Berlioz
- Roberto Alagna
Roberto Alagna (ténor)
Angela Gheorghiu* (soprano)
Gérard Depardieu (récitant)
Orchestre de Covent Garden (direction : Bertrand de Billy)
Maîtrise de Paris
Choeur "Les Eléments"
Choeur de l'Armée française
Les Troyens : Du peuple et des soldats / O blonde Cérès
Inutiles regrets...
Ah ! quand viendra l'instant... En un dernier naufrage ;
L'Enfance du Christ : Le repos de la Sainte Famille -
Les pèlerins étant venus ;
Roméo et Juliette : Bientôt de Roméo...
Mab, la messagère ;
La Damnation de Faust : Merci, doux crépuscule
!
Grands Dieux ! ... Ange adoré* / Nature immense ;
Huit scènes de Faust : Maintenant que le ciel brille...
;
Béatrice et Bénédict : Ah ! Je vais
l'aimer ;
Lélio, ou le retour à la vie : L'onde frémit,
l'onde s'agite /O mon bonheur, ma vie ;
Benvenuto Cellini : Une heure encore... La gloire était
ma seule idole
Seul pour lutter... Sur les monts les plus sauvages ;
La Marseillaise
Enregistré en 2002
1 CD EMI Classics 7243 5 57 433 2
Depuis une dizaine d'années, Roberto
Alagna défend le répertoire français avec conviction
et avec talent. Il était donc normal, en cette année du bicentenaire
de la naissance d'Hector Berlioz, qu'il signe un récital entièrement
consacré au plus romantique de nos compositeurs. Il a souhaité
offrir de l'oeuvre de Berlioz un panorama complet, explorant l'ensemble
de sa production lyrique. Ce que nous gagnons de ce fait en intérêt
documentaire nous le perdons en unité, notre ténor national
se confrontant à des rôles qui exigeraient dans l'absolu plusieurs
interprètes différents. Quoi de commun par exemple entre
la bravoure d'Enée et la poésie d'Iopas ?
Nous retrouvons tout au long de cet enregistrement certaines des qualités
qui rendent notre ténor unique, et en premier lieu une diction d'autant
plus exemplaire qu'elle est parfaitement naturelle - chaque mot est ici
d'une parfaite intelligibilité. Le timbre a bien sûr gardé
sa séduction et l'interprète cette énergie et cette
fièvre dans l'accent qui le rendent irrésistible sur scène.
Il manque malheureusement à cette voix taillée pour de plus
larges défis un peu de souplesse et de legato dans certaines
pages qui appelleraient davantage un pur mozartien, voire un évangéliste.
Parfois aussi, comme dans le récit de la mort de Laocoon qui ouvre
ce récital, l'héroïsme paraît un peu forcé,
et l'énergie farouche déployée pour composer le personnage
ne nous fait pas oublier une ligne de chant assez perfectible. "Inutiles
regrets" est donné comme l'a souhaité le compositeur "dans
une grande agitation", peut-être même avec un excès
d'agitation, mais le plus beau moment de cet Enée reste à
mon sens "Ah ! quand viendra l'instant" où Alagna nous offre un
pur moment de lyrisme.
Ce n'est pas faire injure à un chanteur dont j'ai eu le plaisir
de recommander ici sans réserve le précédent récital
que de constater que certaines des interprétations de cet enregistrement
restent anecdotiques, d'autant qu'il nous distille par ailleurs d'excellents
moments. Plus que dans un récit de l'Enfance du Christ investi
et luxueux, mais auquel manque une certaine clarté d'expression,
Alagna trouve un terrain propice dans le Faust de la Damnation et
davantage encore dans un Benvenuto Cellini qui nous fait attendre
avec impatience l'intégrale discographique annoncée. Ici,
le ténor trouve un rôle à la parfaite mesure de ses
moyens et dans lequel nul n'est capable de rivaliser avec lui aujourd'hui.
Quelle noblesse d'expression ! Quel équilibre entre ardeur et poésie
! Dans ce registre, Roberto Alagna n'a pas d'égal, c'est certain.
Signalons encore la reine Mab - tellement plus pittoresque que celle
de Gounod - abordée avec beaucoup d'humour et un plaisir perceptible,
et un Bénédict enfin jeune et ardent, arraché pour
une fois à sa mièvrerie. Gérard Depardieu et Angela
Gheorghiu apportent leur nom au générique sans tenir un rôle
essentiel et l'on peut regretter la relative insignifiance du commentaire
orchestral apporté par un Bertrand de Billy indifférent,
qui ne semble pas partager la passion d'un Colin Davis pour ce répertoire
exigeant et rarement servi à sa juste valeur.
En définitive, il serait dommage de faire l'impasse sur cet album
dont l'éclectisme constitue la force autant que la faiblesse, car
il rend tout à fait hommage à la personnalité et au
talent d'un chanteur hors du commun, ainsi qu'au génie et à
la versatilité d'un compositeur qui a écrit pour la voix
de ténor des pages véritablement magnifiques.
Vincent Deloge
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