Benjamin
Britten
The Turn of the
Screw
(le Tour d'écrou)
Prologue/Peter Quint : Ian Bostridge
The Governess : Joan Rodgers
Miles : Julian Leang
Flora : Caroline Wise
Mrs. Grose : Jane Henschel
Miss Jessel : Vivian Tierney
MAHLER CHAMBER ORCHESTRA
Direction Daniel Harding
CD Album/s(x2) : Virgin Classics
5455212
CD 1 52:28 (Prologue, Act 1)
CD 2 54:26 (Act 2)
Dans le
dossier que Forum Opéra
consacrait à Benjamin Britten ; Mathilde Bouhon et Jean-Christophe
Henry nous ont proposé une lecture passionnante des thèmes
centraux de ce
Tour d'écrou. Près de cinquante ans
après sa création, cet opéra reste une des oeuvres
les plus inquiétantes du répertoire ; elle est aussi une
des seules à véritablement oser aborder l'horreur dans son
aspect surnaturel. Peut être Leos Janacek avec son
Affaire Makropulos
et Richard Rodney Bennet avec ses
Mines of sulfure sont-ils parvenus
à atteindre le même degré d'effroi.
Dans le Tour d'écrou, Benjamin Britten triture deux cordes
maîtresses de notre angoisse: la mort et la fragilité de l'enfance
face à l'homme. Ce second thème, plus que jamais d'actualité,
à inspiré nombre de grands penseurs du vingtième siècle
; à commencer par Michel Tournier dans son Roi des Aulnes
et Henri de Montherlant dans La ville dont le prince est un enfant.
À propos de cette oeuvre, justement, un journaliste écrivait
lors de sa création: tout pourrait compromettre la pièce:
"le plus douteux visage de la passion, la littérature, un acquiescement
aux modes détestables et aux complaisances du gidisme .." Offrir
le Tour d'écrou au public des années cinquante, comme
offrir La ville, n'était pas une mince affaire ; c'était
aller au delà des oukases d'une société fermée
à l'exploitation d'un sujet qui - déjà - était
rangé au placard de l'hypocrisie.
Benjamin Britten était ce créateur, peu soucieux des éclats
du public, qui toute sa vie a étalé dans ses oeuvres ses
interrogations les plus profondes, les plus malsaines ; il a poussé
l'introspection et l'impudeur jusqu'au vrai. Ainsi sa musique répond
quelque part à cette volonté d'être soi ; il ne cède
pas à l'atonalité, non plus qu'à la distorsion ou
au vacarme qui faisaient les délices de l'intelligentsia musicale
de l'après guerre. Toute de grâce, de subtilité, de
coquetterie ; les instruments s'entrechoquent et voltigent et des volutes
tantôt sournoises tantôt effrayantes. Il savait aussi imposer
à ses textes une ambiance, une couleur sonore qui, aujourd'hui encore,
accompagne le public dans l'intrigue, le saisit, le bousculeÖ
Peter Quint trouve en Ian Bostridge l'interprète idéal
; le jeune ténor britannique est avant tout un formidable diseur
dont chacune des inflexions est mesurée, la blancheur éthérée
de son timbre apporte à Quint une couleur de trépas, malsaine
au possible. Joan Rogers offre à la gouvernante son racé
et sa fragilité ; on a connu des interprètes autrement plus
émouvantes, plus impliquées comme Susan Chilcott ou Felicity
Lott mais la froideur de Ms. Rogers est calculée et cadre intelligemment
avec la conception générale de l'oeuvre. Duo d'enfants parfaits,
très conscients du poids de leur rôle.
Daniel Harding, musicien fougueux et avide d'effets trouve en cette
partition le territoire idéal à ses appétences stylistiques
; il sert Britten avec mesure, conscient lui aussi de la très grande
importance de l'ambiance et des couleurs. Virgin nous offre avec ce Tour
d'écrou l'un des enregistrements les plus intéressants
de cette fin de saison.
Hélène Mante
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