Lamento
Johann Christoph Bach
Ach, dass ich Wassers g'nug
hätte
Francesco Conti
Languet anima mea
Johann Sebastian Bach
Vergnüte, Ruh, beliebte
Seelenlust BWV 170
Bekennen will ich seinen Namen
BWV 200
Carl Philipp Emanuel Bach
Selma
Johann Christoph Friedrich
Bach
Die Amerikanerin
Magdalena Kozena, mezzo-soprano
Musica antiqua Köln
Reinhard Goebel
Durée : 55'51''
Enregistré en février
2003 à Cologne
1 CD DG 0 28947 41942 6
Moins inépuisable que celle du Cantor
mais tout aussi passionnante, la musique des membres de la famille Bach
réserve des merveilles que Reinhard Goebel explore depuis plusieurs
années. Après les oeuvres orchestrales et concertantes des
fils Bach, il nous livre aujourd'hui un riche programme de pages vocales
qui mettent en perspective l'oeuvre du maître de Saint-Thomas. Interprète
protéiforme et musicienne rompue à ce répertoire,
Magdalena Kozena se révèle la partenaire idéal par
l'intelligence de son art. Et ce dès le
lamento liminaire
de Johann Christoph Bach, vaste plainte hypnotique, qui pénètre
l'auditeur au fil des strophes avec une redoutable et fascinante acuité.
L'ébouriffante cantate de Conti, que Bach a copiée et interprétée
à plusieurs reprises, où se succèdent joute virtuose,
élégie pathétique et vocalise jubilatoire témoigne
de la complicité des deux interprètes qui rivalisent de verve
et d'inventivité musicale. Coeur du programme, la cantate BWV 170
est portée par une grâce et un souffle frénétique
que l'on retrouvera, dans son versant profane, avec le mélodrame
de Johann Christoph Friedrich Bach,
L'Américaine, soliloque
d'un amant éconduit qui invoque la mort. Les deux musiciens varient
et enchaînent les
affetti pour conférer à la
scène une force théâtrale imprévisible.
Mais qu'est-ce qui fait que notre bonheur n'est pas total ? L'interprétation
y est pourtant de bout en bout irréprochable. Mais où sont
les larmes, les pleurs et l'ire divine du lamento de Johann Christoph
? Où sont les blessures et les flèches de la cantate de Conti
? Où sont les chants infernaux, les douleurs et la rancune dont
nous parle Bach dans sa cantate ? Où sont, enfin, les coups, les
piqûres et les souffrances de l'amant de l'Américaine ? L'univers
de Goebel est policé et homogène, à l'instar de la
voix de la mezzo, d'une uniformité et d'une blancheur que seuls
les mots peuvent animer. Il lui manque cette capacité à colorer
chaque syllabe, cette bigarrure un rien charnelle d'une Dorothea Röschmann
ou d'une Bernarda Fink. Tout est propre, lisse, réfléchi
(et admirablement) mais il y manque un abandon primaire, un dolorisme un
peu sauvage que la tournée de concerts qui a suivi l'enregistrement
a dû ôter. Même si le résultat est magnifique,
celui qui s'attend à voir un Grünewald ne pourra qu'être
déçu de se retrouver face à un Zurbaran.
Sévag TACHDJIAN
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