Alice COOTE
LIEDER
Alice COOTE, mezzo-soprano
Julius DRAKE, piano
LIEDER Mahler - Haydn - Schumann
Gustav MAHLER
Quatre lieder de Des Knabenwunderhorn
:
Rheinlegendchen -
Nicht wiedersehen
Das irdische Leben -
Urlicht
Joseph HAYDN
Arianna a Naxos
Robert SCHUMANN
Frauenliebe und Leben
Gustav MAHLER
Rückertlieder
1 CD EMI
Collection "Debut" n° 7243
5 85559 2 9
Il fut une époque - d'ailleurs pas si lointaine - où
les jeunes chanteurs faisaient leurs premières armes au disque dans
les rôles secondaires d'intégrales díopéras, l'enregistrement
d'un récital venant ensuite, souvent plus tard et plutôt comme
une consécration que comme un début.
Las ! Les temps ont bien changé. Crise du disque ou "mutation
culturelle" ? On commence à présent presque toujours par
un premier enregistrement souvent ambitieux, comportant des oeuvres célèbres
où se sont illustrés les plus grands. Les maisons de disques
jugent sans doute qu'un CD au programme plus "modeste" ou alignant des
oeuvres moins connues ne se "vendrait pas"...
Le problème est que ce genre d'exercice peut parfois se révéler
meurtrier pour des jeunes chanteurs pleins de promesses ou, du moins, tourner
à leur désavantage.
C'est ce qui se produit, en quelque sorte, avec le premier disque d'Alice
Coote, de la collection "Début" d'EMI, laquelle "est consacrée
à des artistes à l'orée d'une carrière internationale
au plus haut niveau et qui les fera pleinement bénéficier
des normes techniques définies par les studios d'Abbey Road" (livret).
Indiscutablement et au contraire de nombre de ses consoeurs dont on
fait actuellement la promotion comme d'une marque de déodorant et
dont, par bonté d'âme, il est préférable de
taire les noms, Alice Coote a une voix, une vraie voix, que certains critiques
ont même comparée à celle de Janet Baker ; effectivement,
çà et là, on découvre une certaine similitude
de timbre et certains accents qui évoquent un peu la grande Janet...
Mais, hélas, la comparaison s'arrête là : alors
que Janet Baker livrait, dans toutes ses interprétations, une lecture
d'un investissement absolu et bouleversant, on entend ici une belle voix,
certes, sombre, bien menée, homogène et assez puissante,
mais dans un chant sans grand relief.
C'est comme si le studio avait quelque peu pétrifié le
tempérament et l'engagement dont Alice Coote sait faire preuve à
la scène ou au concert, ainsi qu'en témoigne la version d'Alcina
captée à l'Opéra de Stuttgart en 2000, dans une mise
en scène très "destroy" de Jossi Wieler et Sergio Morabito
(éditée en DVD), où elle campe un Ruggiero on ne peut
plus décoiffant et qui, sans être toujours très stylé,
s'avère redoutablement efficace.
Ici, le caractère univoque de l'interprétation et la
monochromie de la voix donnent l'impression qu'elle chante tout le temps
la même chose ou de la même façon des choses différentes,
ce qui revient, hélas, au même.
A mon sens, il y a deux raisons à cela : d'une part le choix
du programme, visiblement très lourd et trop ambitieux, qui place
la tonalité générale du disque sous le signe du drame
et du malheur (option on ne peut plus risquée pour un premier enregistrement)
et, d'autre part, l'incapacité où se trouve l'artiste à
colorer suffisamment et avec savoir-faire des oeuvres marquées par
de grandes interprètes. Des pages aussi célèbres que
FrauenLiebe und Leben, les Rückert Lieder, Arianna a Naxos,
Urlicht, ont été enregistrées par Ferrier, Baker
justement, Norman, mais également Berganza (Haydn), von Otter (Haydn,
Schumann et Mahler), etc. Il va de soi que ce répertoire doit continuer
à vivre grâce à une nouvelle génération
de chanteurs, mais les donner au concert est une chose, les graver au disque
en est une autre.
En un mot, il eût été préférable de
"panacher" le programme, ce que l'on sait d'ailleurs faire de moins en
moins, et d'alterner les humeurs graves et plus légères ou
moins chargées de pathos. Car tel quel, il est globalement assez
décevant : une cantate d'Arianne à Naxos bien chantée,
mais de façon un peu molle et superficielle, qui donne à
penser que cette Ariane-là semble bien peu concernée et qu'on
en a entendu de plus amoureuses et de plus désespérées
; des Mahler qui témoignent d'une bonne technique et d'une voix
puissante mais qui ne sont pas assez habités et un Frauenliebe
und Leben sans défaut, si ce n'est celui de sonner très
scolaire, voire ennuyeux.
La musicienne promet, mais elle n'a pas la maturité que requièrent
ces pages. Pourquoi ne pas avoir choisi des mélodies de jeunesse
de Mahler ? Et au lieu de sa grandiose cantate dramatique, quelques unes
de ces délicieuses mélodies que Haydn écrivit sur
des textes anglais ? On peut aussi regretter qu'Alice Coote n'ait pas plutôt
retenu l'une ou l'autre oeuvre de Britten, par exemple, ou de Haendel,
chez qui elle excelle.
En somme, malgré les qualités évidentes de cette
jeune artiste, on reste sur sa faim, et ce n'est pas l'accompagnement efficace,
mais discret de Julius Drake qui changera la donne.
Pour prendre la pleine mesure de ce jeune talent, il convient plutôt
de l'entendre et de la voir dans l'Alcina de Stuttgart (DVD n°
100338, paru cher Arthaus) et d'espérer surtout qu'elle sera mieux
conseillée pour ses futurs enregistrements.
Juliette BUCH
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