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Charles GOUNOD (1818-1893)
FAUST
Le docteur Faust – Francisco Araiza
Méphistophélès – Ruggero Raimondi
Marguerite – Gabriela Benackova
Valentin – Walton Grönroos
Siebel – Gabriele Sima
Wagner – Alfred Sramek
Marthe – Gertrude Jahn
Choeurs de l’Opéra d’Etat de Vienne
Chef du chœur – Walter Hagen-Groll
Ballet de l’Opéra d’Etat de Vienne
Orchestre de l’Opéra d’Etat de Vienne
Direction – Erich Binder
Mise en scène – Ken Russell
Décors et Costumes – Carl Toms
Enregistré à Vienne en mars 1985
Réalisation – Ken Russell
Durée : 176 min
2 DVD DG 00440 073 4108
Faust alerte !
« Le livret de Faust me
semble un peu niais. Il l’aime, elle l’aime –
pourquoi auraient-ils besoin du diable ? J’essaie donc de le
rendre plus réaliste, plus convaincant » avait déclaré Ken Russell quelque temps avant la première du Faust,
que le directeur de l’Opéra de Vienne Egon Seefehlner lui
avait commandé, à la place de l’Eugène
Onéguine initialement prévu. Avec ses annonces curieuses
(après tout, si le diable n’était pas là
pour rajeunir le docteur, Faust et Marguerite ne se seraient même
pas rencontrés !), Russell, avait excité
l’intérêt des Viennois qui, s’attendant au
pire de la part du réalisateur britannique prolixe pour la
télé et le cinéma, notamment sur des thèmes
touchant au sexe et à la religion, se préparèrent
au scandale. Finalement, ce fut un grand succès dont ce DVD,
édité pour la première fois par DG sur ce support
(la soirée avait été proposée en VHS par un
autre éditeur), se fait l’écho. DG annonce
fièrement que l’image et le son ont été
remastérisés. J’ai trouvé la qualité
de l’un et de l’autre plutôt moyens (surtout au
premier acte) et aucun bonus n’est proposé, malgré
la présentation en deux disques.
Vingt ans après, que reste-t-il du scandale ? Pas grand
chose, preuve que le monde du lyrique a changé, même
à Vienne. D’autres metteurs en scène, moins
respectueux encore, sont passés par là et les coups de
canifs de Russell à la tradition apparaissent aujourd’hui
bien frileux. L’idée maîtresse est de transformer,
à l’acte II, Marguerite en nonne qui prend le voile
pendant que Valentin se lamente sur son proche départ.
Evidemment, se défroquer puis faire un bébé pour
une bonne sœur, c’est pas terrible. Russell multiplie les
trouvailles dans le même ordre d’idée :
toujours à l’acte II, lorsque Méphisto
décide d’abreuver les soldats, il flanque un coup
d’épée dans une statue du Christ qui passait par
là et en fait jaillir du vin, eucharistie païenne
plutôt suggestive. Méphisto est aussi transformé en
archevêque vêtu de noir pour la scène de
l’Eglise, également très réussie.
Le reste relève de la « meilleure »
tradition viennoise, avec décors luxueux, veau d’or et
soldats rutilants, ainsi que des ballets froufrouteux en
deçà de la limite du nunuche. Ce sentiment est encore
aggravé, sur le DVD, par la réalisation assurée
par le même Russell, qui n’hésite pas à
forcer le trait notamment en jouant avec des surimpressions kitch
(à la fin du premier acte ou dans le jardin de Marguerite).
Pendant l’air de Valentin, le réalisateur néglige
le baryton pour filmer la prise de voile de Marguerite, pourtant
à l’arrière plan sur la scène. Et dans la
nuit de Walpurgis, me direz-vous ? Et bien, nous n’en
saurons rien de ce que Russell aurait pu en faire, puisqu’elle a
été coupée !
Côté musique, ce Faust relève là encore de
la bonne routine viennoise. L’orchestre et les chœurs
sonnent bien. Erich Binder rend le lyrisme de certaines pages et met en
valeur les tubes de la partition. En dehors de ces passages
obligés, les solistes semblent en revanche laissés
à eux-mêmes et plusieurs décalages (scène du
jardin) sont à regretter.
Francisco Araiza est Faust, avec les grandes qualités
qu’on lui connaît. Très crédible sur
scène, il campe un Docteur vraiment humain et sincère,
auquel le caractère très naturel de sa voix convient
bien, y compris dans ses faiblesses d’intonation. Le cas du
Méphisto de Ruggero Raimondi est différent. Que les fans
de la basse italienne passent directement au paragraphe suivant car,
depuis longtemps, je ne supporte pas sa voix, même si certaines
de ses prestations, dans Il Viaggio a Reims
notamment, m’ont plu. Ici, il est réellement
Méphisto, ce qui n’est déjà pas si mal me
direz-vous. « L’épée au
côté, la plume au chapeau », mais aussi la
barbichette et l’air satanique, tout y est. Vocalement,
c’est insupportable. Inégalités
d’émission (une note engorgée, la suivante blanche,
la troisième bien timbrée…), notes
savonnées, portamenti abusifs, français exotique (certes,
tout est à peu près compréhensible… comme
chez les touristes italiens qui demandent leur route à la
station Concorde… mais que de fantaisie…), Raimondi
agace. Si son « veau d’or » tient à
peu près la route, sa sérénade est un monument de
tout ce qu’il ne faut pas faire.
Marguerite est la soprano Gabriela Benackova-Cap et elle forme avec
Araiza un duo magnifique. Avec son air farouche de victime
désignée, elle est réellement touchante dans la
chanson de Thulé ou dans « Il ne revient
pas » au début de l’acte IV qui n’est
heureusement pas coupé. Malgré une certaine fatigue au
moment de la scène de l’Eglise, sa prestation vaut
vraiment le détour.
Le reste de la distribution est banal. Le baryton basse finlandais
Walter Grönross est un Valentin de routine ; Gabriele Sima,
un Siebel sans aigu.
Le succès est en tout cas au rendez-vous pour les artistes,
copieusement rappelés devant le rideau du Staatsoper, seul le
chef essuyant quelques manifestations de mauvaise humeur.
Au total, un document intéressant, qui vient prendre toute sa
place, dans une DVD-graphie, étonnamment très
réduite, aux côtés de la version Gedda-Freni-Soyer
de Paris 1975 (éd. FSKoA) et celle du Théâtre Regio
de Parme en 1986 (Kraus, Ghiuselev, Gonzales, Coviello, éd.
Hardy classic Video).
Jean-Philippe THIELLAY
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