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HAENDEL
OPERA SERIA

Scoglio d'immota fronte : Scipione
Verdi piante : Orlando
Che sento? Oh Dio! Se pieta : Giulio Cesare
L'amor ed il destin : Partenope
Ah spietato : Amadigi
Brilla nell'alma un non intenso ancor : Alessandro
Ombre piante, urne funeste : Rodelinda
Combattuta da due venti : Faramondo
Cor di padre : Tamerlano
M'ai resa infelice : Deidamia
Son qual stanco pellegrino : Arianna in Creta

Sandrine Piau, soprano
Les talens lyriques
Christophe Rousset

1 CD Naïve, E8894


On a pu le lire dans ces colonnes mêmes, Haendel a le vent en poupe, le présent récital qui paraît en même temps que celui de Renée Fleming venant témoigner brillamment de cet état de fait. Vouloir comparer ces deux disques tant sur le programme que sur la réalisation reviendrait cependant à mettre dans la balance des "poids" forcément disproportionnés... Et pourtant sans se livrer à cet exercice forcément partisan, osera-t-on dire que Sandrine Piau sortirait grand vainqueur de la confrontation ? Ne tournons d'ailleurs pas plus longtemps autour du "pot" et disons le bien fort, là où Fleming propose un éblouissant objet de marketing, Piau cisèle en orfèvre vocal un véritable petit chef-d'oeuvre.

Il faut dire que Haendel est sans doute le compositeur qui, le plus régulièrement, accompagne la carrière de l'artiste, au disque comme à la scène. Après un récital Mozart déjà très remarqué chez le même éditeur, Piau, forte de sa longue fréquentation du "caro sassone", livre aujourd'hui l'opus le plus incontournable de sa déjà riche discographie.

Impossible de détailler chacun des airs abordés ici, tant l'art de Piau lui-même est constitué de micro-détails, d'un souci maniaque et quasi-maniériste attaché à la ligne, au mot comme à l'inflexion. Sans doute sommes-nous là confrontés à un sommet de fabrication; ainsi, jamais l'idée de "feu d'artifices" n'aura eu autant de signification que dans le cas présent.

Piau reste cependant idéalement maîtresse du son, de l'affect, timbre libre et libéré de cette émission "dans une bulle" qui paralyse, parfois, certaines de ses prestations, lorsque la note est comme aspirée et nimbée de souffle. Crâne, la voix est ici menée à la fois fièrement et délicatement, d'une justesse de touche jamais prise en défaut. Chaque air, isolé dans le contexte de l'air de concert, est un monde en lui-même, culminant cependant dans un "Se pieta" en apesanteur, tendre et retenu, pétrifié, à la fois doloriste et livré à un abandon stoïque. Il y a d'autres réussites comme les dantesques "Scoglio d'immota fronte" et "Combattuta da due venti" brillants, emportés, d'un aplomb vertigineux, à la virtuosité fièrement assumée et pour lesquels la technique semble utilisée comme adjuvant au naturel dramatique.

Pour ses cadences, Piau s'est adjoint les services de Jérôme Corréas qui lui avait déjà prêté sa verve et son inventivité folle pour son précédent disque Mozart... Cela avait donné des airs de Mitridate et de Lucio Silla, entre autres, absolument magiques, tétanisant et véritables abîmes sonores. Mais Sandrine Piau n'est jamais prise au piège d'une image de poupée mécanique, de boîte à musique aux rouages bien huilés. Sa Cléopâtre ainsi, lorsque la cadence est reprise en main par Rousset, se voit subtilement modulée, lancée comme une expiration fluide, à peine heurtée et parcourue de larmes, jamais démonstrative.

Car Rousset règne en maître d'oeuvre attentif, à la fois habile faiseur, soutien toujours présent et pourtant partenaire discret qui, dans les "airs de tempête" comme dans la déploration, déploie son orchestre en touches brillantes, tapis sonore virtuose aux couleurs changeantes, innervées autant que moirées et aux pupitres solistes (hautbois, traverso et violoncelles) jouant toujours le jeu du dialogue et de l'écho dans un rapport fusionnel avec la voix (superbe "Arianna in Creta" qui clôt le récital avec retenue lorsqu'il aurait été facile de le faire ans une allégresse plus payante).

Un bijou donc, véritable travail de musicienne hors pair, auquel ne manque ni le panache ni non plus la sincérité, qui s'écoute à l'envie et pourtant jamais jusqu'à l'écoeurement, ce qui est bien le privilège des plus grands.
  


Benoît BERGER




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