Kathleen Ferrier (contralto)
Phyllis Spurr, John Newmark,
Frederick Stone (piano)
Songs of the
British Isles
détails
1 CD NAXOS n° 8.111081 - Publié
en 2005
Enregistré en 1949, 1950,
1951 et 1952 - Sources Decca & BBC
Disons-le d'emblée, les chants traditionnels
britanniques n'ont ni le charme de ceux des pays du Nord, ni la passion
des slaves, ni le "groove" de la Grèce. Le poids puritain y est
des plus sensibles (comme chez la plupart des compositeurs anglais), et
je conseillerais d'éviter l'écoute de ces trente chants (à
deux ou trois exceptions) à ceux qui ont une baisse de moral, qui
plus est un soir d'hiver pluvieux...
Il n'en est pas moins vrai que ce disque regroupant plusieurs enregistrements
Decca complétés par un programme de la BBC du 5 juin 1952,
est une sorte de petit trésor.
Icône lyrique depuis la fin de la seconde guerre mondiale, Kathleen
Ferrier possède sans conteste une vraie voix de contralto douée
d'une grande musicalité et, dit-on, d'un grand charisme scénique.
Disparue brutalement à 41 ans en 1953, d'un cancer, cette cantatrice
est une référence pour nombre d'artistes, référence
jusque là réservée au catalogue Decca (à part
quelques enregistrements pour HMV et EMI à ses débuts).
Avec le basculement dans le domaine public de certaines gravures, nombre
d'enregistrements de légende (dont ceux de Kathleen Ferrier et Maria
Callas) parfois disparus des catalogues, sont désormais disponibles
sous des labels à bas prix, dont Naxos est le leader.
Si le livret est certes "léger" et en anglais seulement, la qualité
sonore n'a pas trop souffert de ces transferts et -selon l'éditeur-
aurait été même améliorée. Il est vrai
que le son est relativement pur, présent (sans reléguer le
piano en fond sonore), sans réverbération, malgré
quelques distorsions, crachouillis et saturations sans doute inévitables.
Mais cela confère un certain charme à cette musique simple,
touchante et retenue.
Le programme de ce disque de compilation comporte dix-neuf chants traditionnels
arrangés par Whittaker, Hughes, Sharp, Jacobson, Grew, Warlock et
Britten. Les autres numéros sont des compositions dans l'esprit
de ces chants traditionnels, réalisées par les mélodistes
anglais du 20e siècle : Roger Quilter, Peter Warlock, Franck Bridge
ou encore Ralf Vaughan-Williams.
Est-il encore utile de dire toutes les qualités de Kathleen Ferrier,
l'un des plus attrayants contraltos dont nous possédions des enregistrements
? Dans la tradition de l'Angleterre, grand pourvoyeur de ce type de voix
(Nancy Evans, Gladys Ripley, Kathleen Joyce, Patricia Payne (formidable
Ulrica), Helen Watts etc.), Ferrier possède un timbre tout à
fait exceptionnel qui lui permet de faire passer une "émotion inhabituelle",
selon Malcom Walker, auteur du livret d'accompagnement qui eut la chance
de fréquenter et d'entendre K.Ferrier.
La voix de contralto est - comme la voix de basse profonde - assez rare,
"quand elle est naturelle !" aimait à rappeler Bernard Gavoty. Combien
de directeurs de théâtre, de professeurs de chant et de jurys
de concours recherchent ces perles ! Si l'on croise des mezzo-sopranos
à l'aigu court qui tentent de se faire passer pour des contraltos,
en travaillant leur registre grave par quelques artifices (sons tubés
ou de poitrine, ouverture maximale des mâchoires), le timbre de l'alto
véritable est particulier : "sombre, rugueux avec souvent peu d'amplitude
mais qui a la force et l'énergie de la voix masculine", comme le
décrivait Maurice Tassart.
Si relativement peu de rôles phares leur ont été
réservés, la Rossini Renaissance et le renouveau de l'opéra
baroque ont permis à ces voix de s'emparer des rôles destinés
aux castrats et contralti féminins des Seicento et Settecento. Pour
les plus agiles, comme l'emblématique Marilyn Horne, ce fut un eldorado.
Tel n'était pas le cas de Kathleen Ferrier dont Malcom Walker
rappelle que la voix "manquait de volume et de longueur" (ce qui lui fit
refuser Brangaene proposée par Karajan), qu'elle compensait par
"un timbre soyeux, un charisme hors du commun et une grande variété
d'expression". Ce disque en est une preuve éclatante, car malgré
les incertitudes de l'enregistrement déjà ancien, malgré
un programme austère, le charme opère dès la première
mesure.
Avec son grain de voix chatoyant, son phrasé parfait et une implication
totale, K.Ferrier donne à ces pièces, parfois d'un intérêt
relatif, une épaisseur qu'on n'attendait pas. Jamais prise en défaut
de chanter "à l'ancienne", sa manière directe d'interpréter
ces chansons n'a pas pris une ride. Un vibrato un peu trop serré
pourra peut-être gêner certains.
Un très beau disque donc, au charme envoûtant, que l'on
recommandera à tous, fans ou non de Kathleen Ferrier et de chansons
traditionnelles.
Jean VERNE
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