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Giacomo PUCCINI (1858-1924)
LA BOHEME
Mimi, Mirella Freni
Musetta, Adriana Martino
Rodolfo, Gianni Raimondi
Marcello, Rolando Panerai
Schaunard, Gianni Maffeo
Colline, Ivo Vinco
Benoît, Carlo Badioli
Alcindoro, Carlo Badioli
Parpignol, Franco Ricciardi
Coro del Teatro alla Scala
Orchestra del Teatro alla Scala
Herbert von Karajan
Mise en scène, Franco Zeffirelli
Costumes, Marcel Escoffier
Régie, Wilhelm Semmelroth
1 DVD Deutsche Grammophon, 00440 073 4071
Au pays de Zeffirelli
Pas besoin de regarder la pochette du disque ; Zeffirelli est bien
au manettes. Le pays de Franco est à l’opéra ce que
celui de Candy est à l’animation : image luxuriante,
couleurs à la fois agressives et délicatement
passées, ambiance vaguement étouffante et
naïveté un brin proverbiale. Il ne manque rien ici. Tout
est là au contraire ; et même franchement là. La
mansarde du I est délabrée juste ce qu’il faut pour
faire un peu Cosette (adorable plâtre qui fout le camp et vue
imprenable sur un Paris en toile peinte) ; le café du II
vaut tous les Zola de la terre avec son effervescence de maison de
poupées ; le III est noyée d’une neige comme
vous n’en verrez plus (même pas chez Ponnelle) ; le IV
est à l’avenant. Bref si vous aimez l’ethnologie
visuelle, vous adorerez cette captation ; dans le cas contraire,
n’allumez pas votre téléviseur et contentez-vous
d’écouter.
Quelle bande son ! Karajan a, là, tout ce qui manque
(même de manière infinitésimale) à son
enregistrement de studio. Il a la spontanéité,
d’abord ; l’emportement viscéral des jeunes
années ; la flamme, la vigueur ; le génie de
l’ambiance aussi (ah ! les couleurs mornes qu’il jette
sur le III). Il a, aussi, un orchestre qui chante dans sa langue, avec
même une pointe de gouaille, de débraillé que les
Wiener Philarmoniker, même un peu déboutonnées,
n’ont jamais eu et n’aura jamais. Ce flot continu emporte,
submerge et subjugue.
Et comme la distribution répond bien à son chef !
Passons rapidement sur une Musette qui a dû être choisie
pour ses aptitudes face à la caméra plus que pour ses
affinités avec le micro. Elle n’est pas
déshonorante, loin s’en faut. Un peu agressive
seulement ; un peu aigre. Une Musette light
en fait mais qui a, malgré tout, l’incroyable
mérite de vivre, de vibrionner, d’habiter la
mémoire là où Harwood, chez DECCA, refroidissait
un peu le second acte !
Passons aussi rapidement sur le « non-physique »
de jeune premier de Gianni Raimondi ; l’Alfredo, le Percy de
Callas a plus à faire valoir. Ce n’est pourtant ni le di
Stefano des jeunes années… et pas même le Pavarotti
de la maturité. Pas Gigli non plus, ni Björling.
C’est Gianni Raimondi en fait qui chante son Rodolfo un peu
univoquement, coincé, lui aussi, quelque part entre image
d’Epinal et premier-degré naïf. Mais le timbre
est franchement beau, assez solaire, délié, même si
l’aigu n’est pas la partie la plus confortable de son
ambitus. La ligne est vive et souple. Ce gros garçon-ci ne
triche pas et il emporte finalement l’adhésion par ce
jusqu’au-boutisme permanent. Soit dit entre nous, on finit
même par croire à son désespoir au chevet de
Mimi… Alors, que demande le peuple ?
Le reste des messieurs est excellent. Panerai d’abord joue avec maestria
de son organe vibrant, cuivré, de son éloquence, de sa
présence animale. Très bon Marcello. Ivo Vinco
n’est pas Ghiaurov. Attention blasphème ! Dieu me
pardonne ! Tant mieux, oserais-je dire… Ce Colline suinte l’italianità et nous épargne les raucités des ogres cosaques qui hantent le rôle. Un bon point donc, encore.
Un bon point mais rien en regard du « miracle »
Freni. Je pense (et cela n’engage que moi) que la toute belle
Mirella n’a jamais été meilleure que dans ce
rôle. Je pense aussi qu’elle a vite perdu, au contact de
rôles qui dépassaient manifestement son organe (mais pas
son intelligence, c’est évident) ce qui fait tout le prix
de cet enregistrement. Avec Karajan, en studio, il est
déjà presque trop tard. Ecoutons-là donc ici. La
voix est bien tendre et parée de reflets si doux. La ligne de
chant est un modèle. La féminité est
délicate ; infiniment. Les deux airs sont des mondes en
soi, des leçons autant que de purs moments de musique. Et si
nous tenions, là, la Mimi du demi-siècle ?
Bref je résume : avec Zeffirelli, deux
étoiles ; sans, quatre étoiles. Ce qui nous fait,
donc une moyenne de trois étoiles et un achat plus que
recommandable.
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