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Patricia PETIBON

FRENCH TOUCH

Oeuvres d'Aboulker, Chabrier, Collet,
Delibes, Hahn, Massenet, Messager, Offenbach, Poulenc, Satie, Willemetz

1  Violon (Extrait du recueil 'Métamorphoses')
2  Officier de la garde blanche (Dialogues des Carmélites)
3  Adieu notre petite table (Manon)
4  Lorsque je n'étais qu'une enfant (Fortunio)
5  Couplets de Lazuli (Les éternuments, extrait de 'l'étoile')
6  J'ai deux amants (L'amour masqué)
7  Couplets de Lady Eversharp (Brummel)
8  Fragments stellaires (Intermède)
9  Couplets d'Olympia (Les contes d'Hoffmann)  
10  C'est ça la vie, c'est ça l'amour (Toi c'est moi)  
11  La statue de bronze
12  Daphénéo
13  Romance de l'étoile (L'étoile)
14  Colchique
15  Gymnopédie 3 (Gymnopédies)
16  Je t'aime (Vocalise amoureuse pour soprano éperdue)
17  Zam (Follow, suite campanaire en 5 mouvements pour cloches de Chamonix) 
18  Les chemins de l'amour
19  Les filles de Cadix
20  La tragique histoire du petit René
21  A vida dos arreiros

Patricia Petibon, soprano
Susan Manoff, piano
Joël Grare, percussions
François Poly, violoncelle
Raphaël Cottin, danse

Enregistré à la salle Gaveau le 26 novembre 2003

1 DVD DECCA, 476 857-4


Joyeux Noël ! 

Patricia Petibon ne fait pas l'unanimité... Mieux, elle suscite la polémique. Sans doute est-ce le lot de toutes les fortes personnalités. On a aimé la jeune artiste évoluant sous la houlette de Christie (si belle Stratonice), le Cupidon garnement et hâbleur de l'Orphée vu par Minkowski... On ne se résout pas à aimer la chanteuse qui, ayant gagné en maturité, a choisi de concevoir sa carrière comme un projet, presque un concept. On lui reproche de vouloir amuser, de dénier aussi, parfois, ses droits à la musique pure... Bref tout cela ne semble pas assez sérieux pour faire "classique" ! Or non seulement ce n'est qu'imparfaitement vrai, mais surtout, Petibon revendique elle-même cette idée de donner aussi au public de ses concerts, du bonheur, de la joie, un peu d'oubli aussi ! Bref il y a sans doute un peu d'incompréhension, un peu de parti pris clanique, corporatiste et autant de mauvaise foi chez certains... et surtout chez certains critiques ! Voilà pour la partie dévolue à l'avocat du diable... Moi j'avoue adorer. Et mon comportement, déjà ancien, doit même confiner à la pathologie (si j'en crois ladite critique) puisque j'avoue être fan (mais fan lucide) de son dernier album, French touch, si décrié par ailleurs... et jusque sur ce site !

Bonheur décuplé donc puisque Petibon persiste et signe, contre toute attente, et revient en live (donc l'adrénaline en plus) avec une bonne partie de son programme original. La "Patricia's touch" (sur laquelle nous ne nous étendrons pas... excellent bonus du DVD oblige) consiste finalement à oser, à tout oser, jusqu'à intercaler, au sein de son concert, un étonnant intermède pour... cloches de Chamonix ! Et en public (et en images... quel régal) tout ce qui pouvait paraître douteux au disque seul (et même pour moi, c'est dire) en sort justifié... comme impensable autrement. C'est le cas d'étonnantes "Filles de Cadix" par exemple, avec castagnettes et euh... danseuses. Une bonne réponse à tous les esprits chagrins donc !

Premier enseignement : le public adore ! C'est déjà un bon indice (à moins de considérer ce dernier comme quantité négligeable... ce que nul ne peut décemment faire, puisque nous sommes tous, forcément, public de quelque chose). C'est qu'il faudrait être singulièrement réfractaire pour ne pas répondre à un "C'est ça l'amour" sous acides, ou à cette Olympia délurée, poupée "crooneuse", espiègle et diva prise au piège d'une mécanique vocale envahissante (et quelle introduction "parlée"). C'est qu'il faut voir aussi, et sans a priori, les mines, les mimiques de notre joli faune lyrique, ses yeux pétillants d'intelligence complice, son sourire d'éternelle gamine toute simple, comme émerveillée d'elle-même, de sa réussite, sa grâce en fait qui lui permet... de tout se permettre justement.

Et le portrait est entier quand tombe finalement un voile de tendresse, de doux émoi, de nostalgie même sur cette voix-là. Quand l'Arlequin devient clown triste... Entendez "l'Etoile" ou la palpitation embuée de larmes d'un passé proustien des "Chemins de l'Amour". Entendez la ligne sans fin de "Manon", à demi chantée seulement, autour de la "petite table". Ecoutez surtout l'évocation mortifère, l'épaisseur du simple "Colchiques dans les prés" pour comprendre toute la finesse, l'impalpable vibration humaine contenus dans cet art-ci.

Mais serait-elle seulement vocalisante et vocaliste que Patricia éblouirait encore. Rien à apprendre de cette Olympia, si ce n'est que la colorature est toujours aussi assurée, touchant à l'achèvement d'une technique retournée dans tous les sens. Mais des Dialogues de Poulenc et de ses "Chemins" aussi on apprendra les charmes d'un timbre moelleux, lyrique, plastique, au medium miroitant, au grave plein, assis (ceux qui ont entendu Petibon à Lyon dans Mélisande retrouveront là bien des mirages de ces représentations). Magnifiques sont aussi la ligne, le phrasé large, l'estompe du legato, le modelé délicat comme l'art subtil de l'accentuation, aussi imprévisible et insaisissable que la dame elle-même ("A vida dos arreiros" de Henri Collet et, incroyable, le "Petit René" de Poulenc).

Entourée de toute son équipe (virtuose comme elle dans l'art de ne jamais se prendre au sérieux), Patricia Petibon livre ici un témoignage brillant de ce qui fut et reste peut-être plus un gigantesque happening, une fête, une revue presque, qu'un récital "classique". L'objet lui-même est excessivement soigné, des pictogrammes hilarants du menu aux bonus, des cadrages inventifs aux éclairages et au piqué de l'image. Allez vite y voir ce qu'est une artiste qui joue, et vit, et sent et ressent la musique. Allez entendre cette voix charnue, bigarrée de couleurs et ce chant aussi, tellement plus délicat que ce que l'on veut bien en dire... ou en faire croire. Osez entrer dans cet univers-ci qui vaut tous les miroirs du monde. N'ayez pas peur...
 
 

Benoît BERGER



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