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Marc-Antoine CHARPENTIER
Judicium Salomonis
Motet pour une longue offrande
Paul Agnew, haute-contre
Leif Aruh-Solén, haute-contre
Neal Davies, basse
Joao Fernandez, basse
Carl Ghazarossian, taille
Maud Gnidzaz, dessus
Marc Mauillon, basse-taille
Marc Molomot, haute-contre
Ana Quintans, dessus
Les Arts Florissants
Dirigés par William Christie
Virgin 3592942, 63 minutes, 2006
Météorite et Volcan
Ce disque est bien plus qu’un enregistrement de Charpentier
supplémentaire. C’est la météorite qui mit
fin au Crétacé, le volcan qui détruisit la
paisible Pompeï, la Révolution qui balaya les
privilèges et les perruques. Soudain, à son
écoute, un sentiment étrange envahit
l’auditeur : on sent presque vieux, et l’on regarde
d’un air dubitatif ce carré de plastique, témoin de
la fin d’une époque, vanité moderne au sablier et
aux fleurs fanées.
Expliquons-nous plus clairement : c’est toujours avec
plaisir qu’on retrouve William Christie, à la tête
des Arts Florissants. Mais sont-ce là nos Arts Flo’ ?
La phalange légendaire paraît désormais
métamorphosée et sonnant presque
« Minkowskienne » avec des tempi
très contrastés, des attaques agressives voire rageuses,
fruit sans doute de l’admirable travail du chef sur Haendel. Dans
le pompeux Motet pour une longue offrande
(celui de la messe rouge qui ouvrait les sessions annuelles du
Parlement de Paris), les cordes bondissent et virevoltent dès le
prélude à l’écriture pourtant assez
conventionnelle. Le second prélude - qui précède
la pluie de feu sur les pécheurs – est très
évocateur : le jeu staccato
et sombre dépeint avec violence les nuées de souffre et
autres flammes tourbillonnantes. L’orchestre est précis et
engagé, véritable épine dorsale des deux
œuvres, sur laquelle semblent se greffer les chanteurs et le
chœur. Toutefois, cette vigueur brutale se fait au
détriment de la couleur instrumentale et de la majesté
des pièces.
Côté voix, Paul Agnew confirme hélas qu’il
est fatigué. Malgré une interprétation sensible et
des récitatifs très convaincants dans le Jugement de Salomon,
les aigus sont devenus usés et tremblotants. Le reste de la
distribution ne semble pas globalement assez rompu aux canons du chant
baroque français. Les voix sont parfois vertes,
l’émission pas toujours bien contrôlée, le vibrato
trop large, les effets appuyés à l’extrême,
les mélismes (plusieurs notes sur une même syllabe)
approximatifs. Certes, il y a de beaux moments, mais cette jeune Garde
ne saurait encore affronter l’élégance et
l’émotion d’Agnès Mellon, Isabelle Poulenard,
Henri Ledroit ou Peter Kooy qui avaient tous enregistré voici 20
ans le même grand motet avec Philippe Herreweghe (Harmonia
Mundi) ; cela viendra. En outre, les solistes ont du mal à
dialoguer entre eux : ainsi, le trio « Et rex similiter
valde laetus est » du Jugement de Salomon ressemble
à trois parties superposées sans réelle
interaction malgré de jolis timbres. Le Chœur des Arts
Florissants est, quant à lui, fidèle à son niveau
d’excellence : profond, bien équilibré et
intelligible, ses nombreuses interventions laissent toujours
derrière elles un écho de justesse et de grandeur.
Pour finir, ce disque représente en quelque sorte une porte
ouverte vers un horizon nouveau, lointain et encore indéfini. A
suivre donc…
Viet-Linh NGUYEN
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