BRAHMS
Ein Deutsches
Requiem
(version londonienne pour piano
à 4 mains)
Sandrine Piau, soprano
Stéphane Degout, baryton
Brigitte Engerer,
Boris Berezovsky, pianos
Accentus
Laurence Equilbey
Enregistrement juin-juillet 2003
1 CD Naïve 8 22186 04956
3
Durée 64'54''
Latin ou allemand ? Catholique ou luthérien ? Le
Deutsches
Requiem de Brahms, par son titre seul, porte en lui un paradoxe que
cette nouvelle gravure ne fait que rendre plus évidente. Chaque
parti pris de Laurence Equilbey sert et dessert ces deux tendances, preuve
que l'oeuvre est profondément ancrée dans une double tradition.
Concernant le choix de la version londonienne par exemple. Réduction
pour piano à quatre mains de Brahms lui-même afin de faciliter
la diffusion de son oeuvre, cette version confère à la messe
des Morts une atmosphère fauréenne et debussyste par
le seul accompagnement pianistique. En même temps, elle met le choeur
au premier plan et inscrit l'oeuvre dans la tradition allemande des motets
a
capella, de Bach à Bruckner.
Ce qui est sûr, en revanche, c'est que l'oeuvre apparaît
ainsi sous un jour totalement neuf. C'est bien le Deutsches Requiem
que nous entendons là, mais pas celui que nous connaissions - ou
pensions connaître.
La question n'est pas alors de juger quelle version est supérieure
à l'autre, mais de constater que celle pour piano laisse le choeur
un peu au dépourvu. Ce que l'on perd en luxuriance et en beauté
orchestrales, on ne le compense que partiellement en liquidité et
fluidité pianistiques. Plus gênant est le fait que le choeur,
sans le tapis sonore et le soutien orchestral, manque parfois de plénitude
et d'homogénéité. Les trompettes du Jugement Dernier
manquent ainsi d'impact, le chant des sopranos d'angélisme et de
velouté. Les attaques et phrasés incisifs sonnent parfois
avec sécheresse. Un peu de réverbération dans la prise
de son aurait fait merveille... Mais qu'on ne s'y trompe pas. Ce ne sont
là que des détails qui ne doivent pas faire oublier l'impression
générale que laisse cette écoute. Un Deutsches
Requiem méconnaissable, terrifiant et d'une humanité
bouleversante. Un Requiem essentiellement d'ombres et de ténèbres,
parfois éclairé d'une lueur d'espoir : "Je vous consolerai
comme une mère console son petit". Cette mère, c'est bien
plus Sandrine Piau que Laurence Equilbey, qui conduit inexorablement et
implacablement son ensemble jusqu'à l'accomplissement final : "Oui,
dit l'Esprit, ils se reposeront de leurs travaux : car leurs oeuvres les
suivent."
A l'écrin finement ciselé pendant plusieurs mois de tournée
à travers la France s'est ajouté pour l'enregistrement un
joyau en la personne du soprano lumineux de Sandrine Piau. Moins maniéré
que d'ordinaire, son chant est d'une simplicité et d'une pureté
qui font de son "Ihr habt nun Traurigkeit" un moment d'apaisement et de
compassion dans une oeuvre de bout en bout hantée par l'ombre de
l'Apocalypse.
Fidèle à l'aventure depuis les premières représentations
aixoises, Stéphane Degout a acquis une aisance, une autorité
et une solennité qui lui permettent un chant d'une grandeur dénuée
d'effets ou d'emphase inutiles. Là encore, ce que l'on perd avec
des artistes "latins", on le gagne par la sensibilité et la musicalité,
incomparables, des interprètes.
Si elle hésite parfois et ne convainc pas toujours par ses choix,
Laurence Equilbey assume néanmoins ses options et mérite
que l'on s'y arrête. A l'image de la pochette, qui met en avant le
nom du choeur plus que celui de l'oeuvre, c'est bien une prestation d'Accentus
qu'on entend ici plus que le Requiem de Brahms. Mais il serait bien
mal venu de s'en plaindre, eu égard aux beautés qu'il nous
réserve.
Sévag TACHDJIAN
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