Edita GRUBEROVA
ADAGIO
NIGHTINGALE CLASSICS NC 190216-2
Edita Gruberova Edition, volume 2
détails
Est-il nécessaire
de revenir sur la carrière d'Edita Gruberova ?
Sans doute faudrait-il
répondre par l'affirmative : outre ses indéniables qualités
de mozartienne, de belcantiste et de straussienne, on oublie trop souvent
la fabuleuse mélodiste qu'elle se révèle être,
lorsque dans le foisonnement de ces concerts, elle vient servir des maîtres
du Lied tel que Schubert, Dvorak, Brahms ou Rachmaninov.
De ces cycles mélodiques,
le disque en a gardé le souvenir à plusieurs reprises ; tout
d'abord la firme Orfeo, avec un programme dédié à
Brahms, Dvorak et Strauss, puis CBS Masterworks dans un récital
Mozart, Debussy et Wolf, et enfin avec quatre anthologies gravées
récemment par la firme Nightingale Classics : " Frühlingslieder
" rassemblant des Lieder de Schubert, Brahms et Mendelssohn, suivi de "
Duett " où Gruberova joint sa voix à celle de Vesselina Kasarova
dans des mélodies de Dvorak, Schumann, Brahms, Mendelssohn et Rossini,
puis un cycle " Dvorak, Rachmaninov et Rimskij-Korasakov " et pour terminer
une somptueuse intégrale des Lieder avec orchestre de Richard Strauss,
où figurent des interprètes de renom tels que Kurt Moll ou
Adriana Pieczonka.
Second volet de
l'édition Edita Gruberova initiée par Nightingale Classics,
" Adagio " s'appréhende comme une anthologie de mélodies
et d'airs d'opéras où la cantatrice d'origine slovaque fait
valoir ici plus ses qualités de mélodiste que de primadonna
assoluta.
Outre un large éventail
des Lieder et mélodies cités plus hauts, ce récital
rassemble également des airs d'opéras ou opérettes
de Delibes, Offenbach, Rimskij-Korsakov, Humperdinck, Strauss, Tchaikovsky
et Zeller.
Si certain d'entre
eux sont déjà connus (car extraits des récitals "The
Anniversary Concert", "Wahnsinnsszenen" et "Operetta Gala"), d'autres ont
été enregistrés spécialement pour l'occasion
: le duo Lakmé-Mallika extrait de " Lakmé ", la barcarolle
des "Contes d'Hoffmann", le duo Pauline-Lisa extrait de " Pikovaja Dama
" et le duo Hänsel-Gretel extrait de l'opéra du même
nom.
Il va sans dire
que si la barcarolle des "Contes d'Hoffmann" et le duo de "Hänsel
und Gretel" n'ont qu'un intérêt très relatif, ils ont
l'avantage de présenter la jeune mezzo-soprano Natela Nicoli. Malgré
des qualités de timbre certaines, la jeune chanteuse ne parvient
pas toujours à convaincre et à imposer sa voix. On vient
à regretter le projet avorté d'enregistrer ces airs, non
pour une simple compilation, mais bel et bien pour un récital de
duos d'opéras en compagnie de la tempétueuse Vesselina Kasarova
: Bellini (peut-être "Norma"), Delibes, Offenbach, Tchaikovsky et
même Wagner (sûrement s'agissait-il " Rienzi ") étaient
à l'honneur !
Bref, à l'écoute
du duo entre Lakmé et Mallika, on en vient à regretter que
Gruberova ne se soit limitée qu'à l'air des clochettes tout
au long de sa carrière ; on imagine aisément quelle fabuleuse
Lakmé elle aurait pu incarner au disque tant qu'à la scène
! Hélas, ses incursions dans le répertoire français
restent rares, et seul demeure le souvenir ému d'une vibrante "Manon"
à Vienne en 1983, avec le bouillonnant Francesco Araiza, puis à
Munich en 1985 avec le décevant Alberto Cupido.
Moins idiomatique
dans le rôle de Lisa, Gruberova semble cependant à son aise,
jouant sur une diction parfaitement articulée et un art de la mélodie
qui n'appartient qu'à elle. Peut-être est-ce ici le seul moment
où Natela Nicoli arrive à imposer ses qualités d'interprète,
jouant plus sur le personnage de Pauline que sur le simple plan mélodique,
à l'instar de Gruberova.
En définitif,
il est toujours difficile de critiquer une compilation, car le simple thème
de l'adagio ne suffit pas comme fil conducteur à un programme trop
morcelé. Certes, le répertoire choisi est intéressant
et bien servi, mais il manque indéniablement de substance dans son
agencement ! Indépendamment du duo Lakmé-Mallika, qui justifie
par lui seul cette anthologie, mieux vaut s'orienter vers des récitals
complets, qu'il s'agisse de mélodies ou d'airs d'opéras.
Yann
Manchon