
Stefano Di Fraia, ténor
Giuseppe Naviglio, basse
Pierre Thirion Vallet,
basse
Naïve, opus 111,
enr. 2002, OP 30 360.
Voir Naples et mourir...
La polychoralité ne fit son apparition à Naples qu'assez
tardivement : la baie dominée par l'imposante silhouette du Vésuve
endormi privilégiait en effet les voix solistes jusque vers 1630,
contrairement à Venise et Rome. Dans cette Naples dominée
par la silhouette médiévale du Maschio Angioino de la dynastie
angevine, trop facilement décriée comme musicalement archaïque,
les oeuvres de Provenzale puis de Caresana témoignent d'un art subtil
alliant spiritualité et théâtralité. Etait-ce
vraiment pour soustraire le peuple aux excès du carnaval et le ramener
dans les églises aux colonnes de marbre ? Ou plus simplement pour
honorer Dieu avec grandeur ?
Antonio Florio nous convie à un formidable voyage musical. Il
a su capter à merveille ce climat de ferveur populaire, cette piété
bon enfant, confondante de naturel et de simplicité de l'Italie
baroque. Celui qui ne connaît pas les tortueuses ruelles baignée
d'un soleil écrasant, les façades austères des palais
et la surabondance toute baroque des nefs polychromes trouvera ici le portrait
musical de la cité ; les autres reconnaîtront son atmosphère
chaleureuse et toujours en mouvement.
Le Pange lingua gloriosi composé vraisemblablement vers
1667 connut une surprenante longévité. Exécuté
jusqu'au XIXème siècle, il reste à première
vue assez traditionnel, rappelant un peu Gabrieli avec ses contrastes entre
les deux choeurs et ses harmonies simples sans cesse martelées.
Pourtant, au fur et à mesure, la partition s'aère, révèle
ci-un joli contrepoint, ci-une ritournelle de violons. La Capella de' Turchini
est absolument irréprochable et l'on ne sait plus quoi louer de
la cohérence des parties chorales, de l'accompagnement complice
des continuistes, ou des sonorités grainées des cordes. La
"messe à 8 voix" de Caresana de facture très contrapuntique
permet à l'auditeur de prolonger ce moment de bonheur, alors que
la "sonate d'église à 8 parties" qui la précède
constitue encore l'occasion de s'extasier sur la beauté de cordes
de la Capella. Rarement le violon baroque aura atteint ce son chaud, plein,
charnu, sans jamais être trop rêche ou strident...
Enfin, l'oratorio Dialogo per la Passione, attribué à
Provenzale, s'avère beaucoup plus théâtral et moderne,
alternant récitatifs et airs. Le Grand Siècle touche à
sa fin et Alessandro Scarlatti n'est pas si loin... Malheureusement, l'ensemble
est nettement moins convaincant. La Cappella paraît mal à
l'aise au sein de ce langage trop profane : l'orchestre s'éteint
soudain. A la recherche du joli son, les mesures s'étiolent, les
passages instrumentaux patinent. En un mot, les récitatifs sont
trop statiques, les airs peu contrastés, les tempi suintant
d'une molle onctuosité. Si les soprani chantent toujours
avec autant de grâce, les interprètes masculins accusent quelques
faiblesses en tant que solistes. Par exemple, le ténor Rosario Totaro
semble forcer sur sa voix et se laisse submerger par un orchestre pourtant
peu envahissant, comme dans l'air "Benché l'ira il sen m'accenda".
Toutefois, en dépit de ce Dialogo un peu décevant
(mais tout fait honorable), la "Bella Devozione" représente un extraordinaire
échantillon du baroque napolitain, d'une force et d'une spiritualité
quasi-hypnotiques, à se procurer de toute urgence au milieu de la
grisaille hivernale.
Viêt-Linh NGUYEN
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