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Gioacchino Rossini (1792-1868)
LA DONNA DEL LAGO
Opéra en deux actes
Livret d’Andrea Leone Tottola
Elena : Sonia Ganassi
Uberto | Giacomo V : Maxim Mironov
Malcolm : Marianna Pizzolato
Rodrigo : Ferdinand von Bothmer
Douglas : Wojtek Gierlach
Albina : Olga Peretyatko
Serano : Stefan Cifolelli
SWR Radio Orchestra Kaiserslautern
Prague Chamber Choir
Tübingen Festival Band
Alberto Zedda, direction
CD Naxos
Sonia est dans le lac
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la discographie de cette Dame du lac
n’est pas pléthorique. Seulement, le hic, c’est
qu’un enregistrement absolument admirable existe et qu’il
est dès lors difficile de flirter avec ses hauteurs. Il
s’agit bien sûr du disque réalisé à la
Scala au début des années 90 avec Riccardo Muti qui dirigeait rien de moins que quatre géants de la Rossini renaissance, à savoir June Anderson, Martine Dupuy, Rockwell Blake et Chris Merritt.
Quand on y ajoute le fait que ces quatre chanteurs, leurs
collègues et le chef étaient tous dans une forme
olympique au moment de l’enregistrement et que celui-ci est
désormais disponible à prix économique, on se
demande ce qui pousse Naxos à s’embarquer dans cette
nouvelle aventure lacustre.
Il y a bien sûr Alberto Zedda
qui, d’entrée de jeu, nous prouve qu’il n’a
rien perdu de sa forme olympique en agitant les forces de l’orchestre de la radio de Kaiserslautern
dans tous les sens, obtenant de cette formation intrigante des miracles
de nuance et une dynamique proprement enthousiasmante. Il faut rendre
cet hommage à celui qui est le maître de Pesaro et
l’un des plus grands protagonistes de la Rossini
renaissance : son enthousiasme se traduit clairement par un
résultat artistique de haute volée.
Pédagogue, Alberto Zedda tire derrière lui une
équipe de jeune chanteurs dont certains ont été
formés à la désormais célèbre Académie Rossinienne de Pesaro,
sorte de centre de perfectionnement pour aspirants rossiniens.
C’est que, si à l’époque où on
découvrit le talent de Marilyn Horne ou de Rockwell Blake comme
sous une pierre, aujourd’hui ce talent se façonne, se
ciselle, s’apprend comme on apprendrait l’art de
découper le jambon. C’est peut-être la
qualité et le défaut majeurs de ce disque : une
application de premier de classe, opposée à un
défaut de maturité, une petite lacune du
côté de l’âme.
Le premier à nous le faire clairement sentir est le jeune ténor russe Maxim Mironov,
dont on connaît et salue le succès grandissant sur la
scène internationale. Cette belle et jeune voix vocalise
à merveille, se joue de toutes les difficultés de son
rôle - et Dieu sait s’il y en a - mais révèle
par la verdeur de son organe, qu’un peu de planches ne nuirait
pas à son approche, que sa voix a encore besoin de lever
quelques haltères et que s’il est remarquable
d’arriver - si tôt - à un tel degré de
perfection technique, il reste à travailler l’imagination,
la dynamique et les couleurs. C’est au fond une couronne bien
lourde qu’on a coiffée sur cette jeune tête.
Face à lui, on retrouve une vétérane en la personne de Sonia Ganassi.
Belle idée que de confier Elena a une mezzo-soprano, cette
tessiture très centrale ayant parfois joué des tours
à des sopranos aigues telles que Mariella Devia. Ganassi y fait
montre d’une formidable musicalité et de belles prouesses
techniques (on se demande pourquoi Alberto Zedda prend le trio du
deuxième acte à une telle allure, laissant dans son
sillage trois solistes médusés) et démontre
qu’elle est l’une des grandes belcantistes
d’aujourd’hui.
En retrait sont Marianna Pizzolato
qui montre, elle aussi, un instrument intéressant et des
intentions très louables mais dont la
légèreté ne colle pas à l’idée
que l’on se fait du contralto rossinien et Ferdinand von Bothmer
qui fait tout ce qu’il peut du rôle impossible de Rodrigo.
Baladé du début à la fin du grave à
l’aigu, ce pauvre homme se bat avec noblesse, au point de se
hisser au niveau de Ganassi, jusqu’à ce que
l’affrontement du II expose un petit aigu ingrat et qu’il
enjambe, l’air de rien, ses redoutables vocalises. La voix
granuleuse de Robert Gierlach fait merveille dans l’air quasi-disco de Rodrigo alors qu’Olga Peretyatko et Stefan Cifolelli parviennent –et c’est rare !- à magnifier leurs petits rôles.
Hélène MANTE
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