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Récital Magali Léger
Gabriel Fauré (1845-1924)
Mélodies
La Bonne Chanson, op. 61
Vingt Mélodies, 2e Recueil
Après un rêve, op. 7 n°1
Michaël LEVINAS : piano
1 CD M&A
Toute la grâce fauréenne
C’est un divin programme que Michaël Levinas a soumis au soprano frais et fruité de Magali Léger.
On ne souligne pas assez souvent en effet le rôle essentiel tenu
par Gabriel Fauré dans l’évolution de la musique
française à la charnière des dix-neuvième
et vingtième siècle, en tant que compositeur et
pédagogue, la subtilité de son univers poétique,
l’audace de ses constructions harmoniques et la quasi-perfection
de sa prosodie. Sous l’apparent classicisme du maître se
manifeste par ailleurs une réelle modernité. Il en
résulte des pièces d’une grâce et d’une
délicatesse infinies, terriblement exigeantes pour leurs
interprètes en ce qu’elles réclament de
subtilité, d’élégance et de parfaite fusion
entre la voix et le piano. La moindre tentation démonstrative
aboutirait immanquablement à un échec cuisant.
Le récital s’ouvre avec La Bonne Chanson, cycles de mélodies inspirées de poèmes de Verlaine, composées entre 1892 et 1894 par Fauré
et dédiées à sa muse Emma Bardac. Dans
l’oeuvre du poète lorrain, le compositeur a puisé
neuf pièces de façon à construire le récit
d’un amour, de sa naissance jusqu’aux noces. Ce recueil
constitue incontestablement le chef-d’oeuvre mélodique de
Fauré, par sa grâce mélodique et harmonique comme
par la cohérence de sa construction. Michaël Levinas
souligne à raison que La Bonne Chanson est une « forme globale » avec des motifs pianistiques unificateurs. Les Vingt Mélodies,
publiées en 1897 et remaniées en 2006, notamment sur des
poèmes d’Armand Sylvestre, sont de facture plus classique
dans la forme. Le recueil s’achève avec le
délicieux Après un rêve, inspiré d’une
poésie toscane anonyme traduite en vers par le poète
Romain Bussine. Il est à noter que les deux interprètes
ont tenu à effectuer un travail sur la prononciation et
l’accentuation pour revenir au plus près des
sonorités de la langue française à la fin du
dix-neuvième siècle.
Le chant de Magali Léger
s’impose par sa légèreté et son naturel. La
cantatrice joue d’un timbre ensorcelant,
s’épanouissant dans l’aigu comme une fleur
capiteuse, et confirme ses affinités avec la musique
française, après de sublimes Laoula et Leïla. Sa
maîtrise du souffle et de la coloration lui autorise les plus
délicates inflexions et les plus précises nuances. On
s’abandonne avec ivresse à ce chant angélique qui
épouse si étroitement la partie pianistique. Maître
d’oeuvre de cet enregistrement, Michaël Levinas
maîtrise avec science et délicatesse l’univers
harmonique complexe de Fauré. Rarement avons-nous
l’occasion d’entendre pareille fusion entre la voix et le
clavier, tous deux rivalisant de souplesse et de raffinement et
refusant tout effet démonstratif. Ce récital se
déguste comme un plat subtil, chacune des mélodies
constituant une aventure musicale intime. Il a de surcroît
l’immense mérite de nous rappeler quel maître de la
mélodie était Fauré, dont la grammaire a
trouvé ici deux interprètes idéaux.
Vincent DELOGE
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