Le Chant
Français
Chanteurs français des
années Pathé 1948-1965
CD 1 - Régine Crespin
CD 2 - Régine Crespin
- Solange Michel
CD 3 - Martha Angelici
CD 4 - Rita Gorr
CD 5 - Rita Gorr - Janine
Micheau - Ernest Blanc
CD 6 - Janine Micheau - Ernest
Blanc
CD 7 - Michel Dens
CD 8 - Nicolai Gedda - Jean
Borthayre
CD 9 - Albert Lance - Raoul
Jobin - Paul Finel
CD 10 - Henri Legay
Orchestres divers, direction :
Georges Prêtre, Otto Ackermann, André Cluytens, Jésus
Etcheverry, Edward Downes, Lawrence Collingwood, Pierre Dervaux, Albert
Wolff, Georges Tzipine.
Coffret 10 CDs
EMI Classics 7243 5 85329 2 0
On a tant médit sur la soi-disant
crise de l'opéra en France dans les années 1950-1960 : crise
de voix, crise de répertoire, crise de mise en scène, rien
n'a été épargné. Voici un superbe panorama
de ces années que l'on crut sombres, mais qui ne le furent absolument
pas. Encore fallait-il le prouver : ce copieux coffret s'y emploie judicieusement,
en détruisant la légende. EMI nous offre ici la fine fleur
de ces années françaises, si lointaines, et si proches en
même temps. 5 CD consacrés aux voix féminines puis,
autour de Janine Micheau et d'Ernest Blanc, 5 CD dédiés aux
voix mâles (sans basses, curieusement). Avant que de détailler
plus avant, qu'il soit permis de saluer le nom des chefs d'orchestre. Certains
sont restés célèbres tels Georges Prêtre ou
André Cluytens. Mais il convient de se remémorer Pierre Dervaux,
Jésus Etcheverry, Albert Wolff ou Georges Tzipine, tous rompus à
ce répertoire.
"Une dame noble et sage" : non, Régine Crespin n'interprétera
pas l'Urbain des Huguenots, mais les deux premiers disques méritent
entièrement cette épithète. Le premier est dédié
à Wagner et à Verdi. Autant ses incarnations d'Elsa, Sieglinde,
Kundry ou Elisabeth s'avèrent toujours aussi époustouflantes
(particulièrement Elisabeth), autant Verdi touche moins (Amelia,
Lady Macbeth, Elisabeth, Aïda). Vocalement, Crespin était faite
pour Wagner ; ses Verdi, comme ceux de Nilsson, paraissent un peu ėà
côté' des personnages, et déplacés. Nous la
retrouvons avec un admirable "D'amour l'ardente flamme" de La Damnation
de Faust, ainsi qu'un bel air de Mathilde de Guillaume Tell.
Sa Desdémone, très ample, est magnifique, il faut l'avouer.
Après tant de splendeurs, Solange Michel, voix solide et grande
Carmen en son temps, paraît un peu terne.
Magnifique révélation, par contre, que Martha Angelici,
joli soprano léger, d'une merveilleuse fraîcheur. Son "air
des Bijoux" de Faust ou celui du "petit berger" de Mireille
sont exemplaires de pureté, malgré un style légèrement
daté. Il faut également l'entendre dans de grandes pages
non françaises (chanson du Saule, air des marronniers) pour se rendre
compte du charme très prenant de cette voix un peu oubliée.
Un des meilleurs CD de l'anthologie.
Avec les quatrième et cinquième disques, centrés
sur la figure exceptionnelle de Rita Gorr, nous abordons un second sommet
du recueil. Immense, la prodigieuse mezzo-soprano belge domine tout son
répertoire, d'Eboli, Azucena, Ulrica ou les plus inattendues Santuzza
et Gioconda. De bronze dans Isolde, grave dans Charlotte, elle s'épanouit
bien sûr dans les grandes héroïnes françaises
: Alceste, La Vestale, Médée, Didon ou Dalila ; elle y fut
inégalable. Jamais timbre de telle ampleur tragique ne résonna
dans le temple de l'art lyrique français, jamais l'opéra
n'apparut aussi noble, aussi digne, aussi grand.
Et c'est maintenant, lors de ce cinquième disque, que l'on passe,
doucement, aux voix masculines. Mais avant, l'on aura droit au ravissant
soprano de Janine Micheau. Grande spécialiste de la musique moderne
(elle créera plusieurs héroïnes de Milhaud, dont Creuse
dans Médée), elle interprète ici une Thaïs
dramatique ("Dis-moi que je suis belle") et de touchantes Manon ou Liu.
Premier homme, Ernest Blanc termine le CD par trois vigoureux extraits
de Rigoletto, chantés en français comme il était
de coutume à l'époque. Bref retour, ensuite, à Micheau,
pour une Violetta moins convaincante, en français aussi. Par contre,
le timbre d'airain de Blanc fera merveille dans le Grand-Prêtre de
Samson et Dalila, l'un de ses rôles fétiches, et surtout
dans un Athanaël de Thaïs de toute grande classe. Ce grand
invité de Bayreuth terminera par un bel extrait de Tannhaüser
puis, élégamment, par le "Largo al factotum" du Barbier
de Séville et l'air du Comte des Noces de Figaro (en
italien).
Place donc aux voix masculines et à l'un des plus talentueux
barytons de l'après-guerre, Michel Dens, auquel un CD entier est
consacré, avec grande raison. Il s'est beaucoup illustré
dans le domaine de l'opérette (ah...Le Pays du sourire...),
mais l'on oublie son art incomparable dans l'opéra même. En
cela, il évoque peut-être un peu son collègue Alain
Vanzo, oublié dans cette anthologie. Mârouf, Mercutio, Hamlet,
Scindia ou Hérode révèlent grâce à lui
l'éclat sans pareil de leurs mélodies immortelles. Une belle
rareté, un air de Si j'étais Roi d'Adolphe Adam :
vous y retrouverez l'art unique de Dens, unissant un sens du legato
et de l'articulation proprement sublime. Un vrai bonheur.
Avec Nicolai Gedda, nous abordons un autre Everest de la vocalité
française. Le ténor russo-suédois a en effet toujours
été considéré comme l'un de ses plus meilleurs
ambassadeurs. Son étonnante versatilité l'a conduit à
chanter Cellini, Werther, des Grieux, Vincent et même Chapelou, le
si beau Postillon de Longjumeau. Tous, nous les retrouvons ici, pour notre
plus grande joie. Écoutez directement le fameux "Rêve de des
Grieux" de Manon : vous mesurerez, au plus profond de vous-même,
ce que fut ce génie hors normes. Le CD est complété
par cinq extraits d'airs d'opéra chantés par Jean Borthayre,
baryton tout à fait oublié de nos jours. Voix puissante et
dramatique, héroïque même dans "Patrie" de Paladhile
(le dernier grand opéra " à la Meyerbeer" que l'on ferait
bien de redécouvrir), poignant dans l'Hérode de Massenet,
il s'agit là aussi d'un fort beau moment.
Les deux derniers CD sont consacrés à quatre chanteurs
tous aussi oubliés que Borthayre. Le neuvième fait très
"trois ténor", confrontant Albert Lance, Raoul Jobin et Paul Finel
dans de mêmes grands tubes. Le CD des duels ! Mais, à mon
humble avis, il suffit de comparer dans les airs de Don José, Roméo
ou Faust, l'avantage tournera à chaque fois à l'humble et
méconnu Paul Finel, dont le timbre angélique ravit encore
(il fut entre autres un sublime Jésus dans la Marie-Magdeleine
de Massenet). Si l'Australien Albert Lance plaira, malgré un timbre
un peu monotone dans sa vaillance (Puccini, Massenet), le Canadien Raoul
Jobin, lui, est vraiment démodé : les temps ont trop changé...
(Tosca, Carmen, Werther).
La surprise - finale, comme il se doit - viendra du tout dernier CD,
entièrement dédié à un... quatrième
ténor : Henri Legay. Ah, mais quelle jolie voix ! "Beaucoup plus
charmeur, image convaincante du ténor plus léger" écrit
Michel Parouty dans son (trop) bref texte d'introduction. Rien n'est plus
vrai, dès l'adorable ballade de Mylio du Roi d'Ys de Lalo.
Deux perles absolues dans le genre roucoulant : "Ah viens dans la forêt
profonde" de Lakmé et "Viens ô ma tourterelle" du Postillon
de Longjumeau, stupéfiant de virtuosité. Mais les airs
bien connus de Mârouf, Mignon, Martha ou La Dame blanche
sont tous aussi enchanteurs. Ce coffret conclut vraiment par un bouquet
vocal de la plus belle eau !
Éblouissant florilège, à conseiller très,
très chaleureusement !
Bruno PEETERS
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