Francesco
Cilea (1866-1950)
G I N A
"Melodramma idillico"
en trois actes de Enrico Golisciani,
d'après
la comédie Catherine ou La Croix d'or de Brazier et Mélesville,
musique de Francesco
Cilea (1866-1950)
Création
le 9 février 1889,
au "Teatrino del
Conservatorio di San Pietro a Majella" de Naples.
"Philarmonia
Mediterranea", Coro "Solisti cantori"
F. M. Capitanucci,
A. N. Alessio, L. Brioli, G. Terranova, A. Porta
Direction :
Christopher Franklin
Textes de présentation
et livret en italien et anglais
Bongiovanni GB 2302/3-2
Enregistré
au Teatro Rendano de Cosenza,
durant les représentations
des 3 et 5 nov. 2000
(Durées :
CD 1: 55'54 et CD 2 : 32'14)
La ville de Cosenza, comptant 90000 habitants, est située en
cette Calabre natale de Francesco Cilea, disparu il y a cinquante ans.
Au milieu de congrès et de publications diverses, le Teatro Rendano
décida de reprendre la première oeuvre théâtrale
de celui qu'on surnommerait plus tard "Le Bellini du Vérisme ".
Demeurée jusqu'ici à l'état de manuscrit, cette
Gina
n'avait été étudiée que par un seul spécialiste
de l'opéra italien, l'aristocratique musicologue et chef d'orchestre
Gianandrea Gavazzeni. Rigoureux personnage allant jusqu'à remarquer
" ...Quel brigante di Bellini ! ", devant les caméras filmant des
répétitions de La Sonnambula, dans laquelle le Maestro
trouvait trop peu de notes ! Bellini nous ramène à Cilea
qui mérita ce surnom par son lyrisme le plus élégiaque,
le plus capiteux et à la fois le plus élégant de toute
la Jeune École italienne ! La délicieuse et profondément
émouvante Adriana Lecouvreur en est le vibrant et délicat
symbole.
Après Gina, Cilea donnera La Tilda (1892), L'Arlesiana
(1897), Adriana Lecouvreur (1902), Gloria (1907) et enfin
Il
Matrimonio selvaggio, (non représenté), puis il se consacrera
à l'enseignement et à la direction de Conservatoires.
Cette Gina se situe à la croisée des chemins en
quelque sorte, l'opéra italien de l'époque "se cherchant"
plutôt, entre la première expérience de Puccini (Le
Villi, 1884) et le style différent de Alfredo Catalani, dans sa
belle Edmea (1886), par exemple. Au moment de la création
de Gina, en février 1889, Puccini préparait son Edgar
aux fortes teintes (créé le 21 avril) et Catalani sa Loreley
(16 février 1889), montrant comme l'Italie pouvait assumer la mélodie
continue à la Wagner mais avec une tout autre chaleur.
La "bombe" marquant le renouvellement de l'opéra italien allait
éclater un an plus tard, lorsque Pietro Mascagni lancerait sa stupéfiante
Cavalleria
rusticana (17 mai 1890). Les deux autres "Grands" de la naissante "Giovane
Scuola italiana", Umberto Giordano et Ruggero Leoncavallo, n'avaient pas
encore composé d'opéras.
L'écoute de Gina surprend un peu car on découvre
un condensé d'influences de l'opéra italien précédent
! L'ouverture adopte un allant bonhomme tout donizettien, avec ces rythmes
à deux temps typiques, les airs versent une mélancolie encore
romantique et les ensembles "concertati" s'enflent en une emphase donizetto-verdienne,
ou pour reprendre les paroles du maestro Gavazzeni : "Dans la nature de
la mélodie, les racines romantiques italiennes sont évidentes
: comme un alliage qui pétrit "bellinisme" et "donizettisme", en
même temps qu'une certaine tournure (*)
dérivant de Gounod et à une grâce légère
de petit-opéra(*) français
". On y trouve également des mélodies typiques de l'opérette
italienne (oui, ça existe !), un peu faciles mais très fluides
et à la forte charge de nostalgie, comme la Valse de Gina au troisième
acte ou la naïve marche finale de l'acte II.
Encore donizettien sera le parfum d'idylle champêtre et militaire
qui s'exhale délicatement de cette partition, pleine de tendresse
comme la Betly du compositeur bergamasque. La Suisse cédant
la place à un village de France au temps de Napoléon, dans
cette histoire sentimentale d'anneau d'or, gage d'amour perdu et retrouvé
grâce à la générosité militaire ...
La "compagnia di canto" (comme on disait au XIXe siècle), assemblée
par le Teatro Rendano fait joliment vivre l'oeuvre. On découvre
d'abord le ténor Gianluca Terranova, au timbre séducteur
et à l'engagement passionné. Le baryton Andrea Porta surprend
par sa belle voix noire et ample, comme du reste, l'autre baryton : Fabio
Maria Capitanucci, avec son timbre chaud et corsé mais se pliant
à la sinueuse mélodie de Cilea. Anna Lucia Alessio (ms.)
est une Gina appliquée et pleine de charme, comme le serait Laura
Brioli (contralto), si sa voix pourtant intense, n'était aussi grinçante.
La
direction du chef Christopher Franklin caresse les tendres couleurs que
Cilea a placées dans son orchestre et fait reluire les belles sonorités
de l'orchestre "Philarmonia Mediterranea". Le Choeur "Solisti Cantori"
est peu employé mais se révèle efficace.
Une belle redécouverte, due à l'infatigable Casa Bongiovanni,
qui fait merveille avec sa devise : "Novità dal Passato" (nouveauté
venant du passé).
...Mais voici que l'orchestre palpite encore comme chez Donizetti !
En place pour le Concertato finale ! ... Oh ! comme on pense à Ponchielli
... la tension monte encore, annonçant ces vagues délicates
et pourtant débordantes de chaleur, et de ce lyrisme enivrant du
futur chef-d'oeuvre : Adriana.
Yonel Buldrini
___________
(*) en français
dans le texte !
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