Véronique
Gens
Berlioz
les Nuits d'été
,
La mort de Cléopâtre
La captive
La belle voyageuse
Zaïde
détails
Véronique
Gens, soprano
Orchestre de
l'Opéra National de Lyon
Louis Langrée,
direction
2001 - DDD - VIRGIN
CLASSICS 7243 5 45422 2 0
Bien qu'écrites
dans différentes tessitures, les six mélodies qui forment
Les Nuits d'été sont traditionnellement confiées
à une seule voix, le plus souvent féminine. D'excellents
mezzos ont diversifié les éclairages et renouvelé
notre écoute sans se porter ombrage : Janet Baker (EMI), Frederica
Von Stade (CBS), Brigitte Balleys (Harmonia Mundi), Susan Graham (ERATO)
ou encore récemment Cecilia Bartoli, en concert à Londres,
sous la direction de Pierre Boulez, et Bernarda Fink, à Prague,
sous la férule de John Eliot Gardiner. Par contre, Régine
Crespin (DECCA) éclipse les sopranos qui se sont frottés
au cycle (d'Eleanor Steber à Françoise Pollet) et domine
encore, pour beaucoup de mélomanes, la discographie. A vrai dire,
cette nouvelle version est par trop déroutante et personnelle pour
la détrôner et faire l'unanimité.
Elle s'aliènera
d'abord ceux qui préfèrent de grandes voix et une vision
de l'oeuvre à la fois plus sensuelle et plus dramatique. Véronique
Gens traduit avec bonheur le ton primesautier des mélodies qui encadrent
le cycle (Villanelle, L'île inconnue), mais son Spectre
de la Rose, désarmant de simplicité, épuré,
surprendra plus d'un auditeur, habitué à davantage d'épanchement.
Quant aux trois mélodies centrales, elles baignent dans un climat
lunaire et désespéré où la mélancolie,
n'en déplaise à Rousseau, semble exclure la volupté,
la moindre esquisse de passion : aucune ardeur n'enflamme l'appel
vibrant de l'amant esseulé (Absence) et, alors que la mélodie
oscille entre la douleur de la frustration et le souvenir brûlant
des "baisers", des "désirs inapaisés", l'artiste semble succomber
au seul désespoir... La voix, exsangue et spectrale, livre une évocation
saisissante de l'ombre d'un if (Au cimetière), mais finit
aussi par créer un doute, sinon un malaise chez l'auditeur. La chanteuse
doit composer avec ses moyens et donc avec ses faiblesses : le haut de
la tessiture manque de projection, les aigus sont tendus et serrés
? ce n'est pas un hasard si les textes de Villanelle et de L'île
inconnue sont en grande partie incompréhensibles ? dès
lors, ces phrases murmurées, ces détimbrages recueillis et
soigneusement amplifiés par les micros, semblent relever autant
de l'artifice technique que de la liberté de l'interprète...
En revanche, et
même si Zaïde demande sans doute plus d'esprit, de légèreté,
une douce mélancolie nimbe La belle voyageuse et la
sensibilité de Véronique Gens, sa pudeur, son timbre marmoréen
et en même temps vulnérable épousent à merveille
le spleen entêtant de La Captive.
Au fond, ce disque
vaut surtout le détour pour la formidable Mort de Cléopâtre,
justement sous-titrée "scène lyrique", qui semble arrachée
à un drame plutôt qu'à un recueil de cantates. La chanteuse
était peut-être en meilleure forme pour les sessions d'enregistrement
de cette oeuvre (juin 2000) que pour celles des mélodies (février
2001), toujours est-il que la voix s'épanouit enfin, la noblesse
du chant se pare d'accents raciniens et la méditation de la Reine
d'Egypte ("Grands Pharaons, nobles Lagides...") révèle une
superbe tragédienne. On ne le dira jamais assez, ce n'est pas l'instrument,
mais le style et l'intelligence dramatique qui font la différence
et signent les interprétations mémorables. Au reste, cette
performance s'inscrit dans une mise en scène sonore d'une redoutable
efficacité. Il faut dire que Véronique Gens bénéficie
d'un soutien admirable et sans failles d'un bout à l'autre de son
récital : l'orchestre est toujours à l'écoute de la
soliste, la direction élégante, précise et raffinée
(clarté des textures, richesse des détails, finesse des nuances),
sans verser dans le maniérisme ni l'effusion facile.
Bernard
Schreuders
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