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Cristiano Giuseppe LIDARTI (1730 - 1793)

ESTHER
Le salut d'Israël par Esther
 

Oratorio en langue hébraïque en trois actes (1774)
Livret du Rabbin Jacob Raphael Saraval
 

Anne-Louise Sollied, soprano : Esther
Ulrike Helzl, mezzo-soprano : Femme israélite
Donald Litaker, ténor : Assuérus
Mario Zeffiri, ténor : Mardochée
Laurent Naouri, baryton : Aman

Orchestre National de Montpellier
Choeur de la Radio Lettone 
Chef des Choeurs, Sigvards Klava

Direction Friedemann Layer

Chef de chant, clavecin et orgue positif, Yvon Repérant

2 CD Accord N° 476 1255
Durée totale 1 h 59 minutes

Enregistrement : 22 juillet 2003
Opéra Berlioz Le Corum
au Festival de Radio France et Montpellier
Directeur Artistique René Koering
Prise de son Radio France


UNE HEUREUSE DÉCOUVERTE...
 

Cet enregistrement, comme les mémorables Fées du Rhin d'Offenbach, chef-d'oeuvre de l'édition 2002 où Friedemann Layer était déjà au pupitre, fait partie de la série consacrée aux oeuvres "redécouvertes", si l'on peut dire, par René Koering à travers le Festival de Radio France-Montpellier dont on saluera au passage la programmation courageuse et originale.

D'origine italienne, Christiano Giuseppe Lidarti est né à Vienne en 1730. Éduqué par les Jésuites, il étudia la philosophie et le droit à l'université de cette ville, puis, à l'âge de 21 ans, partit pour l'Italie avec l'intention de se perfectionner auprès de Jomelli.

Ce projet n'ayant pu aboutir, il vécut à Florence et Venise, travailla comme professeur de musique à Cortona et finit par obtenir un poste d'instrumentiste (contrebasse/violoncelle) dans la chapelle des Cavalieri di Santo Stefano à Pise, poste qu'il conserva pendant près de quarante ans. La date de sa mort est incertaine, on la situe entre 1793 - date de sa dernière composition - et 1794 - année où son nom disparaît de la liste des salaires de la chapelle des Cavalieri.

Il fut, avec Abraham Caceres, l'un des deux principaux compositeurs du XVIIIème siècle à avoir marqué le répertoire musical de la communauté juive portugaise d'Amsterdam, surtout à partir de 1770. Outre Esther, il a signé d'autres ouvrages en langue hébraïque, des cantates et des pièces pour choeur, généralement assez courtes, dont certaines ont été utilisées par la communauté jusqu'au XXème siècle. Cependant, la majeure partie de son oeuvre est plutôt instrumentale.

Ce n'est qu'en 1998 qu'Esther a été identifié à la bibliothèque universitaire de Cambridge par le professeur Israël Adler de l'Université hébraïque de Jérusalem. A priori aucune documentation n'atteste qu'elle ait été représentée du vivant du compositeur. L'ouvrage fut récemment donné en concert au Théâtre du Châtelet, le 2 novembre 2003, avec Cyrille Gersternhaber (Esther), Valérie Gabail (Femme israélite) et Laurent Naouri (Aman), sous la direction d'Avner Itaï.

Il convient, par ailleurs, de préciser, que le livret de cet oratorio est une adaptation en hébreu de la seconde version de l'Esther de Haendel. Il s'agit probablement de la pièce la plus longue et la plus riche de toute la musique hébraïque savante des XVII e et XVIII e siècles, du moins dans l'état actuel des recherches. De plus, elle est très représentative du dynamisme de la vie musicale de la Communauté juive d'Amsterdam à cette époque, où le chant tenait une place prépondérante, aussi bien dans la vie quotidienne que lors des cérémonies religieuses, et tout particulièrement à l'occasion des concours pour l'élection d'un nouveau chantre destiné à la Grande Synagogue. Ces manifestations prenaient une telle ampleur que de nombreux visiteurs venus de l'étranger accouraient pour y assister.

Si l'inspiration italienne d'Esther est indéniable : Pergolesi, Jomelli, Galuppi, il n'est pas surprenant d'y entendre les influences de Haydn, qui, à cette date, avait déjà composé certaines de ses symphonies les plus importantes et aussi de Mozart, âge de dix-huit ans en 1774, et qui avait lui aussi écrit de nombreuses oeuvres, et non des moindres.

En tout état de cause, Esther est loin d'être une oeuvre mineure, comme en atteste la beauté et la noblesse des parties vocales, rehaussées par la grande expressivité et la "plasticité" de la langue hébraïque, et la grandeur et la solennité des pages orchestrales et chorales.

En tête de distribution, on peut saluer la belle prestation de Ulrike Helzel en Femme Israélite, mezzo au timbre chaud et prenant et celle du ténor Donald Litaker en Assuérus. Malgré ses qualités, Anne-Louise Sollied en Esther a parfois quelques problèmes d'aigus, perceptibles surtout au début du concert, et Laurent Naouri (Aman) fait montre de ses qualités et défauts habituels : belle présence dramatique pour les premières et tendance à forcer le trait, voire à "surjouer" pour les seconds.

A noter la bonne prestation de Mario Zeffiri en Mardochée et l'irréprochable musicalité des choeurs de la Radio Lettone dirigés par Sigvards Klava.

A la tête de l'Orchestre National de Montpellier, Friedemann Layer donne une lecture très stylée de cette oeuvre, sans doute plus "classique" que baroque et plus grandiose qu'intimiste, mais suffisamment sensible cependant pour capter l'attention de qui l'écoute pour la première fois.

On peut noter la luxueuse présentation de ce coffret dont le contenu, comme le contenant, mérite de figurer dans la discothèque des mélomanes avertis et friands, un tant soit peu, de nouveauté.
 
 

Juliette BUCH


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