Marc-Antoine CHARPENTIER
(1653-1704)
Vêpres pour la Saint-Louis
Prélude du premier ton
(Guillaume Gabriel Nivers, 1632-1741)
Deus in adjutorium (faux-bourdon)
Domine quinque talenta,
H.33
Dixit Dominus, H.197
Euge serve bone, H.375
Confitebor tibi Domine,
H.220
Fidelis servus, H.34
Beatus vir, H.221
Fugue grave (Guillaume
Gabriel Nivers)
Beatus vir qui inventus est,
H.376
Laudate pueri Dominum,
H.203
Serve bone, H.35
Laudate Dominum, H.214
In honorem sancti (Motet
pour Saint-Louis), H.323
Magnificat, H.76
Prélude du deuxième
ton (Guillaume Gabriel Nivers)
Domine salvum, H.292
Robert Getchell, haute-contre,
Hervé Lamy, taille, Alain
Buet, basse
Frédéric Desenclos,
grand orgue,
Matthieu Lusson & Yuka Saïto,
violes de gambe,
Benjamin Perrot, théorbe,
Alexandre Salles, basson
Les Pages & Les Chantres
Direction Olivier Schneebeli
1 CD Alpha 050
Charpentier est sans nul doute à la mode. Le compositeur maudit,
soi-disant poursuivi par la jalousie maladive de Lully, écarté
de la Cour par la maladie qui l'empêcha de concourir en 1683 au poste
de sous-maître de la Chapelle Royale, a pris sa revanche sur le tout-puissant
Surintendant, "discographiquement" parlant. Christie, Devos, Jacobs, Lesne,
Niquet, Herreweghe, Geister et tant d'autres ont été les
artisans de cette revanche posthume, non que Charpentier ait été
délaissé par ses contemporains. L'essentiel de son oeuvre
est religieux : de ses vingt-quatre oratorios (pardon "histoires sacrées")
à ses messes, en passant par des grands motets et des motets de
maîtrise, Charpentier a su développer un langage harmonique
plus riche que celui de son rival, plus subtil, plus italianisant parfois,
rappelant celui de son maître Carissimi.
En cette année de tricentenaire de la disparition du "plus italien
des compositeurs français" (Jean Duron), Olivier Schneebeli a choisi
de reconstituer un office de vêpres pour la Saint-Louis, fêtée
le 25 août dans tout le royaume. Célébrer le Roi-Croisé
était naturellement l'occasion d'encenser aussi un autre Louis.
Rappelons que le 25 août 1715, quelques jours avant son crépuscule,
Louis XIV mourant entendit encore de son lit sa Musique jouer une dernière
fois en son honneur depuis la Cour de Marbre. Les pièces rassemblées
ici datent essentiellement de l'époque durant laquelle Charpentier
était maître de musique du collège de Clermont (rebaptisé
Louis-le-Grand), entre 1688 et 1698, dépendant des jésuites
et qui accueillaient les enfants des plus nobles familles.
Disons-le d'emblée, cet enregistrement est une petite merveille.
Robert Getchell et Hervé Lamy chantent avec légèreté
et grâce : le Euge serve bone où ils dialoguent entre
eux tout en nuances est d'ailleurs l'une des plus belles pièces
de ce programme. Les voix sont belles, les ornements presque naturels.
Alain Buet, quant à lui, tire son épingle du jeu très
honorablement mais sa voix trop discrète, parfois presque voilée
ne soutient pas la comparaison avec ses deux collègues dans les
envolées solistes. On aurait aimé un peu moins d'affectation
et un peu plus de profondeur, notamment dans le début du Laudate
pueri Dominum. Par contre, la fragilité maladroite des deux
solistes enfants du Serve Bone s'avère paradoxalement assez
touchante.
Les symphonistes offrent un accompagnement attentif et complice dans
ces motets aux dimensions assez modestes. Peut-être líintroduction
de courts préludes instrumentaux aurait-elle été la
bienvenue, comme Savall líavait fait pour les Canticum ad beatam Virginem
Mariam de chez Astrée. On s'insurgera néanmoins (et avec
un peu d'exagération) contre des cordes atrocement acides. Le Fidelus
servus est un exemple de ces traits criards et grinçants. Certes,
l'on savait la viole plaintive et déchirante, mais de là
à en faire un instrument de torture suraigu. En revanche, Frédéric
Desenclos nous régale à l'orgue de la Chapelle de Versailles
avec ses registrations colorées et son continuo attentif. La fanfare
du motet pour la Saint-Louis est remarquablement interprétée.
Heureusement que l'organiste ne sort pas trop souvent son plein jeu, assez
effrayant ma foi (appréciation très personnelle d'un partisan
du positif discret).
Les choeurs sont grandioses et homogènes avec des pupitres extrêmement
aérés, si bien que l'ensemble dégage une impression
de cohésion et de clarté. On ne saurait trop louer les Pages
& les Chantres pour les entrelacs délicats des différentes
parties. A ce propos, la direction d'Olivier Schneebeli réussit
le pari de combiner une indéniable recherche du "beau son" sans
pour autant sombrer dans l'écueil d'une transparence totalement
statique. Plusieurs pièces (Magnificat, Confiteor et Beatus
vir) avaient déjà été enregistrées
par Niquet et le Concert Spirituel (Naxos). A un choeur dynamique, martelant
les mesures dans une sorte d'ivresse effrénée, Schneebeli
oppose des tempos plus mesurés, un climat plus recueilli et de meilleurs
solistes. Enfin, dans un programme consacré à Saint-Louis,
l'on ne peut que déplorer l'absence du cantique In Honorem S.
Ludovici Regis Galliae H. 365, à l'orchestration il est vrai
assez fastueuse, et qui aurait avec bonheur complété ces
vêpres plus sensibles que triomphantes.
Viêt-Lihn NGUYEN
Le
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