Gurre-Lieder
Arnold Schoenberg (1874-1951)
Stephen O'Mara, ténor,
Mélanie Deiner, soprano,
Jennifer Lane, mezzo-soprano,
David Wilson Johnson, basse,
Martyn Hill, ténor,
Ernst Haefliger, récitant.
Choeur Simon Joly
Orchestre Philhamonia
dir. Robert Kraft.
2CDs Naxos, 8.557518-19
Avant d'être l'inventeur du sérialisme
en musique, Arnold Schoenberg a produit de nombreuses oeuvres relevant
d'une esthétique moins révolutionnaire, issue du post-wagnérisme
allemand, toutes teintées d'un chromatisme audacieux et faisant
preuve d'intéressantes recherches de timbres.
C'est en 1899, après qu'on lui a refusé l'exécution
de sa Nuit transfigurée, dont les harmonies complexes furent
incomprises, que Schoenberg entama la composition des Gurre-Lieder,
grande fresque lyrique pour solistes, choeur et orchestre, sur des textes
du poète danois Jens Peter Jacobsen, sorte d'épopée
ou de grande ballade médiévale à la fois sentimentale
et tragique. L'oeuvre était destinée à un concours
de composition, et c'est probablement pour cette raison que Schoenberg
prévit pour son cycle un effectif orchestral immense, auquel répondait
un choeur non moins impressionnant de près de cinq cents chanteurs;
la légende veut même qu'il ait commandé du papier réglé
d'un format spécial, les modèles standards ne contenant pas
assez de portées pour tout noter.
Malgré les vifs encouragements de Richard Strauss, le jeune Schoenberg
se découragea vite de l'immense travail qu'il avait entrepris, abandonna
plusieurs fois son ouvrage et il lui fallut pas moins de onze années
pour mettre un point final à sa composition et son orchestration.
Entre-temps, ses amis Berg et Webern avaient déjà transcrit
des parties de l'oeuvre.
La création du cycle eut lieu à Vienne en 1913, alors
que le compositeur avançait déjà dans une voie esthétique
tout autre. L'accueil fut triomphal.
Assez rarement exécutée pour des raisons économiques
et logistiques, les Gurre-Lieder n'en restent pas moins une partition
fort réussie et très caractéristique de l'esthétique
germanique de la fin du XIXè.
La version qui vient de paraître chez Naxos réunit des
chanteurs qui, sans être de tout premier plan, sont pour la plupart
de vaillants wagnériens, c'est-à-dire qu'ils possèdent
des voix d'une puissance exceptionnelle, mais pas toujours d'un très
grand raffinement musical. Dans une telle masse sonore, c'est l'effet global
qu'on vise avant tout, l'intensité dramatique vient tout naturellement
de l'écriture même. Le chef américain Robert Craft
est un grand spécialiste de l'oeuvre de Schoenberg, qu'il a beaucoup
pratiquée tout au long de sa carrière, ainsi que de Stravinsky,
et, à une époque aujourd'hui révolue, de Monteverdi
et Gesualdo ! Ici à la tête d'une véritable armée
de musiciens, il parvient à conserver beaucoup de clarté
à une partition pourtant fort compacte, et mène ses troupes
avec une belle autorité : tempi audacieux, grande rigueur
rythmique et véritable souffle dramatique caractérisent une
interprétation qui met les qualités de l'Orchestre Philharmonia
particulièrement en valeur.
Claude JOTTRAND
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