Henry Purcell (1659-1695)
Dido and Aeneas
Dido, Susan Graham
Aeneas, Ian Bostridge
Belinda, Camilla Tilling
Second Woman, Cécile de Boever
Sorceress, Felicity Palmer
Spirit, David Daniels
A Sailor, Paul Agnew
European Voices,
direction : Simon Hasley et David Lowe
Le Concert d'Astrée
clavecin et direction : Emmanuelle Haïm
1 CD Virgin
Brillant sujet, Emmanuelle Haïm a débuté sa carrière
de musicienne en tant que claveciniste. Elle a forcé un jour la
porte de la classe de William Christie au conservatoire de Paris, puis
a réussi à s'imposer par l'éloquence de sa virtuosité
et le dynamisme qu'elle met dans tout ce qu'elle entreprend. Succédant
à Christophe Rousset comme continuiste attitrée des Arts
Florissants, elle poursuit cette carrière pendant quelques années,
puis, toujours sur les traces de son prédécesseur, prend
son autonomie et fonde son propre ensemble. De William Christie, elle a
retenu la pureté du style, un certain goût de l'emphase, l'amour
du théâtre, un faible pour la provocation par les contrastes,
une vivacité surprenante, une énergie très communicative.
A tout cela, elle ajoute un petit grain de folie qui lui est propre, qui
dérange, qui agace ou qui charme, c'est selon, mais qui ne laisse
pas indifférent.
Mettant assez intelligemment toutes les chances de son côté,
elle aborde Didon et Enée de Purcell avec une équipe
triée sur le volet : elle dirige ses propres musiciens, le Concert
d'Astrée (pour la circonstance l'ensemble s'est considérablement
élargi, mais sans rien perdre de sa virtuosité), elle s'adjoint
les meilleurs solistes anglo-saxons du moment qui, bien sûr, pratiquent
une diction impeccable dans leur langue maternelle. Elle leur insuffle
à tous son énergique impulsion théâtrale, sa
rythmique endiablée, s'attachant manifestement à surprendre,
à faire autrement que tout ce qui a déjà été
fait. Plus vite, plus dynamique, plus contrasté, plus théâtral,
stylistiquement plus abouti, à la pointe de ce qu'on sait aujourd'hui
de l'interprétation musicale du XVIIè siècle. Ah,
ces coups de tonnerre à la fin du premier acte !
Le résultat est épatant et apporte un renouveau bienvenu
dans la longue série des enregistrements de cette oeuvre extrêmement
populaire, mais pas toujours bien servie. C'est que la partition n'est
pas si facile qu'il y paraît : mêlant, comme dans le meilleur
Shakespeare, la tragédie la plus pure aux scènes de genre,
elle requiert une grande diversité d'intentions qui nuisent souvent
à l'unité musicale et à la cohérence du propos
dramatique. Emmanuelle Haïm résout tout cela par une grande
rigueur et une grande précision dans la direction, imposant un style,
mais laissant aux chanteurs tout le loisir de créer eux-mêmes
l'émotion par le texte et par la voix.
Ainsi, Susan Graham campe une Didon absolument souveraine, sublime dans
son destin tragique, et son partenaire Ian Bostridge, Enée plus
viril qu'à l'habitude, inquiet et vraiment émouvant, assume
la noblesse d'un rôle qui lui convient vocalement très bien.
La Belinda de Camilla Tilling, tout en grâce et légèreté,
apporte une note plus humaine à ces royaux transports, tandis qu'on
retrouve, dans les petits rôles, d'autres excellents chanteurs :
Paul Agnew force, pour une fois, sa réserve habituelle pour jouer
un marin un peu rustre, plus vrai que nature ; Felicity Palmer donne au
personnage de la sorcière une sensualité troublante, bien
au-delà de la caricature qu'on entend trop souvent, et David Daniels
incarne un Esprit très crédible, prophétique à
souhait. Le choeur, un peu en retrait face à de telles personnalités,
remplit honnêtement son rôle de commentateur des passions.
Claude JOTTRAND
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