Récital des
Lauréats Belges
du Concours Reine Elisabeth
2004
Shadi TORBEY, basse
David Miller (piano)
Déodat de Séverac
Le Roi a fait battre tambour
; Le Roi Renaud
Giacomo Meyerbeer
La Chanson de Maître
Floh ; Le Moine
Camille Saint-Saëns
La danse macabre ; Le pas
d'armes du roi Jean
Lionel LHOTE, baryton
Daniel Blumenthal (piano)
Francis Poulenc
Chansons gaillardes
Jacques Ibert
les Chansons de Don Quichotte
1 CD CYPRES CYP 9618
55'15'' - chanté en français
textes introductifs en français,
néerlandais, anglais et
allemand.
Poèmes non inclus.
Les lauréats belges du dernier Concours
Musical International Reine Elisabeth de Belgique s'offrent ici un magnifique
récital. Pas vraiment une carte de visite, car n'est présent
ici que le monde de la mélodie. Nous avons en effet vu et entendu
ce que ces deux talents pouvaient donner tant dans l'oratorio que dans
le domaine lyrico-dramatique.
Shadi Torbey, né en 1976, belge d'origine libanaise, excelle
dans la musique baroque. Et pourtant, c'est un tout autre répertoire
qu'il présente ici : la mélodie française du dix-neuvième
siècle. Deux mélodies par compositeur. Et, pour débuter,
Déodat de Séverac, musicien essentiellement connu par ses
cycles pianistiques. Ses mélodies, simples et strophiques, se caractérisent
par un subtil archaïsme pseudo-médiéval, une belle sensibilité
harmonique, et un retour à la chanson populaire, bien dans la ligne
de la Schola Cantorum dont il était issu. Giacomo Meyerbeer, quant
à lui, est avant tout auteur d'opéras, cela se sent tout
au long de ce Moine (8'30''), histoire d'un moine tenté par
des "pensers d'amour, enivrantes images" et qui, maudit, se lance vers
les "coupes de volupté". Curieux texte, et musique fidèlement
descriptive. Tout comme celle de La Chanson de Maître Floh,
suivant les (més)aventures d'une cruche de vin...ivre "comme un
bedeau". Torbey s'y révèle admirable chanteur (les notes
graves sont très sollicitées) et diseur. Qualités
qui se retrouvent chez Saint-Saëns, avec une Danse macabre
prise malheureusement beaucoup trop lentement, et un brillant Pas d'armes
du roi Jean, clôturant sa partie par un feu d'artifice.
Lionel Lhote, né en 1974, lui, est un homme d'opéra
avant tout. Les auditeurs de la finale de sa prestation au CMIREB se souviendront
toujours de son inénarrable "Largo al factotum". Le cadre de la
mélodie pourrait le trouver un peu étriqué, ce que
l'on ressent dans les Chansons de Don Quichotte de Jacques Ibert,
lesquelles semblent nécessiter une voix plus intime. Et pourtant,
Lhote les interprètent avec un grand sentiment (coda de la Chanson
à Dulcinée, Mort de Don Quichotte) et un style
parfaitement nuancé dans les vocalises qui émaillent le petit
cycle créé par Chaliapine pour le film de Pabst. Mais il
donnera évidemment toute sa mesure théâtrale dans les
si amusantes Chansons gaillardes de Poulenc, allègres et...bien
friponnes (L'Offrande). Il possède ce sens du texte, et la
gouaille idéale pour les chanter, les jouer. Ecoutez La belle
jeunesse par exemple (plage 13). Et puis, quel bel accompagnement de
Daniel Blumenthal !
Un CD quasi parfait donc, et qui procure grand plaisir à l'audition.
Quasi ? Oui, car cette production Cyprès est atteinte d'un vice
grave, apparent et rédhibitoire, au niveau de la pochette introductive
: les textes des poèmes ne sont pas inclus, ce qui, pour un récital
de mélodies, est inacceptable. Si l'on peut éventuellement
les retrouver dans d'autres CD en ce qui concerne Poulenc, Ibert ou Saint-Saëns,
les mélodies de Séverac ou de Meyerbeer étant des
raretés, il faut aller les rechercher sur www.recmusic.org
(un formidable site qui publie en français tous les lieder et mélodies).
Ce n'est pas très sérieux, tout de même, ni professionnel.
Dommage pour ce disque, auquel, sinon, j'aurais accordé mes plus
grands bravos.
Bruno PEETERS