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Giuseppe VERDI
SIMON BOCCANEGRA
Simon – Alexandru Agache
Amelia – Kiri Te Kanawa
Jocapo Fiesco – Roberto Scandiuzzi
Paolo Albani – Alan Opie
Pietro – Mark Beesley
Gabriele Adorno – Michael Sylvester
Chœur et orchestre du Royal Opera House,
Covent Garden, dir. Sir Georg Solti
Mise en scène : Elijah Moshinsky
DECCA (live 1991)
Solti crée la surprise
DGG avait déjà publié un Boccanegra
avec l’Amelia incroyable de Dame Kiri Te Kanawa, captée en
1995 au Metropolitan de New York avec, comme partenaires principaux,
Domingo et Chernov, et Levine à la baguette. On en garde le
meilleur souvenir, est-il besoin de le préciser. Avec la
présente publication, Decca nous entraîne quelque trois
années plus tôt, dans un univers visuel sans doute moins
pesamment « historique » (certains
diraient : « kitsch ») de l’ouvrage,
et d’une certaine manière, plus sensible à la magie
propre de cette musique. Certes, les décors et costumes restent
très conventionnels, mais jouent à fond le jeu des
marines nocturnes, du céruléen que Verdi a si bien su
rendre palpables dans sa musique. Une fois encore, c’est la
relative neutralité de ce qui est donné à voir qui
laisse place au théâtre de la musique – et
l’équipe réunie autour de Solti a de quoi faire passer le frisson sans débauche de moyens scéniques !
Kiri Te Kanawa,
déjà Amelia dans l’enregistrement de studio
réalisé par Decca en 1988 avec le même Solti
à la baguette, mais avec Nucci, Burchuladze et Aragall à
ses côtés, déploie son timbre de rêve,
idéalement adapté aux moirures du rôle. Certes, le
trille n’est pas celui de Rethberg ou de Victoria de los Angeles,
mais ce n’est pas à ça qu’on jugera une
Amelia ! Et l’aigu, étrangement, principalement dans
les premières scènes, n’a pas la facilité
qu’on lui a connue – et qu’on lui connaîtra de
nouveau, même plus tard (mémorable Otello
par exemple, 1992, avec Domingo et Leiferkus, toujours sous la baguette
de Solti dans le même Royal Opera House). L’incarnation est
poignante de bout en bout, l’artiste trouvant des trésors
de nuances – et jouant avec une économie de moyens assez
remarquable. Peut-être un rien moins parfaite qu’elle ne le
sera au Met, elle n’en est pas moins la plus bouleversante des
grandes Amelia de ces dernières années.
Le Gabriele de Michael Sylvester est
la grande révélation de cette soirée. Timbre
insolent d’éclat et de fraîcheur malgré
l’âge (la cinquantaine !), nerveux comme le personnage
l’exige. Nerveux également, le Simon d’Alexandru Agache,
sonore, mordant – et finalement moins nuancé qu’on
ne pourrait l’attendre. On est loin des nuances
mélancoliques qu’un Tibbett pouvait ici véhiculer,
et les doutes ne sont pas les sentiments les plus perceptibles dans ce
chant véhément. Mais ne boudons pas notre plaisir, tant
l’énergie est communicative. Scandiuzzi et Opie sont formidables dans les rôles souvent moins bien tenus de Fiesco et Albani.
Mais c’est Solti qui
surprend : on connaît les excès du chef, ses
nervosités, ses ruptures narratives parfois trop forcées,
que ses « premiers » disques ont
légué à la postérité. En ce
début des années 90, le vieux maître s’est
sinon assagi, du moins apaisé. Pour qui connaît son
enregistrement de studio, le contraste est saisissant : le jeu se
concentre ici sur la ligne, la continuité, et les timbres.
L’action ne découle plus uniquement des jeux de dynamiques
et de tempi, ce qui permet
aux chanteurs – dans ce genre de rôles du moins –
d’approfondir la caractérisation de leurs personnages dans
un sens beaucoup moins extraverti, moins
« vériste » que par le passé.
David FOURNIER
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