Gioachino
Rossini (1792-1868)
Il Signor Bruschino
ossia Il Figlio
per azzardo
« farsa
giocosa » en un acte de Giuseppe Foppa (1813)
Gaudenzio : Giampiero
Ruggeri
Florville : Patrizio
Saudelli
Sofia : Hiroko
Kouda
Il Signor Bruschino
padre : Ezio Maria Tisi
Filiberto : Aris
Papagiannopoulos
Bruschino figlio
: Johannes Puchleitner
Un Delegato di
Polizia : Edvard Strah
Marianna : Claudia
Schneider
Orchester der
Tiroler Festspiele
en coopération
avec l'Orchestre de Minsk
Maestro Concertatore
e Direttore : Gustav Kuhn
Maestro al Cembalo
(clavecin) : Giuseppe Finzi
Arte Nova classics
74321 80783 2
Enregistré
le 9 août 2000 à Wörgl (Autriche).
Durée :
77 mn. 06 s.
(Texte de présentation
de l'opéra, des artistes et résumé de l'intrigue
en allemand et
anglais ; livret original italien.)
Neuvième
des trente-neuf opéras de Gioachino Rossini, la charmante farce
Il Signor Bruschino connut un début orageux... et non réitéré
puisqu'il n'y eut qu'une représentation. On ignore les causes de
cette chute mais il se trouve que Rossini, en attendant le livret pour
son engagement au Teatro san Mosè, avait traité avec l'impresario
(ou directeur) du Gran Teatro La Fenice (pour Tancredi). Apprenant cela,
l'impresario du Teatro San Mosè, Antonio Cera, tenta de ruiner la
réputation de Rossini en lui choisissant un livret exécrable...
mais loin de décourager Rossini, cela le stimula plutôt et
il affirma, après avoir pris connaissance du livret, qu'il en ferait
de l'or, grâce à la musique !
On raconta que le
Pésarais se serait vengé de l'impresario Cera avec ces deux
bizarreries dont la première est bien connue aujourd'hui, c'est-à-dire
ces fameux coups d'archets que les « violini secondi » doivent
asséner aux réflecteurs métalliques des lampes éclairant
les pupitres ! La seconde bizarrerie étant la comique car
inhabituelle répétition de deux syllabes dans une réplique
de Bruschino fils qui se repent ainsi à la fin de l'opéra
: « padre mio, mio-mio !... sono pentito ! ...tito-tito, tito-tito
! » sur fond d'irrésistible marche funèbre ! Il nous
reste à savoir comment ces deux facéties -non en contradiction
avec l'esprit d'une farce comme est Il Signor Bruschino, aient pu provoquer
la chute de l'oeuvre... et comment interpréter l'inscription de
la main de Rossini, sous la fin de l'ouverture dans la partition autographe
: « Dio ti salvi l'anima » (Que Dieu sauve ton âme) ?
! Toujours est-il que ces bizarreries ne pouvaient qu'amuser un homme d'esprit
comme Jacques Offenbach qui remania en 1857 le texte et la musique en vue
d'une production parisienne mais lorsqu'il invite le grand Rossini à
présider la première du 29 décembre, ce dernier répond
: « Je vous ai permis de faire ce que vous avez voulu, mais je n'entends
pas du tout être votre complice. »
La partition surprend
par ses nombreux moments de mélancolie ou de tendresse, que l'on
ne s'attendrait pas à trouver dans une farce.... et qui plus est,
dans une farce de Rossini ! ...à propos, il avait raison de
dire qu'il aurait transformé en « or » le livret, car
la première lecture ne suffit pas à comprendre qui est ou
non le fils Bruschino... mais la musique fait merveille !
Les interprètes
sont tous confirmés et déjà bien lancés dans
la carrière et leur talent émerge facilement, surtout pour
les quatre personnages principaux : le chaleureux ténor Patrizio
Saudelli (Florville), l'efficace et très à l'aise Giampiero
Ruggeri (Sig. Gaudenzio), et Hiroko Kouda (Sofia), « sopranetto »
un peu « acidulé » mais il s'agit plus une question
de couleur de timbre que de son, qui reste heureusement plutôt «
arrondi ». Ezio Maria Tisi (Sig. Bruschino padre) se fait remarquer
par ses graves caverneux, au point qu'il peine un peu dans les aigus, et
c'est dommage. On apprécie, d'autre part, l'efficacité des
quatre personnages secondaires, venant compléter l'homogénéité
de ce nouvel enregistrement de l'oeuvre.
L' « Orchester
der Tiroler Festspiele » sonne avec une clarté et une sympathique
sonorité, se pliant efficacement à l'espiègle orchestration
rossinienne. Il faut dire que Gustav Kuhn cisèle avec tendresse
chaque mesure de la partition, soulignant gracieusement les touches de
tendresse et enlevant avec brio les passages vifs, mais sans jamais tomber
dans la précipitation, déplorable tendance actuelle. Le brio,
seul, ne suffit pas car on risque de tomber dans une sécheresse
systématique, il faut de la sensibilité, une pointe de naïveté
souriante... pour croire à celle de la partition !...
Yonel Buldrini