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Leos Janacek (1854-1928)
JENUFA
Opéra en trois actes,
scènes de la vie paysanne morave
Livret du compositeur
d'après Sa belle-fille de Gabriela Preissova
Grand-mère Buryja : Viorica Cortez
Laca Buryja : Jorma Silvasti
Steva Buryja : Pär Lindskog
La sacristine Buryja : Eva Marton
Jenufa : Nina Stemme
Starek : Rolf Haunstein
Rychtar : Enric Serra
Rychtarka : Begona Alberdi
Karolka : Christiane Boesiger
Une bergère : Carole Marais
Barena : Sandra Galiano
Jano : Ana Nebot
Tetka : Annett Andriesen
Orchestre symphonique et choeur du Teatre du Liceu
Direction Peter Schneider
mise en scène Olivier Tambosi
Gran Teatre del Liceu Barcelona :
27 mai / 2 juin 2005
DVD TDK
Nina en Moravie, un voyage réussi.
La production d'Olivier Tambosi
conçue pour l'Opéra de Hambourg, n'a pas l'intense
beauté de celle de Stéphane Braunschweig, mais sa
sobriété et sa clarté jouent, au bout du compte,
en sa faveur. Ici pas d'excentricité, de transposition
hasardeuse, ou d'anachronisme (juste une allusion picturale à
Magritte au second acte), seulement le poids de la Nature (la terre, la
pierre), qui agit sur les hommes et conditionne leurs comportements,
souvent primaires, voire archaïques.
Dépeinte avec froideur et réalisme, cette micro
société brutale et cruelle, figée dans ses
traditions et ses propres tabous, pèse sur chaque individu, tout
en façonnant de fortes personnalités : Jenufa, femme
blessée qui sait pardonner pour se relever, les frères
ennemis Steva et Laca, pétris de jalousie et la sacristine,
terrible et pathétique. Peu de folklore ou
d'éléments inutiles, mais des images à
l'esthétique dépouillée, qui mettent en
lumière les linéaments de cette sombre histoire de
famille où l'amour est à la fois destructeur et
rédempteur.
La direction incisive et râpeuse de Peter Schneider, aux tempi
plutôt rapides, ne possède pas la rage et l'inflammation
qui caractérisait celle de Sylvain Cambreling au
Théâtre du Châtelet ; il lui manque pour convaincre
totalement l'inspiration dramatique qui investit la scène et
marque pour longtemps l'auditeur.
Dans le rôle-titre, Nina Stemme,
très attendue et fêtée comme il se doit par le
public barcelonais, fait grand effet. A la différence de Karita
Mattila, la plus extraordinaire titulaire du moment (qui a d'ailleurs
été vue dans cette mise en scène), sa voix large
et homogène sur toute la tessiture s'adapte sans effort apparent
à la moindre inflexion et se plie aux diverses extensions
vocales. Pour autant son chant est moins enflammé, ses aigus
moins pénétrants et la gradation des couleurs un peu plus
uniforme. Imposante scéniquement, quoique plus
réservée que Mattila, qui avait trouvé son
maître en la personne de Braunschweig - il suffit pour s'en
convaincre de comparer la scène où Laca lui taillade la
joue, autrement plus marquante que chez Tambosi - Stemme va à
l'essentiel, privilégiant le naturel et la simplicité
jusque dans le registre de l'émotion, qu'elle "gère" avec
conviction, sans donner encore l'impression de pouvoir se laisser
submerger par elle.
Malgré les années, Eva Marton
a conservé un impressionnant volume sonore, mais en contrepartie
une voix morcelée à la justesse aléatoire. Sa
Kostelnicka apparemment intransigeante, est finalement plus maternelle
que celle de l'intraitable Anja Silja (à Paris ou à
Londres), ce qui atténue la portée de son geste, pourtant
impardonnable. Pär Lindskog
confère au lâche Steva l'indispensable part de veulerie
qui lui sied, tandis que Jorma Silvasti compose une nouvelle fois un
Laca imprévisible, capable du pire (défigurer Jenufa d'un
coup de couteau) comme du meilleur (la sauver, en l'épousant).
Belle captation signée Pietro d'Agostino
qui n'oublie pas les rôles secondaires, tenus avec tact par
Viorica Cortez (grand-mère Buryja), Rolf Haunstein (Starek),
Christiane Boesiger (Karolka) et Ana Nebot (Jano), pour ne citer
qu'eux.
François Lesueur
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