Giovanni Gualberto Brunetti
(1706-1787)
STABAT MATER
A DUE VOCI
CON STRUMENTI
1. Stabat Mater (a due)
Largo assai 2. Cujus Animam (soprano) Affettuoso 3. O
quam tristis (a due) Largo 4. Quae maerebat (alto) Andante grazioso
5. Quist est homo (a due) Grave e staccato assai - Pro peccatis
(a due) Allegro con espressione 6. Vidit suum (soprano) un poco
andantino ed espressivo 7. Eia Mater (alto) Allegretto - 8 - Sancta
Mater (a due) Allegro comodo 9. Fac me tecum (soprano) Larghetto
10. Juxta crucem (alto) Un poco andante 11. Fac ut portem
(a due) Andante assai 12. Christe (soprano) Allegro con spirito13.
Quando
corpus (a due) Largo assai 15. Amen (a due) Andante assai
Introïtus (Gregorianisch)
"Stabant juxta crucem"
Graduale (Gregorianisch)
"Dolorosa et lacrimabilis es"
Alleluia (Gregorianisch)
"O vos omnes"
Communio (Gregorianisch)
"Felices sensus"
Ensemble Turicum
Elena Mosuc, soprano
Luis Alves Da Silva, contre-ténor
Mathias Weibel & Renate Steinmann,
violons
Susanna Hefti, alto
Martin Zeller, violoncelle
Thilo Hirsch, violone
Claire Anne Piguet, orgue
Choeurs : Luis Alves Da Silva,
Beat Mattmüller,
Andreas Schmidt, Markus Schikora,
Peter Mächler, Michael Leibundgut,
Giuseppe Scorsin
1 CD Pan Classics N° 10077
enregistré en 1994, Kirche
Altstatten, Zürich - Durée : 58'41
PLAGIAT RÉUSSI...
On le sait, à l'époque baroque, plagier une oeuvre musicale
ou picturale était chose courante - non pas pour la recopier servilement,
mais pour en tirer l'inspiration d'une oeuvre nouvelle et originale. D'ailleurs,
certains compositeurs n'hésitaient pas à se copier eux-mêmes,
ainsi que le fit Mozart, et ce dernier n'alla-t-il pas jusqu'à réorchestrer
dans son intégralité le Messie du grand Haendel ?
Le célébrissime Stabat Mater de Pergolesi (1736) n'a pas
échappé à cette pratique, puisqu'il donna suite -
entre autres imitations, adaptations et arrangements divers de Bach, Paisiello,
Salieri, etc. - à deux copies réalisées à près
d'un siècle d'intervalle par deux membres de la même famille,
originaires de Toscane : Giovanni Gualberto Brunetti en 1764 et Antonio
Brunetti, son neveu, qui, sans vergogne, plagiat à son tour en 1825,
et son oncle et l'illustre Pergolesi.
Le premier Brunetti, Giovanni Gualberto, formé au fameux Conservatoire
de la Capella de Turchini, à Naples, y devint second chef d'orchestre
en 1744. Puis, en 1754, il quitta Naples pour Pise, afin d'y occuper le
poste de Maître de Chapelle en la Cathédrale de cette ville,
où il demeura jusqu'à la fin de sa vie.
Auteur de plusieurs opéras et d'autres compositions de caractère
profane, il écrivit beaucoup de musique sacrée, laquelle
constitua l'essentiel de son oeuvre abondante et très appréciée
à l'époque.
C'est lorsqu'il était Maître de Chapelle à Macerata
que le second Brunetti composa "l'autre copie". L'élaboration en
paraît plus que douteuse, dans la mesure où il se réclame
du Maestro Pergolesi dont il avoue n'avoir pu s'éloigner, du moins
pour certains passages, alors qu'en réalité, son oeuvre est
beaucoup plus imitée de Giovanni Gualberto lui-même, sans
que toutefois le neveu en question fasse mention de la composition de son
ancêtre et renonce à la propriété du résultat...
Il est clair que l'oeuvre de Gualberto est infiniment plus proche de
la manière du Maître, tant par l'esprit que par le style,
l'harmonie et l'orchestration se révélant souvent très
similaires. Comme elle est composée de treize parties, elle s'en
écarte cependant sur de nombreux points, ne serait-ce que par l'utilisation
de la voix a capella, essentiellement celle de l'alto, pour introduire
certaines passages sur un mode monodique, assez semblable à celui
du chant grégorien.
Finalement, Gualberto Brunetti, comme Pergolesi, recherche la simplicité
aussi bien dans l'écriture musicale proprement dite que dans l'expression.
Ces pages possèdent assurément leur propre identité
et leurs qualités indiscutables attestent de la profonde influence
que Pergolese dut exercer sur des générations entières
de musiciens.
Jusqu'à présent, seuls trois exemplaires de cette oeuvre
ont été retrouvés. C'est l'un de ceux-ci, daté
de 1768 et provenant de la Bibliothèque de Zürich, qui a servi
de base pour cet enregistrement.
L'ensemble Turicum (nom latin de la ville de Zürich), fondé
en 1990, a collaboré pendant plusieurs années avec des groupes
réputés comme Hesperion XX, la Chapelle Royale de Barcelone,
le Clemencic Consort de Vienne, la Folia de Madrid, l'Ensemble 415 de Genève
et le Concerto Köln. Spécialisé dans la musique de chambre
baroque, il a donné de nombreux concerts avec des oeuvres de Vivaldi
et Pergolesi, mais aussi de compositeurs moins connus, comme Christian
Geist, Francisco Vinas ou Domenico Gherardeschi.
On retrouve avec un plaisir sans mélange, la lumineuse Elena
Mosuc, dont on avait pu apprécier, il y a quelques années
à Paris, les belles prestations en Donna Anna à la Salle
Favart et en Reine de la Nuit à l'Opéra Bastille. Mozartienne
accomplie, cette chanteuse dotée d'une voix ronde, bien projetée
et d'une belle musicalité, livre ici une interprétation sensible
et inspirée de la partie de soprano, aussi bien dans les soli
que les duos. A signaler le disque d'arie de Mozart qu'elle grava pour
Arte Nova en 1999-2000 (N° 74321 81191 2), qui vaut plutôt le
détour, dans la mesure où il offre un panorama assez complet
des talents de la soprano roumaine et ce, même si l'orchestre qui
l'accompagne n'est pas toujours au même niveau. Incontestablement,
il s'agit d'une artiste à suivre.
Par comparaison, le contre-ténor brésilien Luis Alves
da Silva semble moins à l'aise, sa voix parfois un peu blanche et
courte de souffle, moins facile et peinant un peu dans les pages plus "lyriques".
En revanche, sa lecture, empreinte de spiritualité, se révèle
plus intéressante dans les passages a capella, plus dépouillés,
et prouve qu'en matière de musicalité et de sensibilité,
il n'est pas en reste face à sa partenaire.
On appréciera également la qualité de l'ensemble
vocal, où intervient également Luis Alves da Silva, dans
les quatre morceaux de caractère grégorien qui complètent
cet enregistrement, ainsi que celle des instrumentistes, tous bien sonnants.
Si l'on ajoute que la présentation de ce disque (jaquette élégante
et de bon goût, plaquette bien documentée) est de belle facture,
on se prend à regretter la brièveté de sa durée.
Sans doute aurait-on aimé entendre quelques extraits du Stabat
Mater de l'autre Brunetti, le neveu, par curiosité, probablement,
ou bien encore d'autres oeuvres vocales du premier Brunetti, l'oncle, par
plaisir, certainement...
Décidément, la constante redécouverte de cet inépuisable
répertoire n'en finira pas de nous étonner...
Juliette BUCH
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