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Gaetano Donizetti (1797-1848)
L’Elisir d’amore
« Melodramma giocoso » en deux actes de Felice Romani,
tiré du livret de Eugène Scribe
pour l’opéra de Daniel Auber Le Philtre (1831),
et créé au Teatro della Canobbiana (aujourd’hui Teatro Lirico) de Milan,
le 12 mai 1832
Nemorino (tenore) : Rolando Villazón
Adina (soprano) : Anna Netrebko
Il Sargente Belcore (baritono) : Leo Nucci
Il Dottor Dulcamara (basso) : Ildebrando D’Arcangelo
Giannetta (mezzosoprano) : Inna Los
(Pianiste : Guillermo García Calvo)
Chor der Wiener Staatsoper, chef des Ch. : Marco Ozbic
Orchester der Wiener Staatsoper
ALFRED ESCHWÉ
Mise en scène : Otto Schenk
Décors et costumes : Jürgen Rose
Enregistrement réalisé par la Radio-Télévision autrichienne O.R.F.
au « Staatsoper » de Vienne, durant le mois d’avril 2005.
1 DVD Virgin Classics 00946 363352 9
Durée totale : 130mn.
Sous-titres en anglais, français
allemand, italien, espagnol
Un amour d’Elisir
Fraîcheur, jeunesse et tendresse sont les mots d’ordre de
cette production viennoise… et pas seulement sur l’aspect
visuel. La jeunesse, en effet, est le don de tous les
interprètes, et on l’entend dans leur chant fluide et
passionné. L’ aîné de l’équipe
lui-même, Leo Nucci, rivalise d’espièglerie et de
verdeur avec tous les autres. Son Sargente
Belcore est élégant, digne, et sans excès :
le caractère affecté du personnage en ressort tout
naturellement, le métier du chanteur et de l’acteur
aidant, bien entendu. On constate également avec surprise la
verdeur inhabituelle du Dottor Dulcamara, tant chanté par des
basses « mûres » : Ildebrando
D’Arcangelo lui prête son timbre certes rocailleux mais
juvénile, tout comme ses cheveux rendus difficilement
grisonnants ne font pas illusion. Malgré cela, il campe un
charlatan convaincant, assumant sans difficulté les
particularités liées à son rôle, comme ces
moments typiques de chant syllabique. Avec juste ce qu’il faut de
piquant, la Giannetta de Inna Los, ainsi que les chœurs de
l’Opéra de Vienne, parfaitement réglés par
Marco Ozbic, offrent l’écrin musical idéal au
couple de deux protagonistes si bien assortis.
Anna Netrebko est une Adina fraîche et sensible, par son timbre
limpide et son chant soigné dosant avec une belle mesure les
effets, comme ces fort beaux aigus émis piano.
On retrouve ce même art de la mesure dans le chant de Rolando
Villazón, qui plie avec beaucoup d’élégance
et de naturel son timbre chaleureux et corsé aux
délicatesses du Maestro Donizetti. A la fin de la
célèbre Romanza
« Una furtiva lagrima », il demeure dans une
position rêveuse pendant les ovations du public… puis il
finit par regarder le chef qui lui fait comprendre que la
décision lui appartient. Nemorino concède donc le bis de
la Romance et en sourit de bonheur.
On repère les coupures habituelles des reprises, celle
d’une strophe de l’air final du bon Dulcamara, celles,
minimes mais incompréhensibles et vraiment
désagréables, des quelques mesures toujours
sacrifiées en conclusion des actes, et enfin celle du quatuor
avec chœur Giannetta-Nemorino-Dottor Dulcamara-Adina au second
acte.
Le chef Alfred Eschwé ne donne heureusement pas dans la
précipitation, hélas si répandue
aujourd’hui, mais laisse s’exhaler la bonhomie un peu
naïve et la poésie charmante de cet Elisir amoureusement distillé par le Dottor Donizetti.
L’image souligne cette réussite de
l’exécution musicale, et s’il n’y a
qu’un décor au lieu des quatre prévus par le
livret, on respire à la vue de ces mûrs de ferme, de cette
campagne évidemment fort amène mais tellement en accord
avec l’histoire et la musique, harmonie nous transportant hors du
temps.
La réussite vient du fait fort simple que la mise en scène d’Otto Schenk joue le jeu
de l’histoire. Au lieu de charger le rôle du Sargente
Belcore jusqu’au grotesque, on lui laisse dignité et
prestance et sa prétention un peu ridicule ressort
d’elle-même. De même, en présentant un
Dulcamara élégant et sobrement espiègle, son
côté charlatan se fait jour naturellement. Certes, Adina
fait montre d’une coquetterie un peu glacée (sauf à
la fin où on la fait gesticuler excessivement) car son
interprète fort belle et naturellement élégante
est même trop gracieuse pour une campagnarde. Nemorino est tendrement niais,
la jeunesse et le physique de son interprète le permettent, ce
qui signifie que l’on croit à ses mimiques parfois
infantiles mais toujours dans le ton, comme ses diverses attitudes ou
ses pas de danse. On a même droit à une
nouveauté : lors de la fameuse scène des
« Tra-la-la », lorsqu’il vient de boire
l’élixir et qu’il attend l’effet sur Adina en
jouant « l’indifferente »,
selon les dires de celle-ci, eh bien Rolando Villazón jongle
avec trois pommes, et le fait si bien qu’il s’attire, en
plein duo, les applaudissements du public !
A un couple aussi assorti, on peut pardonner les embrassades plus
renouvelées que leur belle complicité n’en demande.
Les costumes traditionnels de la campagne italienne du XIXe
siècle, avec la typique coiffe curieusement plate des femmes,
suivent une tradition glissant sur l’indication du livret
original situant l’action « dans le pays des
Basques ».
Pour terminer le tableau
(c’est le cas de le dire), on retrouve enfin la magie du rideau
de velours se refermant en mesure avec la musique des Finales,
d’autant que celui de l’Opéra de Vienne opte pour
l’émouvante fermeture dite « à
l’italienne ». Cela paraît
élémentaire, voire accessoire, mais nous renvoyons au tic
moderne d’éteindre les lumières, certainement pas plus théâtral !
Le romantisme de la musique, qui suit le romantisme de
l’histoire, a ici le bonheur de trouver comme écrin une
mise en scène… romantique,
faite de passion un peu naïve, de charme toujours
élégant. Sur nous, sur le public debout dès les
premiers saluts, la séduction opère : c’est
bien un élixir d’amour !
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