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MARIA CALLAS ETERNELLE
Airs de Bellini, Bizet, Catalani, Charpentier, Cilea, Donizetti,
Giordano, Glück, Gounod, Massenet, Puccini, Rossini,
Saint-Saëns, Verdi (cd)
Callas live : Paris, 1958 (Verdi) ; Hambourg, 1959 & 1962 (Bellini,
Bizet, Massenet, Rossini, Verdi) ; Londres, 1964 (Puccini) ; Paris,
1965 (Bellini, Massenet, Puccini)
Témoignages, entretiens avec Callas (DVD)
2 CDs EMI, 50999 504250 2 0
1 DVD EMI, 50999 5 00720 9 5
L'art de la compilation
Une maison de disques, nous dit-on dans le dossier de presse qui
accompagne ces parutions, a "des droits, mais aussi des devoirs,
à savoir préserver la mémoire de l'artiste en
rendant vivant constamment son legs discographique".
Pour certains, le problème est d'être et d'avoir
été. C'est le versant humain d'une question à
laquelle Callas, plus
peut-être que tout autre, s'est trouvée confrontée.
Pour d'autres il s'agit d'avoir été et d'être
encore. D'être encore et toujours. C'est le versant
institutionnel de cette même question – quelques
cyniques, dont je suis peut-être – diront que c'en est la
continuité commerciale.
EMI est le gardien du legs comme d'autres, à une autre
époque l'auraient été du Temple. Et EMI offre avec
une belle constance et de beaux moyens aussi, pour chaque anniversaire
une nouvelle brassée de cet héritage forcément
incomparable.
Mais… Mais lorsque l'on parle de Callas, peut-on aussi
décemment parler d'une "nouvelle" brassée ? D'une
livraison "nouvelle" ? Eh non ! Evidemment ! Non pas que le legs soit
à jamais éteint et qu'au pays de la callassophilie les
surprises n'existent pas. Mais qu'a donc EMI à proposer
aujourd'hui ? Tout a été publié – comme tout
a été dit, plus ou moins bien (1)
– sur Callas depuis trente ans. Quand, encore, il ne s'agit que
depuis trente ans. L'héritage a été
divulgué, édité, réédité,
exploité ; bradé parfois et presque vulgarisé
– ce qui est bien le comble !
Les gardiens du Temple se sont faits marchands. Du vivant de Callas,
déjà, des inédits, des impubliés ont
été jetés en pâture aux adorateurs…
et aux autres. Depuis, les impubliables aussi ont ressurgis –
comme les fameuses prises de travail effectuées avec Tonini au
début des années 60 – brouillant
considérablement le sens de l'héritage pour ceux qui ont
cru que Callas, c'était "ça" avant tout et pas seulement
"aussi" !
Quel est alors l'intérêt d'une nouvelle compilation,
succédant… aux autres compilations ? A-t-elle seulement
un intérêt ? Faisons un petit jeu de mise en perspective :
8 airs de Puccini ; Puccini dont Callas disait en interview que s'il "a
produit de très jolies choses sur le plan artistique, il a fait
beaucoup de mal à la voix". Notons aussi la
sur-représentation des albums Puccini – encore – et
"Airs lyriques et coloratures" dont la bonne moitié, pour ne pas
dire plus, est disséminée ici. Notons enfin la concession
à la mode qui "impose" la présence des tubes – Air des bijoux et Valse de Juliette de Gounod – qui pervertit le message en donnant à entendre une Callas qui n'est plus tout à fait Callas !
C'est d'ailleurs le problème de ces disques qui juxtaposent LA
Callas "éternelle" et celle qui se survit à
elle-même (dans la Norma de 1961 ou généralement
tous les airs français). Qui met dos à dos la Callas
"publicitaire" (Bohème et autres) et l'autre Callas, dans SON répertoire (Traviata, évidemment, et Lucia aussi ou Norma encore).
Et pourquoi ces choix ? Pourquoi la "toute petite" Somnambule
de l'album "Callas à la Scala" alors que l'intégrale
existe avec Votto en studio – son dernier très grand
– voire en live avec le même et dans un son excellent ?
Sans parler de celle de Bernstein malgré la rudesse de sa prise
de son. Pourquoi la deuxième Norma
si prégnante mais déjà éreintée,
comme si l'ombre avait pris le pas sur la silhouette altière ?
Pourquoi avoir évacué le live dont des prises
extraordinaires existent, aussi audibles – quantitativement
– que les studios et dont EMI possède bien des licences (Bolena, Pirata) ? Ces live
qui "sont" Callas, avec l'ébriété du public,
l'échauffement induit par sa présence; ces live
traversés par la fureur, la présence fauve, fuligineuse
de la bête de scène.
Le DVD rattrape partiellement ce problème. Mais partiellement
seulement car lui aussi décortique le legs, le désosse
– même s'il le fait avec un art incomparablement
supérieur. Lui, donne à voir Callas ; lui, donne plus
qu'à entendre. Lui, montre ces yeux étonnants, qui sont
des mondes en eux-mêmes ; des cicatrices, des cratères
bouillonnants au milieu de ce visage qui regarde la musique… les
yeux dans les yeux, justement. Le dvd nous rend la Callas des grands
soirs, magnétique même – surtout - lorsqu'elle se
trompe dans Carmen. Sur
celui-ci – et pour ceux qui n'ont pas déjà ces
témoignages – il faudra se jeter. Rien que pour l'ombre
mortifère jetée sur le fatal palco du "Pirate" de Bellini
; rien que pour l'excursus vers le O don fatale de Don Carlo,
statufié dans sa haine douloureuse. Il faudra aussi aller y
chercher les trois derniers airs filmés, à peine trois
semaines avant le retrait de la scène, ténus, si
fragilisés, si fragiles, rien que pour voir, encore, le visage
irradiant et irradié de la Somnambule.
Cela, une femme de quarante et un ans ? Allons, bon, c'est celui d'une
toute jeune fille ; d'une femme à jamais sans âge !
Il y aura de toute façon toujours une clientèle pour ces
publications. Cela justifiera alors la démarche de
l'éditeur ; nous verrons dans dix ans ! Pour moi, je ne veux pas
noter la démarche et je ne peux, évidemment, noter
l'artiste.
Benoît BERGER
Note
N'avez-vous
pas entendu à la radio cet écrivain spécialiste
des people, des têtes couronnées et de toute ce qui
brille, expliquer très sérieusement qu'après sa
spectaculaire perte de poids, Callas avait moins d'intestin pour
chanter ?
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