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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
L'ENLEVEMENT AU SERAIL
Bassa Selim, Klaus-Maria Brandauer
Konstanze, Malin Hartelius
Blonde, Patricia Petibon
Belmonte, Piotr Beczala
Pedrillo, Boguslaw Bidzinski
Osmin, Alfred Muff
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Zurich
Christoph König
Mise en scène, Jonathan Miller
Décors & Costumes, Isabella Bywater
Réalisation, Chloé Perlemuter
1 DVD Bel Air Classiques, BAC 007
Un peu plus près des étoiles
Encore Zurich… Encore Mozart… Trop de
« encore » ? Non, non, non. Voilà le
genre de disque qui se justifie amplement, mieux, qui s’impose. L’Enlèvement souffre
encore un peu du « trop de notes » de Joseph II.
C’est grand dommage ! L’œuvre est mieux
qu’une opérette du jeune Mozart encore en cours
d’acclimatation à Vienne. Courte, regorgeant d’une
sève mélodique exquise, débordant d’une
orchestration bigarrée, elle porte en germe tous les poncifs des
ouvrages de la maturité (mais est-ce un terme que l’on
peut décemment appliquer à Mozart ?) : amour,
mort, clémence, fidélité.
Marivaudage doux amer, la mise en scène de Jonathan Miller est
d’une intelligence rare. Intelligence du mot, du geste, de la
situation ; épure aussi d’un décor qui
détoure les silhouettes comme en un théâtre
d’ombres… d’ombres charnelles.
La réalisation de Chloé Perlemuter est d’une
virtuosité équivalente : trois caméras dans
la salle, une en coulisse et de longs plans séquences pour
coller au plus près des affects, des visages des héros.
Quatre caméras qui scrutent, détaillent les regards, les
corps, les mains. L’épure encore.
Luxe suprême, aussi, d’une distribution presque sans
faille. Je dis « presque » parce que Pedrillo,
acteur excellent, n’est pas irréprochable du strict point
de vue vocal… peut-être simplement parce qu’en
regard de ses partenaires, il est « seulement »
bon et banal de timbre.
Imaginez Klaus-Maria Brandauer en souverain des Lumières
accommodé à la sauce turque. L’idée en
elle-même touche au génie. La réalisation (qui a
mis, comme lui, autant de douleur dans son ultime acte de
clémence ?) est, elle, du pur génie.
Malin Hartelius est Konstanze, simplement, d’évidence.
Elle a tout dans la voix : la douleur, la mélancolie, la
souffrance, mais aussi la force de l’amour. Il faut voir la
palpitation, l’ivresse même avec laquelle elle
s’offre, victime expiatoire, en holocauste (Martern aller Arten).
On n’avait plus vraiment entendu ça depuis
l’enregistrement de Kenny avec Harnoncourt. Hartelius a donc
l’engagement, mais plus encore elle a toutes ses notes et une
technique en or massif pour soutenir ses trois airs, crânement,
souverainement, sans aigreur et avec une noblesse, une assurance, un
naturel surtout, lumineux, illuminé.
Patricia Petibon est aussi femme dans sa partie, intensément,
plus que simple soubrette piquante. Voilà vraiment une Blonde
qui vit, en miroir, les affres de sa maîtresse (le finale
du II est éloquent à cet égard). Le soprano
français invente une petite silhouette de femme
conquérante, suffragette avant l’heure, qui mène
son monde comme un Machiavel d’alcôve. C’est aussi
qu’elle a dans la gorge toutes les ressources pour mettre en
œuvre ce projet. Elle possède la densité de timbre
(le medium est vraiment
d’une richesse d’harmoniques impressionnante et
l’aigu d’une liberté, d’un
délié, d’une transparence insignes), la
délicatesse d’un phrasé insinuant aussi,
l’intelligence du mot surtout.
Beczala donne un Belmonte de bonne tradition, dans la lignée de
Gedda, suave mais un peu fade, assez égal de couleurs,
maître d’une voix saine et très bien menée.
Un amoureux gentil auquel manque peut-être juste un tout petit
supplément d’âme.
Alfred Muff, enfin, est de la trempe des Osmin wagnériens. La
voix est magnifique, ample, malgré une usure perceptible. Mais
comme tous les Hagen égarés entre Vienne et le Bosphore,
il lui manque autant le goût du croissant que celui du loukoum,
l’humour bonhomme de l’artiste qui joue à
l’ogre sans trop y croire lui-même (seul peut-être
Talvela, dans un registre similaire, avait ce talent). Bref, on cherche
un peu le second degré.
L’orchestre ne démérite pas, pour sa part, sous la
baguette de Christoph König. L’ensemble est
généralement riche en couleurs (sans jouer, non, plus la
carte de l’exotisme à tous crins) ; les obligati de Martern aller Arten
font preuve d’une d'une verve brillante ; les équilibres sont,
enfin, bien gérés, comme la palette des dynamiques,
d’ailleurs.
Une très bonne production qui n’usurpe ni sa parution, ni sa place. Peut-être même un Enlèvement pour l’avenir. A mettre en tout cas sur le même rayon que les références du passé.
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