Susan
Graham
Il
tenero momento
Arias
de Mozart et Gluck (extraits de Paride e Elena, Iphigénie en Tauride,
Orphée et Eurydice, Le Nozze di Figaro, La Clemenza di Tito, Idomeneo
et Lucio Silla)
détails
Susan
GRAHAM, mezzo-soprano
Orchestra
of the Age of Enlightenment
Harry
BICKET, direction
1CD
Erato 8573-85768-2
Superbe texte
de présentation, très joliment écrit, d'André
Tubeuf; le livret d'accompagnement de ce disque, soigné, offre par
ailleurs (outre de belles photos permettant d'admirer Susan Graham sous
toutes les coutures de ses plus beaux travestis mozartiens!), un rapide
rappel du contexte dans lequel se situe chaque aria, proposant ainsi une
intéressante et agréable alternative aux habituelles traductions
en trois langues, ce qui est fort appréciable dans le cas d'une
compilation d'arias comme celle-ci. Il est seulement dommage que l'effectif
exact de l'orchestre ne soit point détaillé.
Tendre Susan
Il est toujours
agréable de retrouver au disque un(e) artiste aimé(e) dans
son répertoire de prédilection. Surtout lorsque le programme
en est aussi alléchant et rondement mené, et débouche
sur un récital homogène et bien balancé, se classant
parmi les disques que l'on ressort avec délectation et gourmandise
de sa discothèque pour l'écouter à plusieurs reprises
comme on relit pour le plaisir un recueil de nouvelles. Et c'est précisément
le cas avec le dernier récital en date de la mezzo américaine
Susan Graham, qui pour son deuxième enregistrement chez Erato a
regroupé des arias de Mozart et de Gluck, les jeunes patriciens
romains côtoyant à cette occasion Iphigénie, Orphée
et Pâris. Si le choix des arias n'est pas des plus originaux, rassemblant
des pages célèbrissimes, le couplage de ces deux compositeurs
n'est pas, sauf erreur, si fréquent que cela au disque, et fonctionne
à merveille.
Le programme de
cet album est des plus intelligents, harmonieusement construit en une arche
partant d'O del mio dolce ardor (auquel répond à la
toute fin du disque le Tenero Momento de Cecilio), arche culminant
avec les trois airs d'Iphigénie, de chaque côté desquels
viennent se placer les arias de Cherubino et Sesto, suivis des deux airs
d'Orphée et du Non ho colpa d'Idamante.
Un programme faisant
donc la part belle aux travestis mozartiens, ce qui n'est que justice tant
la chaleureuse mezzo américaine prête avec sensibilité
et justesse sa voix de velours, ses accents crémeux et ses nuances
raffinées aux tourments de Sesto et Idamante ou aux interrogations
de Cherubino. Tout juste le timbre de miel de la chanteuse peut-il parfois
sembler un peu trop féminin pour le page des Almaviva óréserve
minime tant le questionnement angoissé et le bouillonnement, la
confusion de l'adolescent sont touchants et sincères. Curieusement,
cette réserve disparaît totalement à l'écoute
des autres airs de Mozart. Idamante et Sesto trouvent en Graham l'interprète
quasi idéale de leurs plaintes tourmentées, toujours empreintes
d'une émotion palpable et d'une remarquable dignité ...
Qualités
qui ressortent également de son interprétation des pages
gluckiennes. Si son Orphée poignant se trouve parfois légèrement
dépassé par la virtuosité tout instrumentale des cadences
de Pauline Viardot et souffre un peu de la faiblesse de ses graves, les
trois airs d'Iphigénie, en revanche, offrent un superbe écho
de sa récente prise de rôle lors de l'édition 2000
du Festival de Salzbourg (ce disque a été enregistré
une semaine après les représentations salzbourgeoises), où
la noblesse de son mezzo littéralement sopranisant, la grandeur
et la sobriété de son interprétation (sans oublier
son excellente diction française) en font une prêtresse de
Diane criante de vérité. Quant à l'air de Paride
e Elena qui ouvre ce programme, il offre une excellente entrée
en matière où se déploie dès les premières
notes une voix riche et souple, d'une saine et chaleureuse beauté.
L'accompagnement
honnête de Harry Bicket serait totalement insignifiant n'était
l'excellence des instrumentistes de l'Age of Enlightenment, dont les cordes
nerveuses et les vents raffinés font merveille dans ces pages ;
et il convient de citer tout particulièrement la remarquable clarinette
de basset d'Anthony Pay, dont les interventions affectueuses et volubiles
confèrent au Parto, ma tu ben mio de Sesto une grâce pleine
d'élégance et de tendresse.
Mais la plus belle
réussite de cet album, et en tout cas mon coup de coeur personnel
est sans aucun doute, la toute dernière plage : le fameux Tenero
Momento chanté par Cecilio au premier acte de Lucio Silla et qui
donne son titre au présent récital. Lorsque l'on entend les
trésors de tendresse, de douceur, de fraîcheur qui viennent
teinter le chant toujours spontané de la soliste (admirablement
ponctué par les vents de l'Age of Enlightenment), on n'a aucun mal
à comprendre comment ce rôle lui a ouvert les portes de Salzbourg
au début des années 90. Son empathie totale avec le personnage
de Cecilio (qui se réjouit à l'idée de pouvoir bientôt
voir en cachette sa bien-aimée, et ce dans un contexte on ne peut
plus sombre, puisqu'il est en exil et donné officiellement pour
mort) lui inspire la plus sensible de ses incarnations mozartiennes, qui
fait de cette aria un pur moment d'émotion, et clôt ce très
joli disque sur la plus belle note qui soit : celle de l'espérance.
Le bonheur.
Mathilde Bouhon
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