Wolfgand Amadeus MOZART
DON GIOVANNI
Don Giovanni - Peter Mattei
Leporello - Gilles Cachemaille
Masetto - Nathan Berg
Don Ottavio - Mark Padmore
Donna Anna - Alexandra Deshorties
Donna Elvira - Mireille Delunsch
Zerlina - Lisa Larsson
Il Commendatore - Gudjon Oskarsson
Daniel Harding, direction
Mahler Chamber Orchestra
Peter Brook, mise en scène
Réalisation Vincent Bataillon
Enregistré en juillet 2002 au Festival d’Aix-en Provence.
1 DVD Bel Air BAC010
Sous titrages en français, anglais, allemand, espagnol.
Zones 2, 3, 4, 5. Durée 174’.
Bonus : interview de Peter Brook.
Sic transit Gloria Lasso
Ce
Don Giovanni de Peter Brook
se révèle être l’une des productions clefs de
l’ère Stephane Lissner au Festival International
d’Aix-en-Provence. Elle eut en tout cas le mérite de
révéler Peter Mattei comme l’un des principaux
barytons de sa génération, le Festival lui
réservant plus tard le droit de démontrer au public
aixois sa grande adéquation au rôle
d’Onégine. Ce qui fit aussi grand bruit, à
l’époque, c’est l’apparition d’un
bébé-chef au visage d’adolescent vaporeux sorti
tout droit des phantasmes homoérotiques de Caravage :
Daniel Harding, au-delà de ses culottes courtes offrit une
lecture originale d’une des partitions les plus
exécutées de tout le répertoire lyrique.
C’est un exploit, certes, mais Harding et son orchestre
surjouent, appuient leurs effets et agacent.
A tout seigneur tout honneur, Peter Brook - quoi qu’on en dise -
est la tête d’affiche de cette production. Le dramaturge
anglo-saxon dont l’œuvre eut un empire considérable
sur les esprits des hommes cultivés de la
génération de Stéphane Lissner offre ici une mise
en scène fonctionnelle qui ne révolutionne rien mais qui
se montre diablement efficace au delà de certains tics dont on
se serait bien passés (Don Giovanni s’amusant avec des
bâtonnets géants, Zerlina tripotant les doigts de pieds de
Masetto…) Peter Brook s’affranchit de contingences
scéniques encombrantes, opte pour la sobriété et
œuvre à diriger ses chanteurs, sorte de travail de mise en
scène de base, exercice de style compliqué
d’où il sort couronné de lauriers car les chanteurs
réunis sont, au final, de très bons comédiens.
Et pourtant l’affiche réunie rend sceptique. Que vient
faire Gilles Cachemaille, baryton granuleux dans le rôle de
Leporello, pourquoi lui ? Sa prestation est honorable mais laisse
perplexe, ses moyens n’étant pas franchement
adéquats et sa vis comica étant tout sauf
évidente, sans parler de l’intonation flageolante. Soit.
Gudjon Oskarsson, Nathan Berg et Lisa Larsson offrent des prestations
sobres quoique peu mémorables de leurs rôles, on aurait
souhaité une Zerlina un rien moins empruntée, un Masetto
moins carré et un Commandeur plus
« intersidéral » mais les trois artistes
sont enthousiastes. Alexandra Deshorties avait été une
Constanze désastreuse au Met, elle est ici une Donna Anna
très convaincante : la voix est parfaitement
maîtrisée et toise ce rôle redoutable d’un
œil défiant, ses talents d’actrice attendent
peut-être un peu plus d’expérience pour être
totalement convaincants mais la prestation est, au final, tout à
fait convaincante. Mireille Delunsch est, elle, une actrice née
et transcende le rôle d’Elvira. Si la voix, en principe,
pourrait ne pas convenir au rôle, il n’en apparaît
rien ici, Delunsch n’est rien d’autre
qu’exceptionnelle. Mark Padmore, acteur discret, traverse son
rôle avec l’élégance qu’on lui
connaît. Un Ottavio idéal.
Comment dire ça sans faire sourire ? Le mieux est de
se lancer : de tous les Don Giovanni de la discographie (et Dieu
sait s’il y en a), de tous les Don Giovanni entendus à la
scène, Peter Mattei offre la prestation la plus enthousiasmante
qu’il m’ait été donné
d’entendre. Enterrés les Siepi, les Ghiaurov, les
Fischer-Dieskau, les Allen. Le bulldozer Mattei est passé par
là et ne laisse derrière lui qu’un tas de cordes
vocales sanglantes et fumantes : sa voix est la musicalité
incarnée, chaque phrase est pensée et
interprétée, de l’air au récitatif le plus
anodin. L’acteur étant par ailleurs excellent et
très convaincant dans son rôle de sex-symbol, on tombe
à genoux. Point.
Lionel ROUART
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