Cantigas
de amigo
Martin Codax, Roi Fernandez de
Santiago,
Bernal de Bonaval, Estêvão
Raimondo
Ensemble Fin' Amor
Carole Matras, chant & harpe
Michaël Grébil, vièle
cistre, oud, percussions
Thomas Baeté, vièle
Bernard Mouton, flûtes
à bec
Vincent Libert, percussions
Estêvão Raimondo
1. Amigo, se ben ajades
Bernal de Bonaval
2. Fremosa a Deus grado
Roi Fernandez de Santiago
3. Quand'eu vejo las ondas
Martin Codax
4. Ondas do mare de Vigo
5. Madad'ei comigo
6. Mia irmana fremosa
7. Ai deus, se sab' ora meu amigo
8. Quantas sabedes amare amigo
9. Eno sagrado en Vigo
10. Ai ondas que eu vin veere
Durée totale : 73'22''
Label: Pavane; Collection: Musica
Ficta
Réf. CD : Musica Ficta
MF 8002
Enregistrement: 17, 18 et 19
mai 2003
Production: 2004
Les
Cantigas de amigo, chansons
monodiques en langue gallégo-portugaise, ont été composées
au 13ème siècle et sont donc, à quelques années
près, contemporaines des célèbres
Cantigas de Santa
Maria. Contrairement à ces dernières, dont plus de quatre
cents chansons nous sont parvenues, il ne reste aujourd'hui des "chansons
de l'ami" qu'une douzaine de poèmes dont la musique ait également
survécu. L'ensemble Fin' Amor, composé d'une chanteuse et
de quatre instrumentistes, donne à entendre ce qui pourrait bien
être le premier cycle de l'histoire de la musique : les sept
Cantigas
de amigo de Martin Codax (plages 4 à 10).
Cet enregistrement en offre une version personnelle, privilégiant
délibérément l'expression artistique au détriment
de la rigueur musicologique. La recherche du beau son et la volonté
de séduire sont manifestes. Les interprètes installent la
plupart du temps un climat contemplatif et choisissent même de faire
entendre comme prélude aux oeuvres de Martin Codax un enregistrement
de vagues campant une ambiance marine. La chanteuse possède une
voix en parfaite adéquation avec les exigences esthétiques
du répertoire. L'attaque est nette, le son très droit est
pour ainsi dire exempt de tout vibrato. Les instrumentistes, tous
excellents (notamment Michaël Grébil impressionnant à
l'oud), ont à leur disposition une grande variété
de timbres et utilisent pour chaque chanson des combinaisons instrumentales
différentes. A notre sens, le son des instruments utilisés
- pourtant des copies d'instruments pour la plupart typiquement médiévaux
- est presque trop propre. Le tempo choisi est souvent très
lent et les instruments reprennent presque systématiquement, en
la variant, la mélodie des couplets et des refrains de chaque chanson
dont la durée s'étire parfois exagérément.
A titre d'exemple, les pièces durent en moyenne six à sept
minutes (de 4'14 pour la plage 5 à 13'06 pour la plage 4) alors
que le chant seul, tel qu'il est interprété, a capella,
par Paul Hillier dans sa magnifique version ("Distant Love", Harmonia Mundi,
2000) prend, par exemple, un maximum de trois minutes pour la Cantiga
n°4. Cela démontre l'importance des partis pris opérés
par l'ensemble Fin'Amor. Notons cependant que cette longueur est propice
à la rêverie.
Il manque, pour le sixième Cantiga de Martin Codax, la
musique d'origine, car elle ne figure pas sur l'unique manuscrit conservant
cette oeuvre. Paul Hillier préfère tout simplement la déclamer
tandis que Carole Matras et Michaël Grébil nous en proposent
une version chant-cistre improvisée (plage 9). C'est beau, bien
fait, mais cela rompt l'homogénéité stylistique du
cycle. Cette pièce, dont l'introduction au cistre nous semble par
ailleurs interminable, s'y intègre artificiellement de par une expressivité
qui s'oppose à la retenue et la modération des autres pièces.
Dommage. Il eu été préférable de substituer
les paroles de ce poème à celles d'une chanson préexistante
choisie, par exemple, parmi les très nombreux Cantigas de Santa
Maria. Ce procédé, nommé contrafactum, a été
utilisé avec avantage dans la première plage du CD : les
paroles d'Estêvao Ramondo s'accordent parfaitement avec la mélodie
du Cantiga 330 d'Alphonse X le Sage. C'est une vraie réussite.
Cette solution n'a, par contre, aucune raison d'être aux plages 2
et 3 puisque les paroles de ces chansons, dont la musique n'a pas survécu,
ne sont même pas prononcées. Cela revient à proposer
des versions instrumentales de Cantigas de Santa Maria (les 320
et 218 en l'occurrence avec, il est vrai, des variantes) en leur donnant,
sans raison, un nouveau titre et en les attribuant à un compositeur
qui ne les a pas écrites. Il convient cependant, en marge de ces
considérations, de saluer la performance de ces musiciens qui offriront,
à qui souhaite se laisser bercer, un beau voyage musical, teinté
de douceur et de mélancolie.
Mathias LE RIDER