Gaetano Donizetti
Un Italien à Paris - duos & mélodies
01. L'Addio I (4'54)
02. O Crudel (3'00)
03. La lontananza (2'17)
04. Che vuoi di più (3'15)
05. C'est le printemps (2'19)
06. La gondoliera (2'38)
07. Les gondoliers de l'Adriatique (2'17)
08. La Sultane (6'01)
09. L'Addio II (5'15)
10. La nouvelle Ourika (4'01)
11. Predestinazione (5'23)
12. Vision (4'00)
13. Tu mi chiedi (3'40)
Sei notturni a due voci (extraits des Nuits à Pausilippe)
14. Il giuramento (1'48)
15. L'aurora (2'42)
16. L'alito di Bice (3'28)
17. Amor, voce del cielo (2'13)
18. Un guardo ed una voce (3'05)
19. I bevitori (3'47)
Durée totale : 66'26
Prise de son : Hugues Deschaux
Des Demoiselles de bonne compagnie
Quand Gaetano Donizetti débarque à Paris en 1838, il a
déjà à son actif plusieurs dizaines d'opéras
qui ont solidement établi sa réputation en Italie (1).
Mais ce n'est pas suffisant. Si il veut léguer son nom à
la postérité et par la même occasion arrondir ses fins
de mois (2), le maître de Bergame, à
l'exemple de Rossini et Bellini, se doit de triompher à Paris. Le
prestige de la ville est alors sans égal. A partir de 1835, la musique
y connaît un succès prodigieux. Pendant le carême de
1838, le journal Le Siècle recense 844 concerts et deux ans après,
en avril 1840, compte en moyenne 35 manifestations musicales par jour (3).
Ces concerts sont autant publics que privés ; les salons jouent
un tel rôle dans le développement des arts que, pour l'artiste
en quête de gloire, ils constituent un passage obligé. Afin
de les séduire, Donizetti produit une série de recueils aux
noms délicieusement romantiques : Les nuits d'été
à Pausilippe, Les rêveries napolitaines, etc. Ces pièces,
comme toutes les partitions du compositeur, ont longtemps été
traitées par le mépris jusqu'à sombrer dans l'oubli.
Après un premier disque consacré à Gounod, Saint-Saens
et Lalo, "Les Demoiselles de", Claire Brua et Sophie Marin-Degor, toujours
accompagnées de leur fidèle Serge Cyferstein, continuent
d'explorer le répertoire de la mélodie, de préférence
à deux voix, et choisissent d'exhumer quelques uns de ces duos oubliés
qu'elles complètent d'une poignée d'airs pour ce nouvel enregistrement.
Les extraits judicieusement choisis et ordonnancés offrent une
bonne idée de la variété et de la maîtrise du
style auxquelles est alors parvenu Donizetti. Les lentes cantilènes
héritées de Bellini (les deux "L'addio", "che vuoi di piu"...)
alternent avec ces chansons brillantes, caractéristiques de l'époque,
qu'Offenbach brocardera génialement dans Les contes d'Hoffmann
("Crudel", "C'est le printemps", "les gondoliers de l'adriatique",
"Tu mi chiedi", etc). Des rythmes à la mode, valse ou polka, s'y
glissent habilement pour achever de conquérir les élégantes.
La silhouette du compositeur d'opéra apparaît au détour
d'une page à travers des airs ou des cabalettes qui ne dépareraient
pas Roberto Devereux ou Maria Stuarda ("La lontananza", "L'alito
di Bice", "Predestinazione"). L'homme de théâtre se dessine
encore plus nettement avec "La sultane" et surtout "La nouvelle Ourika",
véritables drames en miniature qui se drapent d'exotisme pour sacrifier
à l'orientalisme du moment. Un brindisi à mi chemin entre
Verdi pour la facture et Offenbach pour la fantaisie conclut joyeusement
ce florilège ("I bevitori").
Comme toujours chez les Italiens, l'inspiration mélodique n'est
jamais prise en défaut. Les airs s'inscrivent immédiatement
dans la mémoire et s'y installent durablement. Les voix sont évidemment
reines, le piano se contente d'accompagner, ne commente jamais. Cyril Cyferstein
se révèle le serviteur discret et stylé que réclame
ce répertoire. Il n'est pas si facile de savoir ainsi conserver
sa place et rester toujours dans la note sans s'effacer, ni se renier.
L'interprétation de nos demoiselles n'appelle aucun reproche.
En italien ou en français, elles respectent la prosodie ; c'est
primordial. Leurs timbres s'harmonisent naturellement, différents
et semblables à la fois. Portés par la longueur du souffle,
confondus ou séparés, ils tracent des arabesques qui s'élèvent
comme des volutes d'un parfum dont on respire avec délice les effluves.
L'écueil de la monotonie, fréquent dans ce genre de récital,
est aisément évité par la variation des couleurs et
le souci des nuances. Entre la blonde et la brune, il est difficile de
choisir, le coeur va et vient, se pose et puis s'envole. Les duos augmentent
le trouble jusqu'à ce que survienne la "vision" quand descend la
nuit sombre...
Le soir, après une journée un peu difficile, ou à
l'occasion d'un dîner, pour le rehausser sans le guinder, ou par
facilité, pour le simple plaisir de fredonner, ce disque se révèle
vite le compagnon que l'oreille souvent réclame. Définitivement
enchanté, on en vient même à trouver à Sophie
Marin-Degor des accents de Montserrat Caballé. L'amour serait-il
sourd en plus d'être aveugle ?
Christophe RIZOUD
Notes
(1) Anna Bolena, en 1830 à Milan, et surtout, en 1835
à Naples, Lucia di Lamermoor, pour n'en citer que deux
(2) Les droits d'auteurs sont alors en France plus avantageux qu'ailleurs.
Donizetti s'empressera d'en profiter en transformant dès 1839 sa
Lucia di Lamermoor en Lucie de Lamermoor et en faisant tourner
cette nouvelle version dans tous les théâtres français.
(3) Pour plus de détails sur la vie et les moeurs musicales à
Paris à l'époque de Donizetti, on conseillera la lecture
de l'ouvrage de Anne Martin-Frugier intitulé La vie élégante
ou la formation du Tout-Paris de 1815 à 1848.
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