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VIVICA GENAUX
HAENDEL - HASSE
George Fridric Haendel (1685-1759)
Orlando
Fammi combattere mostri e tifei
Ah ! Stigier larve… Già latra cerbero … vaghe pupille
Alcina
Sta nell’Ircana pietrosa tana
Splenda l’alba in oriente, cantate HWV 166
Aria « Splenda l’alba in oriente »
Recitativo « Tu, armonia Cecilia »
Aria « La virtute è un vero nume »
Johann Adolf Hasse (1699-1783)
Arminio
Aria « Ti lascio in ceppi avvinto »
Aria « Se mia speranza sola »
Aria « Vaghi rai, pupille amate »
La scusa, cantate
Recitativo « No, perdonami, o Clori »
Aria « Trova un sol »
Recitativo « Placati, o pastorella »
Aria « Torna in quell’onda chiara »
Vivica Genaux, mezzo-soprano
Les Violons du Roy
Bernard Labadie, direction
Enregistré en mars 2005
VIRGIN CLASSICS 7243 5 45737 2 9
Vivica roule des mécaniques
« Le Signor Hasse parla toujours fort respectueusement de Haendel, qu’il admirait pour ses qualités d’exécutant et de compositeur de fugues, aussi bien que pour l’originalité de ses accompagnements et la simplicité naturelle de sa mélodie : ainsi considéré, Haendel lui apparaissait comme le plus grand génie qui eût jamais existé ; en revanche, il lui semblait avoir
abusé de son talent pour le travail des voix et des sujets, et
avoir eu un penchant exagéré pour le bruit. »
Charles Burney, L’Etat présent de la Musique en Allemagne, aux Pays-Bas et dans les Provinces-Unies, 1773.
Commençons
par ce qui frappe dès les premières mesures : la
prise de son, peu flatteuse pour la soliste, ce qui ne laisse pas
d’étonner dans un récital belcantiste où la
voix est en permanence surexposée. Quelle idée aussi
d’avoir installé les micros dans la Chapelle du Grand
Séminaire de Montréal ! Il est des acoustiques plus
propices … Heureusement, l’originalité de
l’interprétation d’abord, puis celle du programme
dans sa seconde partie nous aident peu à peu oublier cet
inconfort.
Qu’est-il arrivé à Vivica Genaux ? Elle semble
avoir plongé la tête la première dans la potion
magique de Panoramix et livre une ébouriffante lecture du Fammi combattere d’Orlando,
extrapolant des contre-notes totalement étrangères
à la tessiture du rôle, comme si le héros sombrait
déjà dans la démence. De qui d’ailleurs sont
ces cadences extravagantes ? La question se pose, car le beau
mezzo venu du froid nous confiait, il y a trois ans,
suivre les recommandations de spécialistes pour savoir comment
ornementer avec à propos. Se serait-elle
émancipée ? En l’occurrence, la fantaisie, la
liberté affichées dans les da capo ne sera probablement
pas du goût de tout le monde, mais au diable le style, pour une
fois qu’une chanteuse prend des risques, nous l’allons pas
bouder notre plaisir !
Paradoxalement, elle reste plutôt sur son quant-à-soi dans
la scène de la folie (« Ah Stigie
larve… »), plus martiale que déjantée
et un peu trop vite expédiée. Restent le grain si
personnel et corsé, l’émission carnassière
et les graves androgynes dont se griseront les inconditionnels de la
diva. Soutenu par des Violons du Roy gaillards, son Ruggiero
déménage (« Sta nell’Ircana pietrosa
tana ») et ne fait qu’une bouchée de cors
timorés, piètres rivaux qui s’inclinent devant
« le fier panache de la tigresse
d’Hyrcanie » comme l’écrit si justement
Frédéric Delaméa dans la notice. Une fois encore,
l’audace paie et l’invention qui caractérise les
reprises est proprement jubilatoire.
D’aucuns se souviendront avoir découvert Vivica Genaux dans le rôle-titre d’Arminio,
opéra de Haendel relativement méconnu, composé en
1730, mais boudé par le public. Infatigable défricheur,
Alan Curtis devait le dépoussiérer puis
l’enregistrer l’été 2000 chez VIRGIN. Ecrit
six ans avant celui de Haendel et un an avant sa propre Cleofide, le seul de ses opéras disponible en CD (CAPRICCIO), l’Arminio
de Hasse met en scène le prince des Chauques et des
Chérusques (ça ne s’invente pas !), peuples de
Germanie installés sur les bords du Rhin, où ils tentent
de résister aux légions romaines. L’intrigue se
développe sur fond d’amours impossibles, de trahisons, de
dilemme et d’abnégation, ingrédients familiers de
l’opéra seria, la générosité du
héros consacrant le lieto fine
d’usage et la réconciliation des Germains.
Malheureusement, les airs présentés ici ne permettent pas
d’apprécier les qualités dramatiques de
l’ouvrage ; au contraire, ils tendent à
démontrer la suprématie absolue du chant, non pas du cantabile, expressif, mais d’un canto fiorito
narcissique et racoleur. Ténor lui-même et virtuose, Hasse
sait exploiter les ressources exceptionnelles des castrats, Farinelli
ou, ici, Giovanni Carestini, pour lequel Haendel écrivit aussi
le rôle d’Ariodante : avec ses montagnes russes, ses
phrases immenses ponctuées de brusques sauts d’octaves et
d’intervalles assassins, la performance effraie autant
qu’elle fascine. Pas de doute, celui que toute l’Europe
surnommait « Il Sassone », fut bien, avec Leo et
Vinci, le champion de la pyrotechnie.
L’insertion de cantates dans ce parcours opératique peut a
priori surprendre, mais celles qui ont été retenues ne
détonent pas, car elles sont à peine moins exigeantes
pour leurs interprètes. Si nous connaissions déjà
la cantate « Splenda l’alba in oriente »
grâce au très bel album Haendel de Gérard Lesne
(VIRGIN), par contre, « La Scusa » vient enrichir
la maigre discographie de Hasse et le climat doux amer de son premier
air, la galanterie délicate du récitatif
« Placati, o pastorella », reposent
agréablement nos oreilles comme le larynx de l’artiste.
Cordes ou vents, les vingt-cinq instrumentistes de la phalange
montréalaise ne connaissent qu’une manière et
jouent comme un seul homme : francs, allègres,
précis, un peu carrés, efficaces (n’étaient
les cors susmentionnés), sans apprêts inutiles, sans
grande poésie non plus.
Rendez-vous au Théâtre des Champs-Élysées le
18 décembre pour découvrir, « en direct live », ce programme éblouissant.
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