Giacomo Carissimi (1605-1674)
Histoires
sacrées
Le jugement de Salomon
Job
Oratorio de la Vierge
Caïn
Jephté
Raphaële Kennedy, Monique
Zanetti, Patricia Gonzalez : sopranos
Jean-François Lombard
: Haute-contre
Jean-François Novelli
: ténor
Renaud Delaigue : basse
Les Paladins, dir. Jérôme
Correas
enr. live octobre 2004, Pan Classics
10182
"Pour ceux qui ont l'austérité trop facile,
le devoir peut être dans le plaisir"
Jean ROSTAND
Jerôme Correas et les Paladins ont réuni dans cet enregistrement
cinq "histoires sacrées" du célèbre Giacomo Carissimi.
Plus exactement, Jephté et le Jugement de Salomon
sont bien de la plume du "moins indigne adversaire" de Lully (expression
due à Lecerf de la Vieville pourtant peu enclin à louer les
Italiens), tandis que l'attribution des trois autres oeuvres devrait permettre
aux musicologues de débattre passionnément pendant encore
plusieurs années. Quoi qu'il en soit, les cinq oratorios sont de
toute beauté et empruntent beaucoup à l'opéra à
la fois par les structures alternant ariosos, airs et récitatifs,
mais aussi par la forme du livret qui privilégie les dialogues sur
la simple narration. Charpentier, élève de Carissimi, transportera
le genre en France, notamment dans son admirable Caecilia, Virgo et
Martyr ou dans Le Reniement de Saint-Pierre.
Les Paladins ont voulu privilégier l'aspect dramatique des oeuvres,
insistant fortement sur leur côté théâtral. Au-dessus
des traits diffus d'un continuo très sobre, les - excellents - solistes
semblent entamer un récitatif continu, très monteverdien
dans l'attention accordée à la déclamation. En particulier,
Renaud Delaigue se distingue par des graves puissants et bien équilibrés
et une ornementation parfaitement maîtrisée. L'ensemble dénote
une sensibilité sérieuse, un climat de bibliothèque
feutrée que n'aurait pas renié le compositeur jésuite.
Cependant, les solistes ne parviennent à se départir que
très rarement d'une rigueur et d'une austérité absolues.
Carissimi devient hiératique, sec, presque immobile. Les arias strophiques
ou les trios sont chantés avec une telle retenue qu'on ne les distingue
guère du reste, malgré la guitare de Manuel de Grange. Les
ritournelles instrumentales paraissent un peu rachitiques, les choeurs
sans vraie profondeur, tandis que l'ingénieur du son a trop mis
en avant le clavecin. Cela est flagrant lorsqu'on compare cette version
de Jephté à ses nombreux prédécesseurs
: l'Ensemble Jacques Moderne (Lidia) se distinguait par la clarté
et l'énergie des ensembles, alors que le Studio de Musique ancienne
de Montreal (Analekta) réussissait un bel équilibre entre
musicalité et recueillement, malgré des solistes inégaux.
Quant à Martin Gester et le Parlement de musique (Opus 111), sa
lecture fluide et naturelle était d'une irrésistible spontanéité.
En mettant l'accent sur les "histoires sacrées" au détriment
des "oratorios", les Paladins ont quelque peu voilé la beauté
de cette musique, l'empêchant de se développer et de s'épanouir.
Le résultat est assez décevant, teinté de grise monotonie
et d'uniformité, où l'ascétisme se croit ferveur.
Ajoutons enfin que Pan Classics ne nous aide guère à suivre
l'action, puisque les notes de programme ne contiennent pas le livret des
oratorios.
Viet-Linh NGUYEN
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