Giuseppe
VERDI
GUSTAVO TERZO
Version originelle
conçue lors de l'automne1857
et reconstituée
d'après manuscrits, d' Un Ballo in maschera,
version originale
et définitive créée le 17 février 1859 au Teatro
Apollo de Rome
Livret d'Antonio
Somma
d'après
celui d'Eugène Scribe pour Daniel Auber, Gustave III ou Le Bal
masqué
Amelia - Hillevi Martinpelto,
soprano
Ankastrom - Krister St Hill,
baryton
Cristiano - Jonas Landström,
basse
Dehorn - Mats Almgren, basse
Gustavo Terzo di Svezia - Tomas
Lind, ténor
Oscar - Carolina Sandgren, soprano
Ribbing - Åke Zetterström,
baryton-basse
Ulrica - Suzanne Resmark, mezzo-soprano
Choeur et Orchestre de l'Opéra
de Göteborg
Maurizio Barbacini, direction
Dynamic CDS 426/1-2
Enregistré les 11, 13
et 16 octobre 2002 à l'Opéra de Göteborg (Suède)
Textes de présentation
en italien, anglais, allemand et français ; livret en italien et
anglais
(Durées.
Acte I : 47mn.46. Acte II :18mn.29. Acte III : 41mn.29. [cd 1 : 66'28 ;
cd 2 : 62'28])
On connaît les démêlés de Giuseppe Verdi
avec la censure de son temps, notamment à propos du livret d'
Un
Ballo in maschera, mais ce que la majorité du public ignore,
c'est que Verdi a modifié aussi la musique ! Cet enregistrement
effectué à l'Opéra de Göteborg présente
donc le
Gustavo Terzo originel, reconstitué par les réviseurs
qui ont oeuvré pour le compte de la Casa Ricordi, d'après
le manuscrit autographe de Verdi. Ils constatèrent d'abord que,
pour au moins un quart de la partition, les modifications de Verdi l'avaient
conduit à remplacer carrément les feuillets par de nouvelles
pages. Ils eurent alors recours à un document providentiel prêté
par les héritiers de Verdi, sorte d'ébauche de la main du
Maestro, mais qui ne présente que deux ou trois lignes, tandis qu'"
une partition orchestrale complète en contient environ trente",
précisent les réviseurs dans l'intéressante présentation
de la plaquette. D'ailleurs, par moments, l'ébauche est si fragmentaire
qu'il n'est même pas possible de reconstituer quelque chose. Les
réviseurs s'en félicitent même (!), notamment à
propos du génial Finale de l'opéra, en reconnaissant : "l'absence
d'indices sur la première version a été pour nous
un soulagement !".
En fait, c'est là que se situe le noeud de l'intrigue, car cette
approche de la version originelle ne saurait rivaliser avec la musique
définitive laissée par Verdi. Tout au plus, on découvre
avec intérêt la première mouture d'un air bien connu,
surpris de constater que Verdi ne l'avait pas trouvé ainsi, du premier
coup... mais cela nous conduit à apprécier mieux encore le
caractère génial de la forme définitive ! Les interprètes
réunis par l'Opéra de Göteborg avaient donc fort à
faire pour nous convaincre dans une musique parfois plus pâle et
moins habitée. Pour cela, ils auraient au moins dû être
corrects (si ce n'est exceptionnels), mais ils sont parfois seulement honnêtes
et souvent insuffisants.
Le Gustavo Terzo di Svezia de Tomas Lind a une voix de gorge dont l'apparente
souplesse ne saurait compenser l'absence de chaleur. Il hoquette, peine,
use parfois désespérément du portamento pour
grimper vers ses aigus, fait trembler la justesse ou crie (le grand duo
d'amour). Il n'est par conséquent d'aucune aide à l'auditeur,
dérouté de découvrir que dans sa première mouture,
le plus bel air de la partition (acte III) se cherche vraiment.
Par contre, c'est un Gustavo qui, à défaut d'être séduisant,
est humain, c'est-à-dire qu'il a tous les défauts
(précisément !) que cet état comporte. Le baryton
Krister St. Hill rachète un peu la voix dure et le vibrato
dont il affuble Ankastrom, par l'intelligence de son interprétation.
Il sert assez bien la curieuse et intéressante première mouture
de l'air du troisième acte.
Carolina Sandgren est un bel Oscar et elle a du mérite : on notera,
en effet, l'accompagnement plus insistant - et même lourd ! - de
son air d'entrée, tandis que la version définitive l'allège,
affinant ainsi l'espièglerie du page et son portrait psychologique.
L'Ulrica de Susanne Resmark possède pas vraiment les graves profonds
que l'on attend de la devineresse, mais elle réussit, avec ses moyens,
à caractériser le personnage. Les aigus problématiques
de Hillevi Martinpelto handicapent d'emblée la pauvre Amelia, le
timbre est, certes, limpide, mais il se révèle parfois métallique.
L'aigre Cristiano de Jonas Landström fait que, par contraste, l'on
retrouve avec plaisir le timbre moins ingrat de Gustavo... Les conspirateurs
Ribbing et Dehorn, respectivement Åke Zetterström et Mats Almgren,
sont efficacement caractérisés, bien qu'ils partagent le
défaut commun de cette distribution masculine : une articulation
laborieuse et approximative, maltraitant rudement cette pauvre langue italienne,
idéale pour le chant.
Si Oscar n'était pas servi par l'interprète le plus correct
de la distribution, on serait tenté de dire (avec un brin d'ironie,
il est vrai) que le personnage le plus réussi ne chante pas : ce
serait l'orchestre ! Attentif, précis, Maurizio Barbacini habite
vraiment sa direction et donne toutes ses chances dramatiques à
Gustavo
Terzo comme s'il dirigeait Un Ballo in maschera. On ne peut
qu'être ému de l'entendre essayer, avec une passion désespérée,
de combler avec son orchestre le grand duo d'amour du deuxième :
il en fait presque un trio ! Il faut également signaler la fort
bonne tenue du Choeur de l'Opéra de Göteborg, bien préparé
par Natalia Edvall.
Une représentation banale ne mérite pas de faire l'objet
d'un enregistrement... surtout si l'on songe que certains "lives" d'abord
non officiels, font aujourd'hui référence, comme celui dirigé
par Oliviero De Fabritiis au Teatro Comunale di Bologna, réunissant
Carlo Bergonzi, Leyla Gencer et Mario Zanasi, ou celui du Teatro alla Scala
dans lequel l'ardent chef Gianandrea Gavazzeni avait à sa disposition
Giuseppe Di Stefano, Maria Callas, Ettore Bastianini, non pas irréprochables
mais ô combien séduisants !
Viva Verdi ! qui, lui, n'a pas besoin de changer de masque.
Yonel BULDRINI
Pour en savoir plus, voir notre dossier :
Gustavo Terzo ... un autre
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