Olivier
Knussen
A Double Bill
of Fantasy Operas
HIGGLETY PIGGLETY
POP !
or There must be
more to life, op. 21
Opéra en
trois parties et neuf scènes sur un livret de Maurice Sendak et
Oliver Knussen, d'après le livre de Maurice Sendak ; 1984-85, version
définitive de 1999.
Avec Cynthia Buchan
(Jennie), Lisa Saffer (Potted Plant / Baby / Mother Goose),
Rosemary Hardy
(Rhoda / Voice of Baby's Mother),
Christopher Gillett
(Cat-Milkman / High Voice of Ash Tree),
David Wilson-Johnson
(Pig-in-Sandwich-Boards / Low Voice of Ash Tree),
Stephen Richardson
(Lion)
WHERE THE WILD
THINGS ARE, op. 20
Opéra en
un acte et neuf scènes
sur un livret de
Maurice Sendak et Oliver Knussen,
d'après
l'ouvrage de Maurice Sendak ; 1979-83.
Avec Lisa Saffer
(Max), Mary King (Mama / Tzippy, the Female Wild Thing),
Christopher Gillett
(Wild Thing with Beard / Goat Wild Thing),
Quentin Hayes (Wild
Thing with Horns),
David Wilson Johnson
(Rooster Wild Thing),
Stephen Richardson
(Bull Wild Thing)
London Sinfonietta
Oliver Knussen,
direction
Coffret 2CD Deutsche
Grammophon 20/21 469 556-2 GH2 ; TT : 101'37
Enregistré
au studios d'Abbey Road, Londres, en mars 1999.
Très belle
et imaginative présentation en "digipack" sous coffret, reproduisant
des dessins originaux de Maurice Sendak tirés de Higglety Pigglety
Pop et Where the Wild Things Are.
Texte d'accompagnement
intéressant de Julian Anderson ; le texte, les biographies des auteurs
et les synopsis des opéras sont traduits en français.
Livrets originaux
en anglais avec traduction en allemand.
Qui, enfant, ne s'est pas endormi,
la tête pleine de rêves fantaisistes, les poings serrés
(de concentration et d'excitation), un livre de Maurice Sendak bien calé
sous le bras ? ["moi !" - note du directeur de la publication qui vous
embrasse, au passage] Vous, je ne sais pas, mais moi en tout cas, j'avais
(et j'ai toujours) sur mon étagère un de ses livres - et
cela a marqué mon imaginaire de petite fille à l'imagination
galopante. Croyez-en mon expérience de gosse: visages joufflus de
nouveaux-nés grimaçants (sans doute parce que réfléchissant
trop), "Maximonstres" aux yeux jaunes, animaux zinzins et décors
à la fois très beaux et inquiétants, incitant à
la rêverie tout en suggérant le cauchemar sous-jacent - l'univers
de Sendak est l'un des plus originaux et des plus poétiques qui
soient parmi les monceaux de livres pour enfants disponibles à l'heure
actuelle, à l'image d'un Tomi Ungerer, par exemple.
Adapter cet univers à la
scène, et qui plus est à l'opéra, n'était a
priori pas chose aisée. Il fallait pour cela beaucoup, d'humour
bien sûr, mais aussi de finesse et de sensibilité - et (ne
vous fiez pas à son physique d'apprenti Santa-Claus-Barberousse),
fort heureusement, Oliver Knussen en a à revendre. Jamais sa musique
ne tombe dans le facile ou le sentimentalisme gnangnan sous prétexte
qu'elle s'adresse à des enfants.
Mais, au fait, s'adresse-t'elle
vraiment à des enfants ? Rien n'est moins sûr. Et ce n'est
pas la moindre des qualités de Knussen que de ne pas clairement
cibler son auditoire - car après tout, même si l'on s'adresse
à des enfants, cela doit-il forcément s'entendre ?
Quoiqu'il en soit, qu'il s'agisse
de la terrière Jennie qui s'ennuie, tellement gâtée
qu'elle en vient à désirer "autre chose de la vie que de
tout avoir" et fait son baluchon (Higglety Pigglety Pop), ou de Max, le
vilain garnement - wild thing!- puni qui prend le large afin d'assouvir
ses rêves d'autorité (Where the Wild Things Are), les deux
courts opéras enregistrés ici (sauf erreur pour la première
fois) sont tous deux le récit de voyages, et même de voyages
initiatiques.
Musicalement, les deux úuvres
sont pleines de charme et diablement bien écrites - et se font autant
écho par leur construction musicale que par la similitude des scénarii.
Chacune pourrait avoir une vie séparément de l'autre, mais
il est vrai que leur association en un diptyque les mets mieux en valeur.
"Higglety..." part de la voix
a cappella de Jennie rêvant à une vie moins ennuyeuse pour
aller progressivement à la rencontre de personnages variés,
suivant un cheminement par scène où chaque scène correspond
à une nouvelle rencontre (la plante, le cochon-sandwich, le chat
laitier, Rhoda, Bébé, le lion, le frêne) pour, une
fois l'initiation de Jennie accomplie, déboucher sur un grand ensemble
puis une représentation mettant en scène la plupart des protagonistes
; "Wild Things", en revanche, suit presque exactement le schéma
inverse: partant du vacarme assourdissant généré par
Max l'excité, l'úuvre s'achève comme sa súur a commencé,
par la voix solo de Max revenu à la réalité de sa
vie de petit garçon par l'odeur de son dîner chaud. Aux aspirations
de la chienne répond ainsi de loin le quasi-renoncement du garnement
devenu sage comme une image. Mais à l'intérieur même
de cette vaste arche générale reliant les extrémités
des deux úuvres se trouvent d'autres correspondances plus intimes, notamment
par l'apparition dans les deux opéras de pastiches classiques non
dénués d'humour et d'élégance.
Les réminiscences musicales
que peut évoquer l'audition de ces deux pièces sont nombreuses
- le fait est qu'il faut saluer non seulement la très vaste culture
de Knussen, mais également sa fascinante virtuosité à
naviguer d'une saveur musicale à l'autre, et ce sans jamais se départir
d'une personnalité propre bien affirmée. Pas de doute possible:
chaque note est du pur Knussen, même si elle peut évoquer
Britten ou Mussorgski (notons une citation - drôle et fort approriée
- du couronnement de Boris au couronnement de Max dans Wild Things). Et
sans vouloir me hasarder à jouer avec le concept parfois tarte-à-la-crème
d'une éventuelle "nationalité" musicale, je ne puis cependant
m'empêcher de remarquer une certaine parenté sonore - certes
éloignée - reliant Knussen à son cadet George Benjamin,
notamment du côté de l'orchestration (tous deux faisant preuve
d'un raffinnement sonore pour le moins envoûtant).
Autre fait remarquable: l'excellente
caractérisation musicale des différents personnages, particulièrement
flagrante dans Higglety où chaque individu rencontré par
Jennie fait entendre un langage musical propre, défini par un intervalle
particulier, le Cochon par exemple posant dès le départ son
caractère terrien et affable à l'aide de tierces majeures,
quand le Chat, aux lignes aussi sinueuses que son panache codal, distille
lui des tierces mineures... Le résultat est du plus bel effet, plongeant
l'auditeur dans un univers certes méconnu et plein de surprises
(l'une des plus inattendues et bienvenues étant l'idée de
végétaux polyphoniques, effet aussi intrigant que séduisant)
et pourtant toujours confortable.
Les interprètes du présent
enregistrements sont tous parfaitement rompus à la fréquentation
du répertoire contemporain (on a notamment pu remarquer Rosemary
Hardy dans le volume 4 de la Ligeti Edition chez Sony, par exemple), qu'ils
interprètent avec bonheur et justesse (mention spéciale à
David Wilson-Johnson fort sympathique et bonhomme dans le rôle d'un
Cochon à la tête bien sur ses épaules, ainsi qu'au
Chat énigmatique et racé de Christopher Gillett, que l'on
imagine parfaitement en train de le lisser les moustaches avec un sourire
sybillin); et il va sans dire que le toujours formidable London Sinfonietta
se montre une fois de plus à la hauteur de sa réputation
sous la direction élégante et inspirée du compositeur.
Aussi, si vous avez conservé
en vous la moindre parcelle du terrain de jeu imaginaire de l'adorable
petite tête blonde ou brune que vous fûtes un jour, n'hésitez
surtout pas, embarquez pour un voyage aussi poétique que coloré
avec Jennie et tous les autres sur le navire de Max en partance pour le
pays des Maximonstres! Vous ne serez pas prêts d'oublier les lancinantes
volutes musicales de la Plante sur "the nothing which is everything" ni
la frénésie rythmique quasi télégraphique du
moto "E - X - one - one-two - one-two!" saisissant Jennie et le Cochon,
parole de wild thing !
Mathilde Bouhon
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