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Richard STRAUSS (1864-1949)
ELEKTRA
Klytämnestra, Mignon Dunn
Elektra, Birgit Nilsson
Chrysotemnis, Leonie Rysanek
Aegisth, Robert Nagy
Orest, Donald McIntyre
Metropolitan Opera Orchestra
James Levine
Mise en scène, Herbert Graf
Décors & Costumes, Rudolf Heinrich
Eclairages, Gil Wechsler
1 dvd Deutsche Grammophon, 00440 073 4111
Les héroïnes ne se fatiguent jamais
Attention, chef-d’œuvre ! La
légende dorée des survivants du petit monde de
l’opéra nous l’avait dit, cette Elektra
vaut de l’or. On savait le mythe d’une Rysanek
enfiévrée (au sens propre) ; on connaissait les
échos jusqu’à nous transportés d’une
Nilsson brûlant les restes de son glorieux organe. On nous avait
raconté les tonnerres d’applaudissements (que le dvd
conserve, dieu merci ; c’est aussi génialement
inutile qu’émouvant). On savait tout cela mais on
était, encore, en dessous de la réalité !
Mythique ? C’est finalement trop peu !
Titanesque ? C’est déjà plus juste !
C’est un choc d’amazones qui passe ici. Une
épopée avec son feu et tout son sang ; son souffle
putride aussi, qui vous cloue à votre siège. La folie
consommée d’une antiquité crûment
fantasmée.
Rien ne semblait gagné d’avance, pourtant. Passons sur une
mise en scène (non, non, je ne parlerai pas de direction
d’acteur ; n’exagérons rien !) qui est un
imagier un peu pauvre perdu au milieu d’un plateau
décidément trop vaste pour ce huis clos
déliquescent. Rien ne paraissait gagné d’avance,
parce que la cueillette des gosiers nous a réservé des
fruits bien murs.
L’hommage est alors d’autant plus émouvant. Celui
à Levine d’abord ; on ne le redira jamais assez,
chaque parution du genre apporte un peu à l’édifice
de mémoire que l’on doit à cette baguette assez
égale dans l’excellence. Wagner, Verdi, Strauss ici. Le
chef embrase l’œuvre et l’embrasse aussi ; il
joue la ciselure et le chaos à l’orchestre ;
déchaîne des tempêtes, hurle et scande. Maître
de ces flots fuligineux, il triomphe finalement comme on assène
un crochet à l’estomac.
Et l’hommage continue sur scène où
s’éclatent les vagues soulevées par le chef.
Là, McIntyre est grand et Dunn sonne bien, et fort, et juste.
Mais Rysanek ? Et Nilsson ?
Rysanek est connue, entendue et réentendue dans ce rôle
chéri entre tous. Violemment incarnée, femelle
épanouie et bouillonnante, elle déploie pourtant ici les
ombres et les lumières profuses de son timbre d’ambre
comme si elle réinventait le miracle d’une
interprétation peaufinée à l’extrême.
Elle vit et frémit ; elle porte au fond d’elle cette
adolescence trouble secouée des coups de boutoir de sa
féminité conquérante. Chrysotemnis
oestrogéniquement modifiée !
Et Nilsson ? Là, il ne s’agit plus d’un
hommage. Non ! C’est un temple qu’on lui
édifie. Les deux premières minutes du monologue tournent
au diesel. C’est bien normal. Tour de chauffe avant le tour de
stade ; léger vibrato et registres mouvants. Mais Nilsson
s’allume ; Nilsson foudroie. La voix encore si belle va
parfaitement à la colère froide d’Elektra. Cet
airain chauffé à blanc vaut tous les freudianismes. Et
quel aigu dardé face à la mère coupable ;
quelles liquidités, encore, face à Oreste ; quel
souffle au final. Mieux, il faut voir l’économie de ses
regards, noirs, absents, comme égarés mais qui en savent
trop, beaucoup trop face à Klytämnestra. Il faut voir la
transe provoquée de sa danse furieuse. Il faut… Il faut
le voir pour le croire, en fait !
Nilsson est morte… Rysanek aussi. Mortes ? Mais non, voyez comme elles vivent pour l’éternité.
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