David
DANIELS
A Quiet Thing
Songs for voice
and guitar
1. John Kander
(1927) : A Quiet Thing
2. Alec Wilder
(1907-1980): Blackberry Winter
3. Leonard Bernstein
(1918-1990): So Pretty
4. Harold Arlen
(1905-1986): My Shining Hour
5. Francisco
de la Torre (1483-1504): Pámpano verde
6. Juan de Anchieta
(1462-1523) : Con amores, la mi madre
7. Gabriel Mena
(c.1500- c.1528): A la caza
8. John Dowland
(1563-1626) : Come again, sweet love
9. Idem: Flow,
my tears
10. Henry Purcell
(1659-1695) : Music for a while
11. Vincenzo
Bellini (1801-1835): Vaga luna, che inargenti
12. Idem : Malinconia,
Ninfa gentile
13. Idem : Ma
rendi pur contento
14. Bach/Gounod
: Ave Maria
15. Leonard
Bernstein : A Simple Song
16. Franz Schubert
(1797-1828): Ave Maria
17. Stephen
Foster (1826-1864): Beautiful Dreamer
18. Anonyme
: Shenandoah
19. Giovanni
Battista Martini (1706-1784) : Plaisir d'amour
David Daniels,
contre-ténor
Craig Ogden,
guitare
Arrangements
: Craig Ogden
(Shenandoah
: Roland Chadwick)
Virgin Classics
(12/2002, 3/2003)
7243 5 45600
2 6 - 1 CD : 64' 16"
"A ce point de ma carrière, il
pourrait sembler naturel que j'enregistre un disque de chansons pour contre-ténor
et luth. Mais en ce moment, je suis plus intéressé par l'exploration
d'un répertoire qui n'est pas nécessairement associé
à mon type de voix, ainsi la majorité des chansons présentes
sur ce disque reflètent ma passion actuelle. En plus, j'aime vraiment
chanter avec un accompagnement à la guitare" [traduction personnelle].
David Daniels a donc voulu se faire plaisir, il ne faut pas chercher d'autre
fil conducteur à un programme qui peut sembler hétéroclite.
Si les
Ave Maria de Bach/Gounod et Schubert
(1)
- et même la
Simple Song extraite de la
Mass de Bernstein,
malgré ses accents
jazzy - détonnent dans un environnement
profane, l'artiste justifie leur présence en expliquant qu'il voulait
faire de ce disque quelque chose de très personnel et d'intime.
La présence, tout aussi déroutante, des pages belcantistes
extraites des
Composizioni da camera de Bellini, que les parents
du chanteur confiaient souvent à leurs élèves, est
donc aussi le reflet d'un parcours, d'un goût personnel. Ceci dit,
pourquoi les falsettistes devraient-ils se limiter aux oeuvres expressément
écrites pour leur voix, à supposer que les compositeurs se
soient toujours préoccupés de catégories vocales ?
Hier encore, d'aucuns se sont crus autorisés à critiquer
les contre-ténors (Deller, Bowman, Lesne) qui abordaient les
leçons
de ténèbres de Couperin alors qu'elles ont été
écrites pour des dessus féminins, un purisme absurde quand
on sait que le compositeur précisait lui-même qu'elles pouvaient
étaient interprétées par tout bon chanteur, quelle
que soit sa catégorie vocale. David Daniels n'est pas, loin s'en
faut, le premier à sortir des sentiers baroques, les précédents
sont plus nombreux qu'on pourrait le croire : Paul Esswood (HUNGAROTON)
et Jochen Kowalski (CAPRICCIO) ont gravé le
Dichterliebe
de Schumann - sur son album
Sérénade (VIRGIN), Daniels
proposait une très belle et langoureuse version du
Nacht und
Traüme de Schubert - Brian Asawa s'est lancé dans la
Pavane
de Fauré, la
Vocalise de Rachmaninov et le
Bachiana Brasileiras
n°5 de Villa-Lobos (RCA) et René Jacobs avait déjà
inclus dans un florilège d'ariettes et
cavatines romantiques
(dont la célèbre
cavatine de
Tancredi [!],
récital publié chez ACCENT) la "Vaga luna, che inargenti"
de Bellini que la star américaine propose aujourd'hui. En son temps,
chacune de ces parutions a provoqué sinon toujours un tollé
général, du moins des réserves de principe qui ont
parfois biaisé le jugement porté sur les qualités
intrinsèques de l'interprétation.
David Daniels a pour lui des atouts incomparables, à commencer
par une qualité de timbre qui n'évoque guère le fausset,
un ambitus exceptionnel (proche du mezzo) et des aigus somptueux, une plasticité
et une technique de chant inouïes chez un contre-ténor (écoutez
seulement son legato !) et qui font justement oublier sa particularité
vocale, des atouts mis au service d'une musicalité et d'un lyrisme
qui sont l'apanage des grands. Mais aussi doué soit-il, Daniels
ne convainc pas toujours. Son charisme est indéniable : à
la cour de Ferdinand et Isabelle (savoureux Pámpano verde,
qu'il termine en musant) ou en crooner (A Quiet Thing de
Kander, à qui l'on doit la musique de Cabaret et Chicago,
My Shining Hour de Harold Arlen, qui signa la B.O. du Magicien d'Oz),
le charme opère. L'émotion nous étreint aussi dans
la très belle chanson de Bernstein, So Pretty, créée
par Barbra Streisand le 21 janvier 1968 au Philharmonic Hall de New York
lors du concert pour la paix au Vietnam, Broadway for Peace. Daniels
trouve les accents justes, sans aucune mièvrerie, pour exprimer
le désarroi d'un enfant qui ne comprend pas que "des gens si beaux"
meurent. Ailleurs (Dowland, Purcell), la recherche du beau son semble parfois
prendre le pas sur l'expressivité et l'attention portée au
texte. Comme si à force de vouloir réaliser un disque très
intimiste, le chanteur affadissait parfois le propos, passant à
côté du désespoir et du spleen élisabéthain
(Flow my tears) ou du pouvoir hypnotique de Music for a while,
inutilement ornementé. Par ailleurs, la simplicité des mélodies
de Bellini, qui met à nu l'instrument, appelle peut-être d'autres
couleurs et un grain plus charnel. Cependant, comme pour Dowland, que Deller
a marqué d'une empreinte indélébile, nous sommes sans
doute aussi tributaires de nos habitudes d'écoute. Les arrangements
sont de bon goût et l'accompagnement de Craig Ogden soigné
et délicat, même si la sonorité de la guitare apporte
une touche parfois trop sucrée ou exotique.
Néanmoins, les fans du contre-ténor seront comblés
et les amateurs de chansons américaines à la fête.
En outre, ce disque accompagnera aussi à merveille une tisane relaxante
après une dure journée de labeur... N'y voyez aucune ironie
! Quelques instants de douceur dans un monde de brutes, pour paraphraser
le slogan d'une célèbre marque de chocolats, c'est infiniment
précieux. David Daniels caresse depuis longtemps un autre rêve,
qui devrait bientôt se concrétiser : l'enregistrement des
Nuits
d'été de Berlioz. De quoi faire frissonner d'horreur
ou de plaisir les fans et détracteurs de ces voix masculines haut
perchées... To be continued !
Bernard Schreuders
(1) Un autre contre-ténor
peu connu sous nos latitudes, Vyatcheslav Kagan Paley (il a enregistré
le Nisi Dominus de Vivaldi et le Stabat mater de Pergolesi,
aux côtés du sopraniste Oleg Ryabets [MK 417107], qu'il a
ensuite retrouvé pour la création et l'enregistrement des
Trois
Súurs d'Eötvös [Deustsche Grammophon]), a gravé une
compilation d'Ave Maria, de Caccini à Stravinsky en passant
notamment par Liszt, Verdi, Bruckner, Saint-Saëns et Bizet. Dommage
qu'il soit accompagnéÖ au synthétiseur ! (FONOVOX VOX 7919-2
distribution Fusion III).
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