Don Giovanni
Wolfgang Amadeus
Mozart
Bo SKOVHUS : Don
Giovanni
Janus MONARCHA
: Il Commendatore
Adrienne PIECZONKA
: Donna Anna
Torsten KERL :
Don Ottavio
Regina SCHÖRG
: Donna Elvira
Renato GIROLAMI
: Leporello
Boaz DANIEL :Masetto
Ildiko RAIMONDI
: Zerlina
Hungarian Radio
Chorus
Nicolaus Estherhazy
Sinfonia.
Michael HALASZ
: direction
Naxos 3CD 8.660
080-82 (Naïve). 2000
C'est toujours avec plaisir que l'on découvre
les nouvelles intégrales de la firme Naxos : entre rééditions
inattendues (le
Don Giovanni des années 30 de Glyndenbourne),
des enregistrements de référence ou de très bonne
qualité (
Tancredi de Rossini avec Ewa PODLES, Il Barbiere
di Siviglia avec Ramon VARGAS et Sonia GANASSI) ou des artistes encore
méconnus à découvrir (Luba ORGONASOVA dans
La Sonnambula)
les surprises ont souvent été de taille. C'est donc avec
un vif intérêt que nous découvrons un nouveau
Don
Giovanni en ce début d'été.
Encore un Don Giovanni ? Avec la quantité d'enregistrements
déjà disponibles, cette nouvelle version n'était sans
doute pas indispensable. Pourtant, cruel sort de cette oeuvre inégalable,
il n'en existe point à l'heure actuelle de version parfaite. Certes,
il a été fait du merveilleux et du splendide, mais la perfection
n'a pas encore été atteinte ! Pourtant, ce Don Giovanni
saura réjouir les fans de l'oeuvre grâce à la seule
interprétation du rôle titre.
En effet, depuis son enregistrement, déjà superbe avec
Sir Charles MACKERRAS, et au fil de ses incarnations, Bo SKOVHUS a énormément
mûri son approche du terrible séducteur.
Son Don Giovanni est incroyablement pervers, cruel et pourtant séduisant
et charmeur à souhait. Sans jamais laisser de répit à
ses victimes, il affrontera avec bravoure le Commandeur, mais sera bien
obligé de suivre son destin avec l'un des plus splendides cris de
terreur de la discographie. Il est difficile pour tout interprète
qui aborde ce rôle de s'y imposer sans copier tel ou tel collègue.
Le grand baryton au sourire ravageur l'a fait sien avec une musicalité
et une passion flamboyante telles qu'on ne peut que l'acclamer.
Son valet propose lui aussi une interprétation très recherchée
: aussi cynique que tendre ou apeuré, Renato GIROLAMI campe un excellent
Leporello.
En revanche, le commandeur de Janus MONARCHA est un simple déclamateur
qui ne recherche pas d'effets et ses scènes n'apportent pas le surnaturel
attendu.
Torsten KERL est sans doute trop viril pour le faible et amoureux Don
Ottavio. Avec un timbre, une puissance et un abattage de Heldentenor, ce
chanteur que l'on avait pu admirer la saison dernière dans Die
tote Stadt de KORNGOLD n'est pas à sa place dans ce rôle
plutôt léger, même si sa technique et sa musicalité
sont irréprochables .
L'Anna d'Adrienne PIECZONKA et l'Elvira de Regina SCHÖRG suscitent
les mêmes réserves : de la belle musique servie par une technique
maîtrisée, mais elles restent bien scolaires et ne nous apportent
pas la flamme et l'intensité attendues par leurs rôles.
Pari accompli par contre pour notre couple de paysans : on croit vraiment
à leurs scènes de ménage, à la jalousie du
Masetto de Boaz DANIEL, au cabotinage de la Zerlina d'Ildiko RAIMONDI,
même si le timbre de cette dernière est particulièrement
sombre pour la jeune femme légère qu'elle est censée
incarner.
La direction de Michael HALASZ est terriblement classique, se rapprochant
plus de la raideur de Böhm que de la splendeur de Solti ; pourtant,
après les interprétations d'Ostman ou Harnoncourt, il semble
que la totalité des facettes musicales de l'oeuvre aient été
déjà explorées : on ne comprend donc pas ce retour
en arrière de nos jours. Signalons aussi un déroutant continuo,
autant brillant dans les récitatifs que perturbant dans certaines
introductions (par exemple l'entrée du "Ah ! del padre in periglio"
est proposée en majeur alors que le passage ne semble guère
s'y prêter).
La version choisie est, elle aussi, étrange : une version de
Prague avec "Dalla sua pace", "Mi tradi..." et "Per queste tue" en appendice,
mais les récitatifs et le final au complet !
Voilà un enregistrement élégant, non dénué
de qualités et dominé par l'interprétation de Bo SKOVHUS,
mais qui, répétons-le, n'était pas nécessaire
dans un paysage discographique déjà fourni. Elle saura néanmoins
séduire ceux qui désirent entendre un des Don Giovanni
les plus pervers qui soient ou découvrir l'oeuvre dans un environnement
musical perfectible, mais de qualité et une bonne prise de son,
à un prix tout à fait abordable.
Jean-Bernard
Havé