Charpentier
Trois histoires
sacrées
Mors Saülis et Jonathae-H
403
Sacrificium Abrahae-H 402
In Circumcisione Domini/Dialogus
inter angelum et pastores-H 406
Il Seminario Musicale
Gérard Lesne
Dessus : Marie Louise Duthoit/Jaël
Azzaretti
Haute-Contres : Gérard
Lesne/Benjamin Clee
Tailles : Jean-François
Novelli/Nicolas Bauchau
Basses : Ronan Nedelec/Raimonds
Spogis
Naïve, 1 CD
La forme «Histoire sacrée»,
sorte de mini-opéra mettant en scène des passages de l'Ancien
Testament, est directement héritée des grands mystères
médiévaux qui se jouaient sur les parvis des cathédrales
pendant les Pâques. A l'époque baroque, certains compositeurs
italiens excellent dans ce genre ; le plus célèbre est Carissimi,
dont le merveilleux « Jephté » fait partie des grands
chefs-d'oeuvres de l'art vocal XVIIe. C'est probablement pendant son séjour
à Rome que Charpentier s'est familiarisé avec cette forme
et l'a ramenée en France, où il est, d'ailleurs, quasiment
le seul à l'avoir employée régulièrement à
son époque.
Le corpus de musique sacrée
de Charpentier est absolument gigantesque, et tout nouvel enregistrement
d'oeuvre est le bienvenu. Des trois histoires sacrées composant
le programme du disque Naïve, une seule avait déjà fait
l'objet d'un enregistrement : Mors Saülis et Jonathae ; mais l'interprétation
dirigé par un Ton Koopman bien mou, n'avait comme atout qu'une belle
distribution vocale Germano-flamande (Schlick, Prégardien, Kooy,
van Berne, Mertens), peu habituée à la musique française.
Gérard Lesne s'est entouré pour cet enregistrement de jeunes
chanteurs, souvent rencontrés lors de master-class d'interprétation
à l'académie de musique de Royaumont. Tous ces jeunes artistes
interprètent merveilleusement cette musique fine et touchante ;
les David et Abraham de Jean-François Novelli et les Saül et
Deus de Ronan Nedelec, en particulier, nous offrent de magnifiques moments
de musique et de théâtre. Le petit orchestre est lui aussi
parfait, en particulier le divin continuo des complices habituels du Seminario
Musicale : Blandine Ranou, Pascal Monteilhet et Bruno Cocset.
En fait, le seul problème
de cette publication en est le maître d'oeuvre, Gérard Lesne.
Depuis bientôt vingt ans le célèbre contre-ténor
se frotte au répertoire de Haute-contre dans la musique française.
Les deux techniques sont très différentes : un contre-ténor
est un baryton qui chante en falsetto ; cette voix est parfaite pour l'interprétation
de la musique baroque italienne (les rôle écrits pour les
castrats alto en particulier). La voix de Haute-Contre est une spécialité
française ; d'une tessiture plus grave que celle de contre-ténor
elle était chantée par des ténors très aigus.
Gérard Lesne avait déjà montré ses limites
dans son interprétation de «David et Jonathas» de Charpentier
sous la baguette de William Christie : malgré de beaux moments dans
les parties élégiaques, il était déjà
incapable de traduire tout l'héroïsme du rôle de David
dans les airs plus guerriers. Douze ans plus tard, la voix s'est durcie
et le timbre est handicapé par une forte nasalité. Ce grand
artiste sait se servir de ces faiblesse en nous offrant une magicienne
fascinante dans «Mors Saülis» ; par contre son soldat
dans la même pièce et son Isaac dans « Sacrificium Abrahae
» manque d'assise dans le grave et souffre de passages de registres
trop marqués. C'est bien dommage car ce disque aurait pu être
un grand moment de musique française religieuse. Il est louable
de la part de Mr Lesne de donner leur chance à de jeunes chanteurs,
mais il faut savoir déléguer jusqu'au bout ...
NB : il faut noter le très
beau travail éditorial de Naïve-Astrée. La couverture
du peintre contemporain catalan Tapies nous change des éternelles
angelots baroques et les textes du livret sont très complets. Un
seul regret : pourquoi avoir multiplier les photos de Gérard Lesne,
au lieu d'utiliser cette place pour des biographies des jeunes artistes
du disque ?
Jean-Christophe Henry
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