......
|
Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
La Finta giardiniera
Rudolf Schasching, Il Podestà Don Anchise
Eva Mei, Sandrina
Christoph Strehl, Il Contino Belfiore
Isabel Rey, Arminda
Liliana Nikiteanu, Don Ramiro
Julia Kleiter, Serpetta
Gabriel Bermudez, Nardo
Orchestra « La Scintilla » der Oper Zürich
Nikolaus Harnoncourt
Tobias Moretti, mise en scène
Rolf Glittenberg, décors
Renate Martin, Andreas Donhauser, costumes
Jürgen Hoffman, lumières
Enregistré les 23 et 25 février 2006 à l'Opernhaus Zürich
Durée : 187 min
2 DVD TDK 8 24121 00193 3
Il finto regista
Que veut prouver une certaine catégorie de metteurs en
scène (généralement germanophones) qui se plait
depuis quelques années à nous servir des productions
où le mauvais goût et le laid semblent être devenus
une constante incontournable ? Le Don Carlos strasbourgeois, l'Iphigénie et le Nozze de Garnier, ou encore l'Alcina
lyonnaise ont soulignés, la saison dernière, combien ces
partis-pris pouvaient cacher un hermétisme face aux oeuvres
abordées.
La Finta giardiniera
zurichoise publiée aujourd'hui en DVD n'échappe pas
à cette tendance, même si le résultat final reste
largement honorable. Dans des décors sans âme et sans
grâce, où le jardin est relégué au rang
d'épiphénomène, les personnages évoluent
sans qu'il y ait une réelle nécessité dans leurs
déplacements : on rentre, on sort, on s'agite, on bouge dans
tous les sens pendant les introductions et les interludes orchestraux,
sans que s'incarne le moindre sentiment, état-d'âme ou affetto.
Et pourtant, est-il musique que les traduise mieux que celle de Mozart
? Ce que l'on reproche à Tobias Moretti, qui a pourtant le
mérite de rendre captivante cette succession invraisemblable de
péripéties, c'est de ne pas laisser la musique dicter son
rythme, sa pulsation, et d'aller à l'encontre de ce qu'elle
décrit.
Les personnages, fagotés dans des costumes impossibles, en
deviennent des pantins risibles, à commencer par l'Arminda toute
de rose vêtue, clone raté de Reese Witherspoon dans la
Revanche d'une blonde... Il en est de même de l'usage de la
vidéo, dépourvue d'intérêt, aux antipodes
d'un Braunschweig dans sa Flûte enchantée ou d'un Sellars dans son Tristan,
qui stigmatise cette tendance à vouloir à tout prix
exploiter les ressources technologiques sans se poser la question de sa
réelle nécessité.
Heureusement que dans la fosse, il y a Nikolaus Harnoncourt ! On sent
qu'il l'aime cette partition, et son amour se manifeste tout au long de
la représentation. Il trouve ici une continuité dans le
discours musical qu'il n'avait pas totalement dans sa gravure en
studio, et tire l'oeuvre du coté des opéras de Haydn en
développant les amples séquences musicales (final du I et
du II et tout le dernier acte) avec un timing et un sens des tempi d'une grande justesse. Et il sait s'entourer d'interprètes qui partagent sa vision et ses exigences.
Si l'on peut parfois se demander pourquoi le chef fait appel à
Eva Mei, soprano aux moyens modestes, il faut avouer qu'elle est ici
totalement en phase avec le personnage auquel son timbre uniforme et
son chant lisse confèrent la juste dose de candeur qui sied
à la jardinière par amour. Le chant et l'articulation
restent par moments assez scolaire, notamment dans la cavatine
« Gemme la tortorella », même si le
portrait qu'elle dresse ne manque finalement pas de charme. Du coup,
l'opposition avec l'Arminda véhémente d'Isabel Rey
fonctionne parfaitement. Si là encore, on a pu reprocher
à Harnoncourt de sur-distribuer la soprano, en Donna Anna par
exemple, elle trouve dans ce rôle d'aristocrate BCBG un
personnage qui lui colle bien au tempérament et à la
voix. Pour compléter le trio des dames, Julia Kleiter se
révèle une Serpetta pleine de charme et de
spiritualité. Serva padrona qui tient à la fois de Blonde
et Despina, elle sait mener tout ce microcosme à la baguette
sans oublier qui elle est.
La seule chose que l'on pourra reprocher à l'exquis Ramiro de
Liliana Nikiteanu, c'est de ne pas chanter le « Dolce d'amor
compagna », probablement l'un des plus beaux airs de la
partition. Est-ce (encore) la faute au metteur en scène ou celle
du chef ? En tout cas, pas celle de la mezzo, vocalement impeccable de
bout en bout.
Du côté des messieurs, le Nardo débonnaire mais
efficace de Gabriel Bermudez et le Belfiore très fleur bleue de
Christoph Strehl complètent honorablement la distribution. Seul
fait défaut le Podestà de Rudolf Schasching, qui sombre
lors de ses airs dans une sorte de sprechgesang du plus mauvais goût. On est bien loin de Thomas Moser...
Une Finta que l'on voudrait
detester et à laquelle on finit par s'attacher, tout en sachant
qu'elle ne suffira pas à notre bonheur. En attendant
l'intégrale salzbourgeoise de l'été 2006...
Sévag TACHDJIAN
Commander ce DVD sur www.integralmusic.fr
|
|