C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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G.F. HAENDEL

Heroes and Heroines

Alcina (Ruggiero)

Sinfonia (Act 3)
"Sta nell'Ircana"
"Mi lusingha il dolce affetto"
Entrée des songes agréables
"Verdi prati"

Ariodante (Ariodante)

Sinfonia to Act 2
Récit & aria : "Scherza infida"
"Dopo notte"

Solomon (Queen of Sheba)

Sinfonia - Arrival of the Queen of Sheba
Récit & aria : "Will the sun forget to streak"

Hercules (Dejanira)

Sinfonia (Act 2)
Récit & aria : "Cease, ruler of the day"
"Where shall I fly"

Sarah Connolly, mezzo-soprano
The Symphony of Harmony and Invention
Harry Christophers, direction

1 CD (65'00) CORO (COR 16025)
The Sixteen Edition


Cela fait déjà quelques semaines qu'il est sorti, mais on ne fera jamais assez de publicité pour ce disque exceptionnel. En matière de mezzos, la planète lyrique ne manque certes pas de grains personnels, de velours chatoyants, d'organes autrement déliés et mordants, bref d'instruments plus excitants. Sarah Connolly est seulement dotée d'une voix saine, agréable, homogène, bien projetée et servie par une technique solide. Ce n'est pourtant pas une grande virtuose et à cet égard, son "Dopo notte" manque d'éclat, de panache. Ailleurs, un legato perfectible ("Mi lusingha il dolce affetto") ou certains aigus un peu tendus gêneront les fines bouches, mais ces réserves s'envolent pour peu que l'on s'intéresse aussi aux oeuvres. En effet, la chanteuse livre avant tout une formidable leçon de musicalité et d'interprétation, aux antipodes de certains produits racoleurs et aseptisés publiés ces derniers mois (le récital rose bonbon de Renée Fleming est à cet égard emblématique). 

Il faut dire que la plus belle voix du monde pourrait difficilement empêcher l'ennui poli qu'engendre presque systématiquement l'écoute ininterrompue de ce genre de récital. Mais Sarah Connolly est d'abord une musicienne - le fait n'est pas si fréquent chez les chanteurs - et elle sait captiver l'auditeur : profondément investi, chaque récit, chaque air bénéficie d'une véritable recréation, franche et tonique, élégante, subtile toujours. D'abord pianiste puis choriste au sein des BBC Singers, de Sixteen ou du Monteverdi Choir, la chanteuse a pris le temps de réfléchir, d'étudier et de mûrir avant de se lancer dans une carrière soliste. Si Haendel semble être son élément naturel (Giulio Cesare, Sesto, Ariodante, Serse, Ruggiero, Juno), elle s'est aussi fait applaudir dans Monteverdi (Ottavia), Mozart (Annio, Sesto), Berlioz (Didon), Bellini (Romeo) ou Britten (Lucretia) et a pris part à plusieurs créations contemporaines (Turnage, Harvey). Ses prochains engagements incluent notamment Oktavian, Déjanire et Alceste.

Pour cet album, elle a choisi des pages qu'elle affectionne tout particulièrement et qu'elle a parfois déjà défendues sur scène. Sommet du disque, sa lecture de "Scherza infida" tout en nuances, raffinée, plus suggestive qu'extravertie - quel sens de la gradation, quel goût, quelle intelligence dans les ornements ! -, tranche avec le très théâtral et saisissant lamento de Von Otter avec Minkowski. Mais n'est-ce pas le propre des chefs-d'oeuvre que d'autoriser des approches aussi dissemblables mais également réussies ? N'allez cependant pas croire que Sarah Connolly ne chante pas aussi avec ses tripes : sa Déjanire, âpre, farouche, électrisante n'a rien à envier à l'excellente composition de Von Otter, superlative là encore, et augure une magnifique prise de rôle. Certaines inflexions rappellent fugacement Lorraine Hunt-Lieberson, mais comparaison n'est pas raison ; l'art de la Britannique ne se laisse pas ainsi réduire. A la tête d'une phalange méconnue, mais talentueuse, Harry Christophers accompagne plus qu'il ne dirige sa complice, il est vrai admirablement soutenue.

Les disques les plus aboutis ont ceci de commun avec les ratages absolus : ils se passent de longs commentaires.
  


Bernard SCHREUDERS


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